Ama Hemmah
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Condamnée pour | Sorcellerie () |
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Ama Hemmah, née en et morte le , est une Ghanéenne résidant à Ajumako Asaeso, brûlée vive par des individus qui l'accusaient de sorcellerie. Ce meurtre a été fortement médiatisé au Ghana comme à l'étranger. Il a réactivé le débat public au Ghana concernant le sort des personnes victimes de ce type d'accusations.
Biographie
[modifier | modifier le code]Ama Hemmah est née en 1938[1] et réside à Ajumako Asaeso. C'est une femme pauvre, se livrant parfois à la mendicité[2]. D'après le témoignage de son fils Stephen Kwame Offusu Yeboah, elle est saine d'esprit mais manifeste des pertes de mémoires en raison de son âge[3].
Meurtre
[modifier | modifier le code]Elle aurait décidé le 1 de rendre visite à son fils habitant à Tema[2] le soir. Sa famille lui aurait déconseillé d'entreprendre le voyage, car son fils ayant déménagé il était possible qu'elle n'arrive pas à trouver sa nouvelle adresse. Elle part néanmoins avant le lever des autres membres de la famille, au petit matin. Son fils Yeboah, mis au courant tente d'aller la chercher à la station de bus d'Ajumako pour la ramener à la maison, mais sa tentative échoue. Une habitante de Tema, ville située à 25 km d'Accra, témoigne que la vieille dame l'a approchée le jour de l'incident lui demandant de l'aide. Ama Hemmah lui a raconté qu'elle s'est perdue après s'être endormie durant le trajet, et qu'elle est descendue à Tema. Elle lui aurait demandé de la nourriture et de l'eau, ainsi que de l'argent pour pouvoir retourner à son village. Après avoir reçu un bout de pain, la vieille dame serait repartie[4].
Le , Hemmah est torturée à Tema par cinq personnes qui l'accusent d'être une sorcière, jusqu'à ce qu'elle «avoue». Elle n'a a priori aucun lien avec eux.
À l'origine du drame il y aurait eu la présence jugée étrange d'Ama Hemmah assise dans la chambre d'Emelia, sœur du pasteur Samuel Fletcher Sagoe[5] ; Emelia était seule, ses enfants ayant été envoyés à l'école. Les cinq suspects sont le pasteur pentecôtiste Samuel Fletcher Sagoe, âgé de 55 ans, Samuel Ghunney, un photographe de 50 ans[6], Emelia Opoku, 37 ans, Nancy Nana Ama Akrofie, 46 ans, et Mary Sagoe, 52 ans. Ils détiennent la vieille dame 4 heures durant la torturant pour lui arracher des aveux, puis l'aspergent de kérosène et mettent le feu[7],[4],[3],[5],[8],[9].
Une étudiante infirmière vient à son secours et l'envoie au poste de police de Community One. Hemmah est ensuite transférée à Hôpital général de Tema (en), où elle décède le lendemain[3],[10].
Suites judiciaires
[modifier | modifier le code]Les principaux suspects sont le pasteur et le photographe. Ils affirment avoir tenté d'exorciser Ama Hemmah, sans pratiquer aucune torture[3]. L'huile d'onction utilisée dans le rite d'exorcisme aurait pris feu par accident[11],[12]. Ils sont inculpés pour meurtre. Quatre autres personnes sont arrêtées en lien avec le crime, puis libérées sous caution en attendant le procès[7],[13].
Le procès est instruit par Johana Yankson, qui reporte la procèdure au 20 décembre 2010, dans l'attente des résultats de l'autopsie de la victime[8].
Dans un article d'août 2020, le journaliste Cameron Duodu (en) s'insurge contre le fait que dix ans plus tard, justice n'a toujours pas été rendue, malgré le retentissement médiatique de cette affaire[14]. Ce journaliste met en cause la police ainsi que la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative (CHRAJ) créée en 1993 « en tant qu'institution indépendante conçue pour protéger les droits et libertés fondamentaux de l'homme au Ghana »[14]. Selon lui la CHRAJ se mobiliserait davantage en faveur des personnes ayant un haut niveau d'éducation, et ne viendrait pas suffisamment en aide aux personnes les plus défavorisées socialement[14].
Débats au Ghana relatifs au meurtre de Ama Hemmah
[modifier | modifier le code]Selon le journaliste Cameron Duodu (en) le crime est « motivé par un sectarisme religieux alimenté par un fanatisme évangélique »[14].
Un article de NBC News daté de 2011 rapporte que le meurtre de A Hemmah a relancé dans le pays le débat sur les accusations de sorcellerie que certains voudraient rendre illégales, et sur les «camps de sorcières», qui devraient être fermés[15],[16]. Selon ce même article, «la croyance en la sorcellerie et les pouvoirs surnaturels est courante dans tout le Ghana et les pays africains et est souvent encouragée par les pasteurs qui prêchent dans les nombreuses églises charismatiques du pays[15]. Les thèmes surnaturels et la sorcellerie sont également très présents dans les films et programmes télévisés ghanéens et ouest-africains»[15]. Quant aux camps de sorcières, le gouvernement ghanéen est d'après une étude de 2020 en train de les fermer et d'oeuvrer en faveur de la réinsertion dans la société des femmes accusées de sorcellerie[17]. Ces camps avaient pour but d'offrir un asile à des femmes dites «sorcières» et exclues de leur communauté ; toutefois, les conditions de vie y étaient déplorables[17].
Le chef des services de psychiatrie du Ghana, le Dr Akwesi Osei, évoque la nécessité d'une campagne d'information sur les troubles psychologiques et sur les changements qui accompagnent la ménopause, certaines fractions de la population ayant tendance à associer à la sorcellerie des comportements jugés étranges mais qui peuvent s'expliquer scientifiquement[15].
Le Révérend Père Cyril G. K. Fayose (Église presbytérienne évangélique au Ghana) note l'implication d'un pasteur dans le meurtre de Ama Hemmah ; toutefois il estime que le problème tient aux croyances polythéistes[18].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) « Ghanaian woman burned to death for being a 'witch' », The Guardian, (consulté le )
- (en) Cameron Duodu, « Savagery In The Name Of Religious Belief », sur Modern Ghana (consulté le )
- (en) « Ghana seeks to disband witch camps », sur NBC News (consulté le )
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Jude G. Akudinobi, « The Witches of Gambaga (review) : African Studies Association », African Studies Review, vol. 55, no 2, , p. 195-196 (DOI 10.1353/arw.2012.0038, lire en ligne).
- (en) « Ghana "Witch" Killing Points to a Broader Culture of Fear and Superstition », sur HuffPost, (consulté le )
- (en) « Ghanaian woman burned to death for being a 'witch' », The Guardian, (consulté le ).
- Stan Chu Ilo, Wealth, health, and hope in African Christian religion : the search for abundant life, (ISBN 978-1-4985-6128-0 et 1-4985-6128-4, OCLC 1002302977).
- (en) Cameron Duodu, « I've Forgotten Now Who I Used To Be!” », sur Modern Ghana (consulté le ).
- « Ghana aims to abolish witches' camps », Christian Science Monitor, (ISSN 0882-7729, lire en ligne, consulté le ).
- (en) « 'Devil' grandma burned alive by exorcists », Daily Telegraph, (lire en ligne, consulté le )
- (en) n/a, « Autopsy Delays Burnt Woman's Case », sur Modern Ghana, (consulté le ).
- « Frau in Ghana als Hexe verbrannt » [archive du ], sur www.bz-berlin.de (consulté le ).
- (en) « "My mum is not a witch" | General News 2010-11-29 », www.ghanaweb.com (consulté le ).
- (en-GB) « Shock over Ghana 'witch killing' », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
- « 'Devil' grandma burned alive by exorcists », Daily Telegraph, (lire en ligne, consulté le )
- « Ghana », U.S. Department of State (consulté le )
- (en) Cameron Duodu, « Savagery In The Name Of Religious Belief », sur Modern Ghana (consulté le )
- (en) « Ghana seeks to disband witch camps », sur NBC News (consulté le )
- « Gros plan. En Afrique, la sorcellerie a mauvais genre », sur Courrier international, (consulté le )
- Jean-François Dortier, « Sorciers et sorcières aujourd'hui... », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, 2020/9 (N° 60), p. 13-13. DOI : 10.3917/gdsh.060.0013,lire en ligne
- «The African is inherently a religious being, who believes that his/her material wellbeing is dependent on how carefully he/she navigates the compex spirit world of higher and lesser deities», Cyril G. K. Fayose, «Eradicating Evil in the Search of hope», dans (en) Stan Chu Ilo, Wealth, Health, and Hope in African Christian Religion: The Search for Abundant Life, Lexington Books, (ISBN 978-1-4985-6128-0, lire en ligne), p.89