Bataille de Rocroi
Date | 19 mai 1643 |
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Lieu | Rocroi |
Issue | Victoire française décisive |
Royaume de France | Monarchie espagnole (Armée des Flandres) |
Le Grand Condé | Francisco de Melo |
15 000 hommes d'infanterie 7 000 cavaliers 14 pièces d'artillerie | 18 000 hommes d'infanterie 9 000 cavaliers 18 pièces d'artillerie |
4 000 morts et blessés | 8 000 morts et blessés 7 000 prisonniers |
Batailles
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- Lens (08-1648)
Coordonnées | 49° 55′ 10″ nord, 4° 31′ 40″ est | |
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La bataille de Rocroi a lieu le pendant la guerre de Trente Ans. Elle met aux prises l’armée des Flandres, armée espagnole commandée par Francisco de Melo, qui assiégeait Rocroi, et l’armée de Picardie, armée française menée par Louis de Bourbon, duc d'Enghien (le futur Grand Condé). C'est une importante victoire française, qui marque la fin de la suprématie militaire des tercios espagnols et le début du renversement de l'équilibre des forces en Europe.
Contexte politique et militaire
[modifier | modifier le code]Richelieu meurt le , suivi par Louis XIII le , en attendant la nouvelle d'une victoire française sur les Espagnols. La guerre de Trente Ans déchire l'Europe depuis 1618, opposant le camp des Habsbourg, mené par Philippe IV, à des puissances européennes protestantes, auxquelles s’était joint le royaume de France.
Comme l'année précédente, l'armée espagnole envahit le Nord de la France depuis les Flandres. Elle met le siège devant la place forte de Rocroi, dont la garnison ne comprend que 400 à 500 hommes, afin d'ouvrir la route vers Paris par la vallée de l'Oise.
Louis de Bourbon venait de prendre le commandement de l'armée de Picardie le à Amiens. Cette armée couvrait la frontière du Nord contre la nouvelle invasion espagnole ; elle était cantonnée dans les vallées de la Somme et de l’Authie : 21 régiments de cavalerie autour d’Amiens et de Doullens, 20 régiments d’infanterie entre Abbeville et Montdidier.
L’armée de Champagne, commandée par le comte d'Espenan, qui devait combiner ses opérations avec celle de Picardie, se cantonnait entre Chauny et Guise.
Enfin, face à l'Alsace et la Franche-Comté, le maréchal de La Meilleraye avait rassemblé plusieurs milliers d'hommes autour de Langres, avec le titre d’armée de Bourgogne.
Les opérations avant la bataille
[modifier | modifier le code]Le duc d'Enghien, Louis de Bourbon, âgé de vingt-et-un ans, était entouré :
- de François de L'Hospital, un vieux capitaine aguerri et brave que Louis XIII lui avait donné pour lieutenant général, mais surtout comme guide et conseil ;
- de Jean de Gassion, maréchal de camp de la cavalerie légère ;
- du marquis de la Ferté-Senneterre, général de cavalerie ;
- du baron de Sirot[1] ;
- du chevalier de La Vallière, maréchal de bataille (chef d’état-major) ;
- d’Henri de Chivré, marquis de la Barre, chef de l’artillerie ;
- de Sébastien de Beaulieu, contrôleur général.
Louis de Bourbon suit les mouvements des Espagnols avec toute la célérité possible. Il s'inspire de la tactique militaire de cavalerie légère mise au point par Gustave II Adolphe de Suède[2] et lance l'intrépide Gassion, commandant des chevau-légers. À la tête de quinze cents cavaliers, celui-ci réussit à jeter quelques soldats dans Rocroi puis le 17 mai, rejoint Enghien au château de la Cour des Prés, à Rumigny[3]. Celui-ci s'est avancé et a fait camper successivement son armée à Péronne, Joigny, Guise puis entre Rumigny et Bossus-lès-Rumigny, à quatre lieues de la ville assiégée. Le même jour, le duc reçoit la nouvelle de la mort de Louis XIII. Il dissimule la nouvelle à son armée[3].
Le lendemain, l'armée française s'avance à une lieue du camp ennemi, se déploie dans un champ au sud-ouest de la forteresse de Rocroi et commence des escarmouches. La bataille n'est pas aisée à engager : Rocroi est située à l'entrée des Ardennes, sur un plateau qui, à l'époque, présente l'aspect d'une vaste clairière, de toutes parts entourée de bois et de marais. C'est un vrai champ clos auquel on arrive par des défilés faciles à défendre. La bataille se déroule sur un terrain allant de Rocroi à Sévigny-la-Forêt[4].
Don Franscisco de Melo eût pu tout à la fois poursuivre son siège et barrer le passage aux Français. Mais se sachant supérieur en force, il veut la bataille autant que le duc d'Enghien. Il laisse les Français déboucher dans la plaine et lève le siège pour attendre le choc[5].
Les Espagnols et leurs alliés, commandés par Francisco de Melo, se placent en face dans une formation en carrés massifs, à part un détachement pour bloquer toute sortie des assiégés. Avec 17 000 fantassins, 6 000 cavaliers et 12 canons, ils obligent le duc d'Enghien, qui dispose de troupes légèrement moins nombreuses, à livrer bataille avant l'arrivée des renforts de 1 000 cavaliers et 3 000 fantassins[2].
L'artillerie espagnole ouvre le feu. Enghien veut y répondre en attaquant sur-le-champ, mais une fausse manœuvre (erreur ou désir de « se signaler » ?) d'un de ses lieutenants, La Ferté-Senneterre, qui écarte un moment l'aile gauche du reste de l'armée oblige à remettre la bataille au lendemain[6].
Les forces en présence
[modifier | modifier le code]Depuis l’aile gauche vers l’aile droite française :
- première ligne : Fusiliers, Guiche cavalerie, La Ferté, Bauvau, La Clavière, Piedmont, Rambures, Bourdonné et Biscaras, Molendin, Persen, La Marine, Picardie, Suilly, Coeslin, Lenoncourt cavalerie, Mestre de Camp cavalerie, Royal, Gardes, Croates de Raab, Croates de Chack
- deuxième ligne : Harcourt, Hendicourt, Marolle, Notas, Bussy et Guiche, Langeron et Brezé, Roll, Écossois, Vatteuille, Vidame, Veruins et La Prée, Vamberc, Leschelle[7], Sillart, Menneuille, Roclore
- corps de réserve, commandé par Claude d'Eltouf de Pradines, baron de Sirot : Chac, Royaux, Gendarmes, Vatteuille, Harcourt, Hobeterre la Gesures, Sirot-hongrois cavalerie
Bataille
[modifier | modifier le code]La nuit, Enghien apprend que les Espagnols attendent un renfort de près de quatre mille hommes conduits par le général Jean de Beck. Il presse ses dispositions et le mardi matin du 19, dès l'aube, les Français se mettent en mouvement. Enghien prend le commandement de l'aile droite avec Gassion. À l'aile gauche se place le maréchal de l'Hospital. Au centre se trouve le gros de l'infanterie et l'artillerie sous les ordres du comte d'Espenan. En arrière se trouve la réserve commandée par le baron de Sirot[5].
L'aile gauche des Espagnols, face à Enghien, est commandée par le duc d'Albuquerque, Francisco Fernández de la Cueva secondé par ses deux lieutenants généraux : Don Pedro de Villamor Chevalier de Santiago et Don Pedro de Vivero, fils du Comte de Saldana. Garnie de mille mousquetaires, elle est à l'abri d'un petit bois. Enghien culbute ces tirailleurs et va, en tournant à la gauche du bois, attaquer de front Albuquerque que Gassion à son tour prend en flanc en contournant le bois en sens inverse. Albuquerque est culbuté au premier choc. Enghien et Gassion se séparent : Gassion poursuit Albuquerque tandis qu'Enghien fait demi-tour à gauche, et attaque l'infanterie ennemie, au centre[8].
Pendant ce temps, l'autre extrémité du champ de bataille offre un spectacle tout contraire : don Francisco de Melo enfonce les troupes du maréchal de L'Hospital. La cavalerie, commandée par La Ferté-Senneterre, effectue une charge, mais (probablement) au galop, ce qui est inhabituel à l’époque[9]. Mal entraînée, prenant le galop trop loin, elle arrive disloquée et épuisée au contact des Alsaciens de Melo. Ceux-ci, expérimentés et disciplinés, n’ont aucun mal à la mettre en déroute. La Ferté est blessé et fait prisonnier[9]. Melo attaque l'infanterie d'Espenan, enlève une partie des canons et n'est arrêté que par Sirot et son corps de réserve. À ce moment, l'issue de la bataille est indécise et les chances semblent à peu près égales[10].
Enghien, parvenu au centre de la ligne ennemie, voit ce qui se passe. Il aurait pu reculer pour porter secours au maréchal de l'Hospital. Il décide au contraire de poursuivre son avance, de passer derrière les fantassins espagnols, au centre du dispositif ennemi, et de charger en queue la cavalerie de l'aile droite et la réserve ennemies, pendant que Gassion achève de disperser la gauche espagnole. Cette « illumination de génie décide du sort de la journée »[11].
La victoire était alors certaine mais encore incomplète : au centre de cette plaine jonchée de morts et parcourue en tous sens par les fuyards, un gros bataillon espagnol reste immobile. C'est le noyau dur de cette armée. Ils sont quatre mille cinq cents vieux soldats, sous les ordres d'un général presque septuagénaire perclus de douleurs mais d'une indomptable énergie, Paul-Bernard de Fontaine qui se fait porter en fauteuil à la tête de ses troupes. Les Espagnols nommaient le comte de Fontaine, un Picard[12], Fuentes. Son fauteuil est conservé aux Invalides à Paris[13].
Le duc d'Enghien réunit alors ce qui lui reste de cavalerie. Au moment où il fond sur l'infanterie espagnole, le bataillon s'ouvre et dix-huit canons chargés à mitraille tirent sur les Français. Puis les fantassins espagnols font usage de leurs mousquets sur les cavaliers et les accueillent avec leurs piques. La cavalerie recule en désordre. Trois fois, le duc d'Enghien la ramène à la charge, trois fois l'attaque se brise sur les piques sans pouvoir rompre les rangs de cette infanterie[14].
Pendant ce temps, la réserve de Sirot est arrivée avec l'artillerie française. De son côté, Gassion revient de la poursuite de Beck. Les Espagnols sont cernés et le comte de Fontaine vient d'être jeté mort à bas de sa chaise. Ayant perdu leur commandant et se voyant menacés d'une quatrième charge, les officiers espagnols demandent quartier. Enghien s'approche alors l'épée haute. Des soldats ennemis, croyant qu'il va charger de nouveau, font feu. Des cris de trahison éclatent autour du duc. La cavalerie de Gassion commandée par Simon Gibert de Lhène d'une part, et la réserve de Sirot d'autre part, se ruent alors sur les Espagnols qui sont finalement défaits[15].
Pertes
[modifier | modifier le code]La majeure partie de la cavalerie espagnole réussit à se sauver. En revanche, l'infanterie fut presque toute prise[16]. Il y eut côté espagnol au moins six mille morts et autant de prisonniers.
Conséquences de la bataille
[modifier | modifier le code]Cette bataille a des effets géopolitiques certains. Le fantassin espagnol régnait sur les champs de bataille européens, il y est supplanté par la cavalerie française. Toutefois, dans l'art militaire, le rôle primordial de cette cavalerie sera ensuite progressivement remis en cause, à la suite des progrès de l'armement. Un siècle plus tard, en 1745, à la bataille de Fontenoy, la puissance de feu sera devenue déterminante[17].
À la suite de cette bataille, l’Espagne et le Saint-Empire germanique vont perdre petit à petit de leur puissance. La France, quant à elle, renforce sa position dans la région, au moment même où s'entame une succession difficile à sa tête. Une défaite pour la France aurait eu des conséquences hasardeuses pour la régente Anne d'Autriche, d'ascendance espagnole, et pour le petit roi Louis XIV, qui n'a que quatre ans.
Le duc d'Enghien profite de cette victoire pour aller assiéger Thionville le mois suivant.
Localement
[modifier | modifier le code]Depuis 1642, les troupes ravageaient la région de Rocroi, la plus grande partie des dégâts était due aux troupes espagnoles, mais la présence de troupes françaises et alliées qui vivaient et logeaient dans le pays laissèrent aussi des traces. Le village de Belzy, près de Blombay, et celui de Gehilly ne se relevèrent pas de cette guerre[18].
Dans la culture
[modifier | modifier le code]La bataille de Rocroi constitue la conclusion du film Alatriste, sorti en 2006. Le général Fuentes y est notamment dépeint sur sa chaise à porteurs.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- où Claude d'Eltouf de Pradines, baron de Sirot, né en 1600, mort en 1652
- Blancpain 1985.
- Lépine 1860, p. 150.
- Albert Meyrac, Géographie illustrée des Ardennes, 1900, p. 441.
- Martin 1846, p. 9.
- Lépine 1860, p. 162.
- régiment de cavalerie commandé par Godefroy de Romance, mort au combat à la tête de son régiment
- Martin 1846, p. 9-10.
- Chauviré 2007.
- Lépine 1860, p. 166.
- Iselin 1965, p. 149.
- Revue Britannique, Bruxelles, 1869, p. 232, https://books.google.ca/books?id=DBRbAAAAQAAJ&pg=PA232&lpg=PA232&dq=comte+de+fontaine+paul-Bernard&source=bl&ots=o1OvPR0968&sig=VqrKGVEeJ7YrVoBiAAZrj35kYds&hl=fr&sa=X&ei=Ssw7U4_jFceZ0AHgl4DIBA&ved=0CEUQ6AEwBQ#v=onepage&q=comte%20de%20fontaine%20paul-Bernard&f=false.
- http://www.musee-armee.fr/collections/base-de-donnees-des-collections/objet/la-bataille-de-rocroi-1643-le-fauteuil-du-comte-de-fontaine.html.
- Lépine 1860, p. 167.
- Lépine 1860, p. 168.
- Martin 1846, p. 11.
- Pierre Gobert - Encyclopedia Universalis.
- Écrit de Philippes Ravyneau conseiller du Roi, président en l'élection de Reims, fait par Gobert Deuil notaire royal à Aubigny.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Frédéric Chauviré, « Le problème de l’allure dans les charges de cavalerie du XVIe au XVIIIe siècle », Revue historique des armées, no 249, (lire en ligne).
- Laurent Henninger, Rocroi, 1643, Grandes Batailles de l'Histoire, 1993, 73 p.
- Marc Blancpain, Le Mardi de Rocroi, Éditions Hachette, , 215 p.
- Bernard Iselin, Les batailles qui ont fait la France, Cercle européen du livre, , 320 p.
- Antonio Jiménez Estrella, « Pavie (1525) et Rocroi (1643) : impact politique et idéologique de deux batailles contre « el francés » », dans Ariane Boltanski, Yann Lagadec et Franck Mercier (dir.), La bataille : du fait d'armes au combat idéologique, XIe – XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 288 p. (ISBN 978-2-7535-4029-3, présentation en ligne), p. 157-170.
- Jean-Baptiste Lépine, Histoire de la ville de Rocroi : depuis son origine jusqu'en 1850 : avec une notice historique et statistique sur chaque commune de son canton, et une galerie biographique des hommes célèbres ou dignes de souvenirs qui l'ont habité, , 464 p. (lire en ligne), p. 147-173.
- Henri Martin, Histoire de France, depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, vol. 14, Paris, Furné, (lire en ligne), p. 7-12.
- Édouard Hardÿ de Périni, Batailles françaises, t. 4, Paris, Ernest Flammarion, 1894-1906, 378 p., p. 1-32.
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Pierre Gobert, « Rocroi, Bataille de (1643) », sur le site www.universalis.fr, Encyclopædia Universalis.
- « La bataille de Rocroi », sur le site herodote.net.
- « Musée de la bataille de Rocroy ».