Carrefour du 28-Août
Le carrefour du 28-Août ou carrefour du Vingt-Huit-Août, à Nice (Alpes-Maritimes), est un odonyme attribué, après la Seconde Guerre mondiale, à la voie urbaine qui fut, en 1944, le lieu du début de l'insurrection niçoise contre l’occupation étrangère. C'est un des principaux lieux d'affrontement durant la libération de Nice.
Le carrefour est traversé par la voie ferrée des Chemins de fer de Provence reliant Nice à Digne et à Meyrargues[1], jadis munie de barrières, d’où son appellation, souvent, de carrefour du « passage à niveau ».
En Provence, le deuxième débarquement venait d’avoir lieu.
J-1
[modifier | modifier le code]À Nice, dès le , le couvre-feu et la loi martiale sont instaurés.
Le dimanche , les hommes de l’État-major FTPF (Francs Tireurs et Partisans français), et FFI (Forces françaises de l’intérieur) réunis au Palais Stella, 20 boulevard de Cessole, décidaient que le combat libérateur commencerait le lendemain matin à 6 h 00.
Une plaque commémorative est apposée sur l'immeuble pour rappeler cette réunion.
Cette date n’était sans doute pas fortuite. Le choix de précéder les Alliés dans les combats permettait de démontrer la capacité des Français à se libérer tout seuls, mais aussi d’éviter, entre les Allemands et les Américains, des échanges d’artilleries meurtriers pour la population civile[2] et le patrimoine architectural niçois.
Le Jour J
[modifier | modifier le code]Dès l’aube, un groupe de dix hommes, sous la responsabilité de Fortuné Leonardi, occupait le carrefour armé de 7 mitraillettes, de 2 pistolets Colt, de 15 grenades défensives et offensives. Il s'agit du groupe 6 des FTPF, retranché au Passage à Niveau, dans une excavation de la chaussée. Ils sont soutenus par un groupe Combat (Résistance) commandé par "Paul" Cavenago.
À 7 heures du matin, une première embuscade permettait aux patriotes de récupérer deux mitrailleuses lourdes dans la remorque d’un camion allemand patrouillant boulevard Joseph Garnier. De ce premier affrontement, les F.T.P.F. Auguste Gouirand et Lucien Chervin, touchés mortellement, sont évacués à la clinique rue Mantéga et décèdent dans la journée. Aussitôt, en travers du carrefour, les hommes du passage à niveau construisaient une solide barricade formée de traverses de chemin de fer prélevées dans la gare de train toute proche, puis ils mirent en batterie une des deux mitrailleuses de façon à prendre en enfilade le boulevard Joseph Garnier et le boulevard Gambetta, alors qu'un Ffi muni d'un porte-voix demandait, haut et fort, aux habitants du quartier de ne pas sortir de chez eux.
La riposte ne se fit pas attendre. Les Allemands, informés de ce début d’insurrection, commencèrent à tirer des salves d’obus depuis la colline de Gairaut, au-dessus de Nice-nord. Et en quelques instants, ce fut une véritable pluie d’obus de mortier qui s’abattit sur le quartier[3] et le carrefour, tuant les F.T.P.F. Roger Boyer et René Barralis. Les projectiles cessèrent de tomber vers 9 h.
L’accalmie resta de courte durée. Vers 10 heures, un agent de liaison vint prévenir le groupe qu’une colonne remontait, à vive allure, le boulevard Gambetta, faisant feu sur tous ceux qui bougeaient. La colonne allemande souhaitait, sans aucun doute, récupérer la mitrailleuse et ce carrefour stratégique. La menace se confirma rapidement. À peine arrivée à portée de tir, une fusillade éclata de toutes parts, bruyante, rapide et meurtrière.
Sur la barricade, la mitrailleuse servie par Hanossian et Jean Ballestra, répondait avec précision aux MP40 des assaillants, et visait en priorité les chauffeurs du convoi. Les véhicules touchés venaient finir leur course, tout fumants, sur les herses de la barricade. Devant cette féroce résistance, beaucoup d'Allemands étaient fait prisonniers ou couvraient leur fuite à pied en se cachant derrière les platanes du boulevard. Le F.T.P.F. Alphonse Cornil, en position avancée, est tué au niveau du 128 boulevard Gambetta. Après les durs combats de la matinée, on comptait de nombreux blessés et six patriotes morts.
Durant la soirée, et un peu partout en ville, les Allemands commençaient à se rendre et à fuir hors de la ville. Et 24 heures après le début de l’insurrection, Nice était une ville libre.
Bilan
[modifier | modifier le code]Les combats du passage à niveau se soldaient par de nombreux blessés de part et d’autre, et la mort de neuf patriotes français.
À un des angles du carrefour, deux plaques commémoratives[4], inaugurées le 28 août 1945, rappellent le sacrifice de six résistants, soldats sans uniforme, tombés à cet endroit :
- René Barralis, né en 1921 à Nice, sous-lieutenant FFI, habitait rue Palermo, sans emploi et célibataire.
- Jean Ballestra, né en 1924 à Nice, le cadet du groupe, mort dans sa vingtième année, demeurait chez ses parents avenue de Pessicart, cheminot à la SNCF et célibataire.
- Roger Boyer, né en 1911 à Méailles, habitait avenue St Barthelemy, peintre en bâtiment et marié.
- Lucien Chervin, né en 1900 à Paris, résidait avenue Montclar, teinturier et marié.
- Alphonse Cornil[5], né en 1879 en Belgique, habitait rue Saint Joseph, manœuvre et marié.
- Auguste Gouirand, né en 1902 à Nice, demeurait rue Montplaisir, épicier à la cité marchande et marié.
Quatre autres Résistants sont également décédés dans les combats autour du passage à niveau[6] :
- Arisdakesse Arzoumanian,
- Jean Autheman,
- Raymond Carmine,
- Auguste Bogniot.
Il est à noter que le FTPF Eugène Alentchenko combat au passage à niveau le matin du 28 août 1944 avant d'être envoyé en mission auprès du groupe Mignon (G.F.R. - C.F.L.N.). Il combat aux côtés des résistants du groupe et est tué vers seize heures sur le toit d'un immeuble de la rue Defly alors qu'il tire sur les Allemands (quartier Carabacel) [7],[8].
Les FFI du passage à niveau ont fait quarante prisonniers, gardés dans un garage de la rue George Doublet ; ils ont capturé cinq camions ainsi que des remorques, des voitures et camionnettes, des mitrailleuses et armes diverses, des munitions en quantité[6].
Les récits de ces journées[9] mentionnent d’autres combattants, agents de liaison, secouristes et brancardiers parmi lesquels : Varo Simone, Paro, Catala Rose et Germain, Giovannini Jeanne, Reynis Elisabeth, Hanossian, Leonardi Fortuné, Druard Marc, Tobia Charles, Gaglio Osfolo, Gagliardi, Giletta, Hache, Roncaglia César, Boet Fréderic, Benci Joseph, Cravero Jean, Rossetti Armand, Ricci Mario, Mandrille Noël, Franzini Roger, Barale Lucien, Pastorelli Albert, Squarta Bernard, Rival Rémy, Bigotti Felix, Perlet et Godail Georges... D'autres acteurs de la libération de Nice ont souhaité rester dans l'anonymat.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Cette ligne secondaire était très fréquentée pendant la seconde guerre mondiale : les Chemins de fer de Provence (toutes lignes confondues) accueillirent plus de 1 million de voyageurs en 1943. L'embranchement de Meyrargues, saboté en 1944, a été abandonné en 1949.
- Le bombardement du 26 mai 1944, et du 21 août 1944 dans le Vieux-Nice sont toujours présents dans l'esprit de la population.
- Ces tirs d'obus éventraient de nombreux commerces et les étages supérieurs d'immeubles mais ne faisaient pas de victime dans les maisons atteintes, la population ayant pris l'habitude, dans ce cas, de s'abriter dans les caves.
- En retrait du carrefour, financé grâce à des collectes des FTP, CFLN et de l’ORA de Nice-nord, s'érige un cénotaphe sur lequel sont gravés les noms des déportés, des fusillés et des maquisards tombés dans les Alpes-Maritimes et les Basses-Alpes durant la Deuxième Guerre mondiale.
- Sa plaque se trouve sur la façade d'un immeuble au 130 Boulevard Gambetta.
- Voir le témoignage de Noël Lanzi.
- Dossier individuel d'Eugène Alentchenko conservé par le Bureau des Archives des Victimes des Conflits Contemporains de Caen.
- Voir la fiche S.G.A. d'Eugène Alentchenko et la plaque commémorative au 2 rue Defly à Nice.
- Musée de la Résistance azuréenne de Nice.