Défense orthodoxe
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La défense orthodoxe du gambit dame refusé est une ouverture du jeu d'échecs. Ce nom désigne aussi bien la position sur l'échiquier après les coups
- 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6[1],
qu'après la suite de coups
- 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7 6. Cf3 0-0[2]
ou, par transposition,
- 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 6. Cf3 0-0.
Orthodoxe désigne en fait ce qui est conforme à la tradition, au classicisme. Le terme a été lancé par Siegbert Tarrasch pour se moquer d'un certain conformisme[1] (cette façon de jouer était presque jugée la seule valable à tel point que lors du Championnat du monde d'échecs 1927 entre José Raúl Capablanca et Alexandre Alekhine, quasiment toutes les parties ont été des « défenses orthodoxes »). Tarrasch promouvait sa défense qui se distinguait par le coup 3... c5 (la « défense Tarrasch »)[3].
Principales continuations après 3. Cc3 Cf6
[modifier | modifier le code]Après 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6, 4. Fg5 (attaque Pillsbury)[4] est le coup le plus agressif à la disposition des Blancs. 4. Fg5 est joué avec l'idée 5. cxd5 exd5 6. Fxf6 forçant la reprise avec le pion g, car sur 6...Dxf6, il suit 7. Cxd5[5].
4. Cf3
[modifier | modifier le code]4. Cf3 donne aux Noirs l'occasion de bifurquer :
- dans la « défense semi-Tarrasch » par 4... c5 5. cxd5 Cxd5 ;
- dans la défense semi-slave (4... c6) ;
- dans la « défense Ragozine » par 4... Fb4 5. cxd5 exd5 ; sa variante de Vienne (de la défense Ragozine) est constituée par 4... Fb4 5. Fg5 dxc4.
4. Fg5
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Après 4. Fg5,
- 4... Cbd7 donne l'impression que les Blancs gagnent un pion par 5. cxd5 exd5 6. Cxd5?. Mais les Noirs gagnent en fait une pièce pour un pion par le pseudo-sacrifice de dame 6... Cxd5 7. Fxd8 Fb4+! 8. Dd2 Fxd2+ 9. Rxd2 Rxd8[6]. C'est le piège de l'éléphant. 4...Cbd7 renforce donc bien le pion d5 et défend la poussée e2-e4 (si 5. e4 alors 5...dxe4 6. Cxe4 Fb4+ 7. Cd2 c5!).
- 4... c5 5. cxd5 Db6 est le gambit Canal-Prins[7].
- 4... Fe7 sans ...Cbd7 conduit, après ...h6, à des déviations de la défense orthodoxe, les variantes appelées « néo-orthodoxes[8] » (variante Lasker et variante Tartakover).
Après 4... Cbd7, les Blancs jouent le plus souvent 5. e3 (5. cxd5 et 5. Cf3 sont les autres possibilités) et les Noirs ont le choix entre :
- 5... Fe7, la variante principale de la défense orthodoxe (que l'on obtient également après 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7), qui a l'avantage de préparer le petit roque ;
- 5... Fb4, qui transpose dans des lignes de la défense de Manhattan[9] ou de la défense Ragozine ;
- 5... c6 6. Cf3 Da5 mène à la défense Cambridge-Springs.
Après 5... c6, une variante est 5...c6 6. a3 Fe7 7. Cf3 0-0 8. Fd3 dxc4 9. Fxc4. Dans cette variante, les Noirs prennent en c4 uniquement après que les Blancs ont déjà joué leur fou f1, faisant ainsi perdre un tempo à ce fou qui doit reprendre en c4. La variante 6. a3 est appelée variante anti Cambridge-Springs, ou Cambridge Springs refusée, de Capablanca[9]. 6. Dc2 est une autre variante anti-Cambridge Springs utilisée par Réti[9]. .
La « position didactique » (après 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 6. Cf3 0-0)
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Après 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 (ou 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7), les Blancs jouent 6.Cf3 et non 6.Fd3, car sur 6...dxc4, ils perdent un tempo.
Après 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 6. Cf3, les Noirs peuvent jouer 6... 0-0.
La position après 6. Cf3 0-0 est appelée « position didactique » par Le Lionnais qui écrit : « Longtemps — des environs de 1890 à la seconde guerre mondiale — ce début a fait figure d'aboutissement normal de la partie Dame, et pour certains, même, du jeu d'échecs. Il a constitué le thème principal du match Alekhine-Capablanca de 1927. Considéré toujours comme très solide, il a cependant passé peu à peu au second plan[10]. »
Dans l'Encyclopédie des ouvertures d'échecs, la variante principale de la défense orthodoxe obtenue après 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7 6. Cf3 0-0 occupe les codes D60 à D69, soit autant de numéros que la défense semi-Tarrasch et la défense semi-slave (codes ECO D40 à D49)[11].
7. Fd3 et 7. Dc2
[modifier | modifier le code]Après 6. Cf3 0-0, 7. Fd3 a été beaucoup pratiqué par Mikhail Botvinnik durant les années 1930[12] ; 7. Dc2 est l'attaque Rubinstein[13], où Xavier Tartakover recommande 7...c5 8. cxd5 Cxd5[14], mais le coup principal est 7. Tc1, par lequel les Blancs cherchent toujours à ne pas perdre de tempo avec leur fou.
7. Tc1
[modifier | modifier le code]7.Tc1 rend délicate l'avance du pion c7 en c5 car les Blancs pourront ouvrir à leur guise la colonne c, qu'ils contrôlent par ce coup de tour. 7...b6 8. cxd5 exd5 9. Da4 est la variante Duras, qui a pour but d'exploiter la faiblesse des cases blanches de l'aile-dame noire. La variante Pillsbury 9. Ce5 Fb7 10. f4, afin de déclencher une attaque directe, est plus énergique, mais aussi plus compliquée[15].
Une grande ligne est 7. Tc1 a6, qui peut se poursuivre par 8. cxd5 exd5 9. Db3, 8. a3, 8. b3, 8.c5 ou 8. Dc2, ce dernier coup donnant ce qu'on appelle la « variante de Carlsbad » après 8. Dc2 c6. La variante de Carlsbad peut déboucher sur 9. a3, 9. a4, 9. cxd5 ou 9. c5. Il n'y a donc pas une mais des « variantes orthodoxes ».
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7... c6 (après 7. Tc1) prépare les coups libératoires ...dxc4 et ...Cd5, et constitue la ligne principale. Si les Blancs veulent poursuivre la « lutte pour le tempo », ils jouent 8. Dc2, et sinon 8. Fd3. Les Blancs ne voient aucun inconvénient à jouer 8. Fd3 car le temps perdu à jouer deux fois le fou sera regagné quand les Noirs devront jouer ...c6-c5 après ...c7-c6. Après 7. Tc1 c6 8. Fd3, il peut suivre 8...dxc4 (« première manœuvre de libération de Capablanca »), dont le but est la libération du fou c8, puis 9. Fxc4 Cd5 (« seconde manœuvre de libération de Capablanca », les échanges de pièces atténuant le désavantage du camp noir en manque d'espace) et 10. Fxe7 Dxe7, dernier coup par lequel la dame noire soutiendra l'avance ...e6-e5, ce qui permettra de dégager la diagonale c8-h3 pour le fou c8[16].
Exemple de partie (variante principale)
[modifier | modifier le code]L'exemple suivant fut joué sur un échiquier vivant (les pièces étant représentées par des individus) en 1924 à Berlin lors d'une partie d'exhibition (sans enjeu sportif) entre Akiba Rubinstein (Blancs) et Emanuel Lasker, soit deux des meilleurs joueurs du début du XXe siècle[17] :
1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cf3 Cf6 4. Cc3 Fe7 5. Fg5 Cbd7 6. e3 0-0 (la défense orthodoxe est obtenue après une interversion de coups.)
7. Tc1 c6 8. Fd3 dxc4 9. Fxc4 Cd5 10. Fxe7 Dxe7 11. 0-0 Cxc3 12. Txc3 e5 13. Cxe5 Cxe5 14. dxe5 Dxe5 (la manœuvre de libération de Capablanca)
15. f4 (l'attaque Rubinstein[16])
15... De7 16. f5 Fd7 17. e4 Tad8 18. Dh5 Dxe4 19. Tg3 Dd4+ 20. Tf2 Fxf5 21. Dxf5 Dxc4 22. Txg7+ Rxg7 23. Df6+ Rg8 24. Dg5+ 1/2-1/2 (échec perpétuel).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- André Chéron, Nouveau manuel d'échecs du débutant, éd. Payot, 1964
- John Shaw, Le Gambit Dame : Initiation, éd. Bornemann, 2006, (ISBN 978-2-85182-674-9).
- (nl) Max Euwe, Theorie der schaakopeningen N°1, Damegambiet I: Orthodox Damegambiet en wat daarmee samenhangt, 1938.
- (en) Neil McDonald, Starting Out: Queen's Gambit Declined, Everyman Chess, 2006, (ISBN 1-85744-426-4)
- (es) Ludek Pachman, Gambito de Dama, ediciones Martinez Roca, 1972.
- (en) Matthew Sadler, Queen's Gambit Declined, Everyman Chess, 2000, (ISBN 1-85744-256-3).
- (en) Yasser Seirawan, Winning Chess Openings, Everyman Chess, 2003, (ISBN 1-85744-349-7).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, éd. PUF, 1967, p. 279
- Gabor Kállai, Traité Moderne des Ouvertures Tome II, Caïssa Chess Books, 1997, page 11.
- Reuben Fine, Les idées cachées dans les ouvertures d'échecs, éd. Payot, section sur la défense Tarrasch)
- Action Chess : Purdy's 24 Hours Opening Repertoire, Thinkers' Press Inc., 2000, (ISBN 9-780938-65979-2)
- Michel Benoît (Champion de France), Les échecs, éd. Solar, 1978, (ISBN 2-263-00209-X), page 108.
- (en) Leonard Barden, Play Better Chess, Revised Edition, Treasure Press 1987, p. 24.
- Larousse des échecs : Découvrir, approfondir, maîtriser (préf. Joël Lautier), Paris, Éditions Larousse, , 480 p. (ISBN 978-2-03-518207-4), p. 249
- François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Paris, Presses universitaires de France, , 432 p., p. 269
- ;Richard Réti, Les Grands Maîtres de l'Echiquier
- François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Paris, Presses universitaires de France, , 432 p., p. 115
- Encyclopédie des ouvertures d'échecs, volume D, Belgrade, 1977 à 2004.
- La partie Botvinnik - Vidmar jouée à Nottingham en 1936 est restée célèbre.
- François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Paris, Presses universitaires de France, , 432 p., p. 341
- (es) Max Euwe & Reuben Fine, Clave de las aperturas, Editorial Grabo (Buenos Aires), 1944, p. 27.
- Victor Kahn, La conduite de la partie d'échecs - La stratégie moderne, Le Triboulet, Monaco, 1952, p. 73.
- Larousse des échecs : Découvrir, approfondir, maîtriser (préf. Joël Lautier), Paris, Éditions Larousse, , 480 p. (ISBN 978-2-03-518207-4), p. 250
- Partie modèle N° 68 dans le Bréviaires des échecs de Savielly Tartakower, éd. Le Livre de Poche.