Djamila Bouazza

Djamila Bouazza
Djamila Bouazza

Naissance
Blida, Algérie
Décès (à 78 ans)
Alger, Algérie
Origine Algérie
Allégeance FLN
Arme Bombe artisanale
Unité Zone autonome d'Alger
Années de service 19551957
Commandement Zone autonome d'Alger
(De janvier à avril 1957)
Conflits Guerre d'Algérie
Faits d'armes Bataille d'Alger, Bombe au bar Coq Hardi
Famille Boussouf Abboud (mari)

Djamila Bouazza est une militante algérienne du mouvement national, originaire de la région de Blida, née en 1938, et morte le à Alger.

Elle participe, le , à l'attentat à la bombe au bar Coq Hardi, durant la bataille d'Alger. Accusée par le Tribunal Permanent des Forces Armées française, elle est alors la première condamnée à mort, avec sa compagne de lutte Djamila Bouhired, par le tribunal militaire français. Sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité avant de retrouver la liberté avec l'amnistie générale prévue par les accords d'Évian du .

Elle fait partie des six femmes condamnées à mort pour des actes « terroristes » pendant la guerre d'indépendance.

Durant la Guerre d'Algérie, elle travaille au centre de chèques postaux d’Alger. Ses amis étudiants pieds noirs l’appellent « miss Cha Cha Cha »[1],[2], et elle semble parfaitement intégrée dans la société française. Cependant, elle est recrutée par Djamila Bouhired[2]. Elle rejoint les rangs du Front de libération nationale (FLN) et en devient un membre actif.

Attentat du Coq Hardi

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Le , elle reçoit pour mission de déposer une bombe dans le bar du Coq Hardi, où se réunit la bourgeoisie algéroise[2],[3]. Parvenant à tromper la vigilance des militaires, elle échappe à la fouille[4],[5].

L’engin préparé par Abderrahmane Taleb cause des dégâts importants. L’attentat fait quatre morts et une soixantaine de blessés. Pour les Algériens, Djamila Bouazza est une héroïne, pour les Français, c’est une terroriste[4],[6].

Procès et réactions

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Djamila Bouazza avec sa bombe lors de la reconstitution de l'attentat de la Cafeteria à Alger.

Le , Djamila est arrêtée par la police judiciaire. Giflée par la capitaine Graziani, elle admet avoir déposé les bombes de la rue Michelet et du Coq Hardy que Djamila Bouhired lui avait remises[7]. Transférée à El Biar, elle est interrogée par l’officier de police judiciaire Fernand, le 9 mai 1957[8]. Elle est ensuite incarcérée à la prison de Maison-Carrée (El-Harrach), où elle retrouve Djamila Bouhired, Jacqueline Guerroudj[9] et Zohra Drif. Accusée d’attentat à la bombe durant la bataille d’Alger, elle est traduite en justice devant le tribunal militaire permanent des forces armées d’Alger. Lors de son procès, Djamila Bouazza se comporte de façon «fantasque» et multiplie les excentricités devant le tribunal. Elle est éloignée du prétoire[10]. L'avocat Jacques Vergès fait valoir que Djamila Bouazza est atteinte de folie, et que, de ce fait, son témoignage obtenu lors de son interrogatoire ne peut pas être utilisé contre Djamila Bouhired[11]. Or le 22 juin 1957, Djamila Bouazza a écrit, depuis sa prison, à Rachid Hattab, une lettre où elle annonce la préméditation et la simulation de sa folie[12]. Elle est condamnée à mort, comme sa co-détenue Djamila Bouhired[2]. Elle est l'une des six femmes condamnées à mort pour actes « terroristes » pendant la guerre d'indépendance (Djaouher Akrour, Baya Hocine, Djamila Bouazza, Djamila Bouhired, Jacqueline Guerroudj et Zahia Kherfallah)[4],[13],[6].

L'exécution est différée par une campagne menée par Jacques Vergès et Georges Arnaud, qui signent un manifeste publié aux Éditions de Minuit, suivi de l’ouvrage d’Henri Alleg, et par l'action énergique de Germaine Tillion auprès des autorités[14]. Les écrits successifs de Jacques Vergès et Georges Arnaud, puis d’Henri Alleg, alertent l’opinion française et éveillent les consciences sur les mauvais traitements infligés par l’armée française aux indépendantistes algériens. Cette campagne médiatique lui évite la guillotine. Sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité, puis elle bénéficie de l'amnistie générale prévue par les Accords d'Évian, en 1962, après plusieurs années de détention[15].

Dans l'Algérie indépendante

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Après l'indépendance, Djamila Bouazza se tient à l'écart des activités du régime, mais son mari Boussouf Abboud, opposant au coup d'État du 19 juin 1965, est enlevé avec d’autres patriotes algériens par les services de la Sécurité militaire algérienne, le 27 septembre 1983 ; leur domicile et leur commerce sont totalement saccagés par ces agents[16].

Elle meurt le vendredi 12 juin 2015, à Alger, à l'âge de 78 ans[2],[17]. Elle est inhumée au cimetière d'El Alia à Alger[18].

Références

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Notes et références

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  1. Raphaël Delpard ,, Ils ont vécu dans l'Algérie en guerre, Archipel, (lire en ligne)
  2. a b c d et e « Djamila Bouazza s’est éteinte », Liberté,‎ (lire en ligne)
  3. Heinz Duthel, Jacques Vergès L’Avocat mystérieux, très à l'est de la France, (lire en ligne)
  4. a b et c Abbès Zineb, « La grande moudjahida Djamila Bouazza n'est plus », algerie1.com,‎ (lire en ligne)
  5. Pour franchir les chevaux de frise, qui entourent la Casbah, les voiles enveloppants du hayek ou les paniers de jeunes femmes à l’allure européenne sont utilisés pour dissimuler les bombes.
  6. a et b Sylvie Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l'indépendance. La « défense de rupture » en question », Le Mouvement Social, no 240,‎ , p. 121–135 (ISSN 0027-2671, lire en ligne, consulté le )
  7. Hubert le Roux, Jean Lartéguy: Le dernier centurion, (lire en ligne)
  8. (en) Darius Rejali, Torture and Democracy, Princeton University Press, (lire en ligne)
  9. « Guerroudj Jacqueline [née Netter Jacqueline, divorcée de Pierre Minne] », Le Maitron.
  10. A. J., « Le livre de Georges Arnaud et Jacques Vergès », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. « Le couffin de Djamila... La mouhjahida Bouazza nous a quittés Abdelkrim Amarni », L'Expression,‎ (lire en ligne)
  12. « Lettre de Djamila Bouazza annonçant comment elle va simuler la folie au procès de Djamila Bouhired », sur algerie-francaise.org
  13. Vanessa Codaccioni, « (Dé)Politisation du genre et des questions sexuelles dans un procès politique en contexte colonial : le viol, le procès et l’affaire Djamila Boupacha (1960-1962) », Nouvelles Questions Féministes, vol. 29, no 1,‎ , p. 32–45 (ISSN 0248-4951, lire en ligne, consulté le )
  14. Michel Kelle, 5 Figures de l'émancipation algérienne, Éditions Karthala, (lire en ligne), p. 43-48
  15. Andrée Dore-Audibert, Des Françaises d'Algérie dans la Guerre de libération: des oubliées de l'histoire, Éditions Karthala, (lire en ligne), p. 155
  16. Saoudi Abdelaziz, « Elle fut la première condamnée à mort. Djamila Bouazza nous a quittés hier », Algerieinfos-saoudi.com,‎ (lire en ligne)
  17. Fatima Aїt Khaldoun Arab, « La moudjahida Djamila Bouazza n’est plus », El Watan,‎ (lire en ligne)
  18. « Décès de la moudjahida Djamila Bouazza : L’inhumation a eu lieu au cimetière d’El-Alia », El Moudjahid,‎ (lire en ligne)

Bibliographie

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  • Jean-Louis Gérard, Dictionnaire historique et biographique de la guerre d'Algérie. Éditions Jean Curtuchet - 2001 - (ISBN 9782912932273)
  • Philippe Bourdrel, La dernière chance de l'Algérie française: 1956-1958. Éditions Albin Michel - 1996 - (ISBN 9782226088239)
  • Serge Bromberger, Les rebelles algériens. Éditions Plon - 1958
  • Bernard Violet, Vergès: le maître de l'ombre. Éditions du Seuil - 2000 - (ISBN 9782020314404)
  • Jabhat al-Taḥrīr al-Qawmī. Fédération de France, La femme algérienne dans la Révolution: textes et témoignages inédits. ENAG éditions - 2006 - (ISBN 9789961624609)

Articles connexes

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