Juan Tépano
Juan Tepano Rano 'a Veri 'Amo[1], né le 4 mars 1867 et mort le 8 novembre 1947, est un chef Rapa Nui de l'Île de Pâques. Il sert d'informateur privilégié pour les universitaires euro-américains qui y effectuent des expéditions. Il est le maillon principal pour l'étude de la culture et de l'histoire de l'île.
Biographie
[modifier | modifier le code]Famille
[modifier | modifier le code]Il est né le 4 mars 1867 [note 1] et de descendance Rapa Nui pure[4],[5]. Son père est Iovani Rano[6],[7]. Il est élevé par sa grand-mère (parfois appelée sa mère) Veri 'Amo (ou Veriamo), née en 1830 et décédée en 1936 et qui se souvient encore de l'époque où les insulaires étaient capables de réciter l'écriture Rongorongo[1],[8],[8],[9].
Initialement nommé Tepano Rano, il adopte le prénom Juan qu'on lui donnait au Chili et son nom de baptême Tepano (Stephen) comme nom de famille[10],[note 2]. Il est du clan Tupahotu tandis que sa grand-mère est du clan Ureohei[14].
Vers 1900, Juan Tepano épouse María 'Aifiti Engepito Ika Tetono, fille du roi Enrique Ika et membre du clan Miru[15],[16].
Parcours au Chili
[modifier | modifier le code]Juan accompagne le dernier ariki (roi) Riro Kainga à Valparaíso à la fin de 1898 ou au début de 1899 pour exprimer ses griefs auprès du gouvernement chilien, qui avait annexé l'Île en 1897, contre la société Enrique Merlet qui possède une grande partie des terres exploitées. Lui et deux autres soldats Rapa Nui se rendent au Chili pour rejoindre le régiment Maipo de l'armée chilienne. La délégation est accueillie par les hommes de Merlet, Jeffries et Alfredo Rodríguez, dans une taverne locale où le roi est incité à boire beaucoup. Le roi est invité à loger chez Rodríguez tandis que Juan et les soldats dorment dans leur caserne. Le lendemain, ils sont informés que le roi est mort d'une intoxication alcoolique. Merlet affirme que le jeune roi s'est saoulé jusqu'à la mort tandis que la tradition orale de Rapa Nui affirme qu'il est empoisonné sur ordre de Merlet alors qu'il est à l'hôpital[17],[18],[19],[20].
L'anthropologue américain Grant McCall a mis en doute son service militaire, notant : « Il y a une histoire absurde selon laquelle il aurait servi dans le régiment Maipo de l'armée chilienne pendant la guerre du Pacifique »[5].
Retour sur l'Île de Pâques
[modifier | modifier le code]En 1901, Juan Tepano revient sur l'île de Pâques après avoir servi dans l'armée chilienne. Il est nommé par Henry Percy Edmunds, directeur de l'entreprise coloniale chilienne subdelegado marítimo, comme cacique, ou chef de village en 1902. Il deviendra le médiateur de la communauté indigène de Hanga Roa et de la base de l'entreprise à Mataveri[17],[21]. Les officiers de la corvette navale chilienne General Baquedano tentent plus tard de le proclamer « roi » en avril 1911, mais aucun des insulaires – y compris Juan lui-même – ne prend la cérémonie au sérieux[22],[23].
Tepano est l'un des informateurs et traducteur de l'anthropologue anglaise Katherine Routledge lors de son expédition Mana de 1914 à 1915 sur l'île de Pâques[24],[25]. Il maîtrise l'anglais pidgin et parle un mélange d'espagnol, d'anglais, de tahitien et de rapa nui. Katherine tente d'apprendre le Rongorongo auprès de Tepano et des insulaires plus âgés, mais Tepano admet plus tard qu'il ne savait pas le lire et que la plupart des autres résidents plus âgés ne détenaient qu'une connaissance indirecte de l'écriture mystérieuse. Il est noté qu'il a également des difficultés à comprendre le vieux Rapa Nui (la langue non contaminée parlée par l'ancienne génération) [26],[27],[28].
Il devient également l'un des informateurs de l'anthropologue suisse Alfred Métraux, qui visite l'île entre 1934 et 1935[29].
Juan Tepano meurt le 8 novembre 1947 [note 1] à l'âge de 80 ans[5].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Juan Tepano » (voir la liste des auteurs).
- Une version alternative suppose qu'il est né en 1872 et mort en 1938.[2][3]
- Un autre pascuan du nom de Tepano a parfois été confondu avec Juan Tepano, ce dernier vivait à Tahiti et possédait des tatouages faciaux étudiés par l'ethnographe suédois Hjalmar Stolpe dans les années 1880 lors de l'expédition Vanadis. Tout deux sont nommés d'après le prêtre de Tahiti Étienne Jaussen[11][12][13].
Références
[modifier | modifier le code]- Fischer 2005, p. 144.
- Fischer 1997.
- Fischer 2005.
- Routledge 1919, p. 214.
- Van Tilburg 2003, p. 285.
- Van Tilburg 2003, p. 129.
- Englert 2004, p. 52.
- Fischer 1997, p. 132–133.
- Pelta 2001, p. 104.
- Fischer 2005, p. 154.
- Stolpe 1899.
- Krutak 2007.
- Kaeppler 2001.
- Routledge 1919, p. 212–214.
- Pakarati 2015a, p. 9–10, 16.
- Pakarati 2015b, p. 3–14.
- Gonschor 2008, p. 66–70.
- Fischer 2005, p. 152–154.
- McCall 1997, p. 115–116.
- « Riro ʻa Kāinga », Moe Varua Rapa Nui, , p. 5–8 (lire en ligne, consulté le )
- Fischer 2005, p. 155.
- Métraux 1937, p. 43.
- Fischer 2005, p. 162.
- Van Tilburg 2003, p. 115, 133, 137, 139, 148, 171–172, 175, 182–184, 196, 226, 232, 239.
- Fischer 1997, p. 125–139.
- Routledge 1919, p. 213.
- Fischer 1997, p. 123.
- Pelta 2001, p. 65.
- Métraux 1937, p. 41–62.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Sebastián Englert, La tierra de Hotu Matu'a: historia y etnología de la Isla de Pascua : gramática y diccionario del antiguo idioma de Isla de Pascua, Santiago, Editorial Universitaria, (ISBN 978-956-11-1704-4, OCLC 223396603, lire en ligne)
- Steven R. Fischer, Island at the End of the World: The Turbulent History of Easter Island, London, Reaktion Books, (ISBN 978-1-86189-245-4, OCLC 254147531, lire en ligne)
- Steven R. Fischer, Rongorongo: The Easter Island Script : History, Traditions, Texts, Oxford, Clarendon Press, (ISBN 978-0-19-823710-5, OCLC 247739920, lire en ligne)
- Lorenz Rudolf Gonschor, Law as a Tool of Oppression and Liberation: Institutional Histories and Perspectives on Political Independence in Hawaiʻi, Tahiti Nui/French Polynesia and Rapa Nui (thèse), Honolulu, University of Hawaii at Manoa, (OCLC 798846333, hdl 10125/20375, lire en ligne [archive du ])
- Adrienne Lois Kaeppler, Splendid Isolation: Art of Easter Island, New York, Metropolitan Museum of Art, (ISBN 978-1-58839-011-0, OCLC 248631665, lire en ligne), « Rapa Nui Art and Aesthetics »
- Lars F. Krutak, The Tattooing Arts of Tribal Women, London, Bennett & Bloom/Desert Hearts, , 101–126 p. (ISBN 978-1-898948-75-9, OCLC 181068444), « Papua New Guinea and Easter Island »
- Grant McCall, « Riro Rapu and Rapanui: Refoundations in Easter Island Colonial History », The Easter Island Foundation, Los Ocos, CA, vol. 11, no 3, , p. 112–122 (OCLC 197901224, lire en ligne [archive du ], consulté le )
- Alfred Métraux, « The Kings of Easter Island », The Polynesian Society, Wellington, vol. 46, no 2, , p. 41–62 (OCLC 6015249623, JSTOR 20702667)
- Cristián Moreno Pakarati, Los últimos 'Ariki Mau y la evolución del poder político en Rapa Nui, (1re éd. 2010) (lire en ligne)
- Cristián Moreno Pakarati, Rebelión, Sumisión y Mediación en Rapa Nui (1896-1915), (lire en ligne)
- Kathy Pelta, Rediscovering Easter Island, Minneapolis, Lerner Publications, (ISBN 978-0-8225-4890-4, OCLC 43977639, lire en ligne )
- Katherine Routledge, The Mystery of Easter Island: The Story of an Expedition, London, Printed for the author by Hazell, Watson and Viney, (OCLC 955343438, lire en ligne)
- Hjalmar Stolpe, « Über die Tätowirung der Oster-Insulaner », R. Friedlaender, Berlin, vol. 8, no 6, , p. 1–13
- JoAnne Van Tilburg, Among Stone Giants: The Life of Katherine Routledge and Her Remarkable Expedition to Easter Island, New York, Scribner, (ISBN 978-0-7432-4480-0, OCLC 253375820, lire en ligne )