La Religieuse
La Religieuse | ||||||||
Première page | ||||||||
Auteur | Denis Diderot | |||||||
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Pays | France | |||||||
Genre | Roman | |||||||
Éditeur | Buisson | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1796 | |||||||
Chronologie | ||||||||
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La Religieuse est un roman-mémoires de Denis Diderot achevé vers 1780 et publié à titre posthume en 1796. Inspiré d'une histoire réelle, celle de Marguerite Delamarre, ce roman anticlérical raconte comment une jeune fille devient religieuse contre son gré et se bat pour échapper à la clôture et recouvrer la liberté.
Contexte
[modifier | modifier le code]En 1760, Diderot commence à composer un roman à partir d'une mystification. Pour faire revenir à Paris leur ami le marquis de Croismare, Diderot et quelques amis s'inspirent de faits réels et imaginent les lettres d'une religieuse sollicitant l'aide du marquis pour s'extraire du cloître où elle est retenue malgré elle. C'est en développant ces lettres que Diderot commence à composer le roman qui deviendra La Religieuse, sans toutefois achever le texte.
Grimm rappelle ce complot dans la Correspondance littéraire en 1770 ; son témoignage est désormais connu sous le nom de « préface-annexe » et intégré aux publications du roman depuis la fin du XVIIIe siècle. Son statut hybride entre réalité et prolongement de la mystification a été largement commenté par les historiens de la littérature. Jean Cartrysse par exemple considère que
« La Religieuse est l'aboutissement romanesque d'une mystification dont l'intrigue a été postérieurement incorporée au récit sous forme de préface-annexe[1]. »
Diderot reprend l'écriture de son roman en 1780, achève un état du texte et le laissera immédiatement diffuser en feuilleton dans la Correspondance littéraire, philosophique et critique entre 1780 et 1782. Le roman paraît sous forme imprimée en 1796, à titre posthume.
Sources
[modifier | modifier le code]La base du roman est donc le corpus de lettres échangées par le groupe d'amis et Croismare. Cette mystification est elle-même inspirée de l'histoire bien réelle d’une religieuse de l'abbaye royale de Longchamp nommée Marguerite Delamarre, qui avait fait parler d’elle dans les salons en 1758 pour avoir écrit à la justice, demandant d’être libérée du cloître où ses parents l’avaient enfermée. Elle affirmait être une enfant illégitime de sa mère. De peur d’aller en enfer, sa mère, par un chantage affectif, l'aurait persuadée d’aller dans ce couvent.
Diderot a également pu intégrer à son roman des éléments de la vie de sa propre sœur Angélique. Née en 1720, elle est entrée chez les Ursulines de Langres et y est morte folle dans un couvent. Pour Marie-Angélique de Vandeul, fille de Denis Diderot, sa tante est morte car on « abusa de sa force physique » [2]. Toutefois, les détails de la vie de cette sœur restant inconnus, il est difficile d'affirmer quoi que ce soit à ce sujet.
René Godenne a signalé diverses sources littéraires antérieures, telle La Religieuse malgré elle de Brunet de Brou[3].
Résumé
[modifier | modifier le code]Au XVIIIe siècle, Suzanne Simonin est contrainte par ses parents de prononcer ses vœux au terme de son noviciat. En effet, pour des raisons de dots qui pénaliseraient ses deux sœurs, ceux-ci ont préféré enfermer leur fille au couvent. En réalité, Suzanne est une enfant illégitime et sa mère espère, en l'écartant, expier sa faute de jeunesse.
C’est dans la communauté des Clarisses de Longchamp qu’elle rencontre la supérieure de Moni. Celle-ci, une mystique, se lie d’amitié avec la jeune fille avant de mourir. La période de bonheur et de plénitude s’achève pour l’héroïne avec l’arrivée d’une nouvelle supérieure : Sainte-Christine. Sachant que Suzanne désire rompre ses vœux et que, pour ce faire, elle a intenté un procès à la communauté, la supérieure opère un harcèlement moral et physique sur Suzanne. L'infortunée subit de l’ensemble de la communauté, à l’instigation de la supérieure, une multitude d’humiliations physiques et morales. En perdant son procès, Suzanne est condamnée à rester au couvent. Cependant son avocat, Maître Manouri, touché par sa détresse, obtient son transfert au couvent Saint-Eutrope.
Au terme de son calvaire, Suzanne pardonne à ses bourreaux tout en continuant à poursuivre ses réflexions éminemment subversives sur le bien-fondé des cloîtres et de l’univers conventuel. Son arrivée dans la communauté de Saint-Eutrope marque le début de l’épisode le plus fameux de La Religieuse. En effet, cette période est caractérisée par l’entreprise de séduction de la supérieure à son égard. Celle-ci sombre dans la folie devant l’indifférence et l’innocence de la chaste Suzanne. Consciente de la dangerosité de ses désirs pervers qu’elle ne peut refouler, elle se livre aux lacérations et au jeûne avant de mourir démente.
Incapable de rester plus longtemps cloîtrée, Suzanne réussit à s’enfuir du couvent. Dans une conclusion à peine esquissée, l’auteur nous fait comprendre que Suzanne, dans la clandestinité, attend l’aide du marquis de Croismare et vit dans la peur d’être reprise.
Une œuvre anticléricale
[modifier | modifier le code]Diderot fait le procès des institutions religieuses coercitives, contraires à la véritable religion dans la mesure où elles mènent les individus aux souffrances terrestres et à la damnation éternelle. Le monde clos entraîne la dégradation de la nature humaine. Oisiveté, inutilité sociale, promiscuité plongent peu à peu les reclus dans les rêveries morbides ou mystiques, puis dans la folie et les mènent parfois au suicide.
Œuvre anticléricale par excellence, La Religieuse est une ode à la liberté de choisir son destin. L’aliénation religieuse créée par l’univers conventuel y est dénoncée de manière polémique. Diderot prête sa voix et ses idées sur le couvent à Suzanne, qui, contrairement à l’auteur, est une croyante convaincue.
Éditions
[modifier | modifier le code]Éditions commentées, scientifiques ou critiques
[modifier | modifier le code]- Diderot, Œuvres complètes, tome XI, Paris, Hermann, coll. dite DPV (ISBN 2705658025).
- Robert Mauzi (éd.), Paris, Gallimard, 1972, coll. « Folio ».
- Florence Lotterie (éd.), Paris, Flammarion, 2009, GF no 1394 (ISBN 978-2-0812-0821-6).
- Christophe Martin, Diderot. La Religieuse, Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque », 2010 (ISBN 978-2-07-039654-2).
Livre audio
[modifier | modifier le code]- Denis Diderot (auteur) et Séverine Desbordes (narratrice), La Religieuse, La Bazoge, CdL éditions, (ISBN 978-2-35383-044-2). Support : 6 disques compacts audio ; durée : environ 7 h.
Réédition au format MP3. Support : 1 disque compact audio MP3 ; durée : environ 7 h ; 21 avril 2008 (ISBN 978-2-35383-045-9).
Adaptations
[modifier | modifier le code]Cinéma
[modifier | modifier le code]- 1967 : Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette avec Anna Karina (censuré à sa sortie[4]).
- 2013 : La Religieuse de Guillaume Nicloux avec Pauline Étienne.
Théâtre
[modifier | modifier le code]- 1960 : adaptation de Roland Monod, au Théâtre Quotidien de Marseille.
- 2011 : Les Vœux de la religieuse, adaptation de Florence Camoin, théâtre de Saint-Maur[5].
- 2012 : adaptation d'Anne Théron, au théâtre Monfort, à Paris.
- 2013 : adaptation de Nicolas Vaude, au théâtre Le Ranelagh, à Paris.
- 2017 : adaptation d'Anaïs Gabay, au théâtre Pixel, à Avignon (pendant la période du festival).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Jean Catrysse, Diderot et la mystification, Paris, Nizet, 1970, p. 73 ; notice bibliographique sur catalogue.bnf.fr.
- Marie Souviron, « Diderot, Langres et la religion », sur Persée.fr in Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, (consulté le ).
- 1720, lire en ligne ; rééd. en 1740, en ligne. (BNF 30169890).
- Andrew S. Curran, Diderot and the Art of Thinking Freely, Other Press, 2019, p. 266.
- « La religieuse cloîtrée au théâtre », Le Parisien, (lire en ligne).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]Genèse de l'œuvre
[modifier | modifier le code]- Annie Flandreau, « Du nouveau sur Marguerite Delamarre et La Religieuse de Diderot », Dix-Huitième Siècle, 1992, no 24, p. 411-19.
- G. Stenger, « La Préface-Annexe : un conte oublié de Diderot ? », Studies on Voltaire and the Eigteenth Century, 1989, no 260, p. 311-322.
- Vittorio Frigerio, « Nécessité romanesque et démantèlement de l’illusion dans la Préface-Annexe à La Religieuse de Diderot », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopedie, avril 1994, no 16, p. 45-59.
- (en) Rosalina De la Carrera, « Epistolary Triangles : The Préface-Annexe of La Religieuse Reexamined », The Eighteenth Century : Theory and Interpretation, Fall 1988, no 29 (3), p. 263-280.
- (en) Dan Valahu, « Little-Known Documents : Three Croismare Documents : Weighing the Authenticity of Letters to Diderot’s 'Religieuse' and Mme Madin », PMLA, mars 2006, no 121 (2), p. 532-45.
- (en) Dan Valahu, « The Integration of Diderot’s La Religieuse and the Préface », Romanische Forschungen, 2006, no 118 (1), p. 50-60.
- René Godenne, Les nouvellistes et La Religieuse, Diderot studies, 1973, vol. 16, p. 55-68.
Incohérences et invraisemblances
[modifier | modifier le code]- (en) Mary Ann Brun, « Faussemblance : Errors and Artifice in Diderot’s La Religieuse », Auteur, Autorité, New York, Columbia UP, 1995, p. 113-19.
- (en) Julie C. Hayes, « Retrospection and Contradiction in Diderot’s La Religieuse », Romanic Review, May 1986, no 77 (3), p. 233-242.
Rapprochements romanesques
[modifier | modifier le code]- (en) Dan Th. Valahu, « Diderot’s La Religieuse and Richardson: Textual Convergence and Disparity », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, no 241, , p. 297-338
- (en) Adrian Kempton, « Diderot’s Clarissa and Laclos' Cecilia: Virtuous English Heroines as Models for an Emerging Aesthetic of the Novel in France », Franco-British Studies, no 31, , p. 37-61
- Brigitte E. Humbert, « 'La Religieuse de Diderot et la marquise de Laclos », The French Review, vol. 6, no 75, , p. 1194-1212
- (en) Ksenya Kiebuzinski, « Female Autonomy vs. Male Authority: A Reading of Graffigny’s Lettres d'une Péruvienne and Diderot’s La Religieuse », Auteur, Autorité, New York, Columbia UP, , p. 126-137
- (en) Lincoln Shlensky, « Preside at Their Pleasures: Rousseau, Diderot, Kafka and the Ambivalence of Representation », Qui Parle: Literature, Philosophy, Visual Arts, History, vol. 1, no 6, , p. 52-92
- Raymond Joly, « Entre Le Père de famille et Le Neveu de Rameau: conscience morale et réalisme romanesque dans La Religieuse », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, no 88, , p. 845-857
Religion
[modifier | modifier le code]- (en) Huguette Cohen, « Jansenism in Diderot’s La Religieuse », Studies in Eighteenth-Century Culture, 1982, no 11, p. 75-91.
- Dominique Jullien, « Locus hystericus : l’image du couvent dans La Religieuse de Diderot », French Forum, May 1990, no 15 (2), p. 133-148.
- (en) Carole F. Martin, « Legacies of the Convent in Diderot’s La Religieuse », Studies in Eighteenth-Century Culture, 1996, no 25, p. 117-29.
- René Pomeau, « Sur la religion de La Religieuse », Travaux de Linguistique et de Littérature, 1975, no 13 (2), p. 557-67.
- Marie-Hélène Cotoni, « Du dramatique au tragique : la scène des vœux monastiques interrompus dans Les Illustres Françaises de Robert Challe et La Religieuse de Diderot », Revue d’Histoire Littéraire de la France, Jan-février 1993, no 93 (1), p. 62-72.
Féminisme
[modifier | modifier le code]- Catherine Cusset- Jenkins, « La Femme et la loi dans La Religieuse de Diderot », Nature, droit, justice, Toulouse, UTM, 1991, p. 29-39.
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Rapport au corps et à la sexualité
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- (en) Herbert Josephs, « Diderot’s La Religieuse : Libertinism and the Dark Cave of the Soul », MLN, May 1976, no 91 (4), p. 734-55.
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- Flavio Luoni, « La Religieuse : récit et écriture du corps », Littérature, May 1984, no 54, p. 79-99.
- Marie-Claire Vallois, « Politique du paradoxe : Tableau de mœurs/tableau familial dans La Religieuse de Diderot », Romanic Review, mars 1985, no 76 (2), p. 162-171.
- M. Simonton, « Suzanne’s cri animal : Aural and musical imagery in Diderot’s La Religieuse », University of Toronto Quarterly, Summer 1986, no 55 (4), p. 328-341.
- Philip Stewart, « Body Language in La Religieuse », Studies in French Fiction in Honour of Vivienne Milne, London, Grant & Cutler, 1988, p. 307-321.
Réception
[modifier | modifier le code]- Jean-Claude Bonnet, « Revoir La Religieuse », Interpréter Diderot aujourd’hui, Paris, Sycomore, 1984, p. 59-79.
- Anne Coudreuse, « Pour un nouveau lecteur : la Religieuse de Diderot et ses destinataires », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, Oct 1999, no 27, p. 43-57 ; lire en ligne.
- Diana Guiragossian Carr, « La Fortune de La Religieuse en Angleterre de 1797 à 1850 », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1989, no 265, p. 1288-1291.
- Éric Vanzieleghem, « La Monaca di Parigi : une édition américaine de La Religieuse », Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, no 56, , p. 197-211 (lire en ligne, consulté le ).
Autres
[modifier | modifier le code]- Pierre Berthiaume, « La Religieuse de Denis Diderot ou l’hypotypose spéculaire », Lumen, Kelowna, Canadian Society for Eighteenth-Century Studies, 2003, p. 67-81.
- Marc Buffat, « Pour un spectateur distant », Eighteenth-Century Life, Winter 2001, no 25 (1), p. 68-79.
- Isabelle Cassagne, « Les Voiles de l’absence : le Drame d’une identité illusoire dans La Religieuse de Denis Diderot », Tropos, Spring 1993, no 19 (1), p. 45-60.
- (en) Christine Clark-Evans, « The Philosophical Novel : Probability, Causality and the Epicurean Swerve in Diderot’s La Religieuse », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1992, no 304, p. 1187-89.
- Jean Deprun, « En marge de La Religieuse : quatre témoins au-dessus de tout soupçon », L’Encyclopédie, Diderot, l’esthétique : mélanges en hommage à Jacques Chouillet (1915-1990), Paris, PU de France, 1991, p. 217-22.
- (en) William F. Edmiston, « Narrative Discourse and Cognitive Privilege in Diderot’s La Religieuse », French Forum, May 1985, no 10 (2), p. 133-144.
- Christine Clark-Evans, « Le témoignage de Suzanne : séduction tragique et discours juridique dans La Religieuse de Diderot », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, avril 1996, no 20, p. 75-89 ; lire en ligne.
- Robert Favre, « Le Bonheur dans La Religieuse », La Quête du bonheur et l’expression de la douleur dans la littérature et la pensée françaises, Genève, Droz, 1995, p. 61-65.
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