Mi-Carême au Carnaval de Paris

 :
le cortège
du 6e carnaval des femmes,
fête des blanchisseuses
,
défile place Igor-Stravinsky.
, 1re édition de la Mi-Carême depuis 70 ans à Paris, ressorti sous le nom de « Carnaval des Femmes ». Mot d'ordre : « Les hommes en femmes, s'ils osent, et les femmes en reines ». Le costume et le suivi du mot d'ordre ne sont pas une obligation pour participer[1].
Le mercredi , veille de la Mi-Carême, la foule parisienne devant la gare de Lyon attend l'arrivée des reines italiennes.
Mi-Carême 1906 à Paris : la Reine de Madrid Concepción Ledesma au centre avec ses demoiselles d'Honneur Louise Mungira et Mathilde Gomez[2].
Les étudiants parisiens défilent en masse sur le boulevard Saint-Michel et forment le monôme pour le jeudi de la Mi-Carême .
L'escalier de l'Opéra à la Mi-Carême, vu par Gustave Doré en 1856-1857.
La Promenade des blanchisseuses, à Paris, le jour de la Mi-Carême, illustration d'un ouvrage paru en 1852-1853[3].
Un géant de carnaval dans le cortège de la Rose des Roses le jeudi de la Mi-Carême 14 mars 1912[4].

La Mi-Carême à Paris, longtemps appelée également Fête des Blanchisseuses, est de facto au moins depuis le XVIIIe siècle la fête des femmes de Paris dans le cadre du féminin Carnaval de Paris.

Elle se fête également en banlieue de Paris et en province. Elle est aussi jadis la fête des débitants de charbon et des porteurs d'eau[5]. À partir de 1893, elle devient la grande fête des étudiants parisiens.

La Fête des Blanchisseuses a également été appelée jadis cortège des lavoirs ou Fête des grenouilles, en référence à l'eau omniprésente au lavoir.

Résumé de l'histoire de la fête

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Billet d'entrée pour une dame pour un bal masqué et travesti donné par la troupe du Théâtre de la Renaissance pour la Mi-Carême salle Ventadour à Paris - XIXe siècle.
Passage du Char de Paulette Cayet, Reine des Reines de Paris 1928, sur la place de l'Opéra le jeudi de la Mi-Carême 15 mars 1928.
Les Reines de la Mi-Carême de Paris en partance pour l'Italie en mars 1905[6].
Les Chats mousquetaires à cheval d'Alfort à la Mi-Carême à Paris, le jeudi .

Le Carnaval de Paris dure traditionnellement depuis le 11 novembre jour de la Saint Martin — c'est toujours le cas en Belgique et en Allemagne aujourd'hui, où il commence le 11 11 11, c'est-à-dire le 11 novembre à 11 heures 11, — jusqu'aux jours gras, temps forts de la fête juste avant l'entrée en carême quarante jours avant Pâques.

Au XVIIIe siècle le premier jour gras est le jeudi gras. C'est de lui que parle la première description connue du Bœuf Gras à Paris en 1739 et la lettre du maire de Paris Jean Sylvain Bailly au marquis de la Fayette chef de la Garde Nationale parisienne en 1790. Dans cette lettre où Bailly demande de faire respecter l'interdiction de la fête est écrit : «  je ne peux m'empêcher de vous observer que c'est demain le jeudy gras. »

Les jours gras tendront par la suite à se restreindre à Paris aux seuls dimanche, lundi et Mardi gras. Au Carnaval de Dunkerque, ces jours correspondent aux fameuses trois joyeuses.

En France on a[Qui ?] ajouté à la période « normale » du Carnaval un supplément à mi-chemin entre Mardi gras et Pâques : la Mi-Carême. À Paris, cette fête dure jusqu'à six jours d'affilée au début du XXe siècle. La Mi-Carême parisienne a une histoire très riche et pleine d'enseignements. Ses premières traces écrites remontent au moins à 1659. Un texte de Jean Loret[7] décrit la course de faquin[8] organisée cette année-là pour la Mi-Carême place Royale[9] par le marquis de Montbrun.

En 1670, page 256 de son Traitez singuliers et nouveaux contre le paganisme du Roy-boit, le docteur de Sorbonne Jean Deslyons parle des rois et reines de la Mi-Carême, dont il a vu l'usage parmi les écoliers, c'est-à-dire à l'époque les étudiants[10].

La Mi-Carême traditionnellement se fête également en banlieue de Paris et en province. Fête des blanchisseuses, c'est aussi jadis la fête des débitants de charbon et des porteurs d'eau[5]. Comme le note La Presse, décrivant la Mi-Carême à Paris 1853[11] :

Les voitures étaient très nombreuses. Beaucoup de carrioles pavoisées étaient remplies de charbonniers et de porteurs d'eau endimanchés. Dans d'autres voitures, les blanchisseuses étalaient leurs toilettes les plus brillantes.
Rien de plus joyeux que cette fête du monde blanchisseur et charbonnier.

La saison d'hiver est jadis close à Paris par le bal des blanchisseuses et porteurs d'eau de la Mi-Carême. Louis Jourdan écrit, en mars 1859[12] :

Le carnaval finit officiellement le mardi-gras, mais il n'expire en réalité que le jeudi de la mi-carême. Jusque-là Paris est piqué de la tarentule : on danse à tous les étages, dans tous les salons, c'est une fièvre non intermittente. Le bal des blanchisseuses et des porteurs d'eau a le privilège de clore la saison d'hiver à Paris.

Fête des étudiants de Paris à partir de 1893, fête ayant connu des échanges avec les provinces françaises et l'étranger, la Mi-Carême parisienne est un événement de très grande envergure. Pour s'en convaincre, il suffit de voir sur Internet les actualités cinématographiques de la British Pathé montrant le cortège de 1926[13]. Ou encore la photo des grands boulevards à la Mi-Carême 1927, ou de la place de l'Opéra à la Mi-Carême 1928, à une époque où, pourtant, la fête s'est affaiblie[14]. Le , La Semaine à Paris relève que : « la Mi-Carême, que ne fêtaient guère jadis que les blanchisseuses, est devenue liesse générale[15] ».

La hauteur impressionnante des chars n'est pas qu'une question de prestige. Quand on voit la foule immense place de l'Opéra au passage du cortège de la Mi-Carême, on comprend que cette hauteur a aussi un but pratique. Ainsi, en particulier, tout le monde peut apercevoir la Reine des Reines, vedette de la fête, assise sur son trône perché tout en haut de son char et envoyant des baisers de tous côtés.

La Mi-Carême renaît à Paris depuis 2009 et existe aussi, par exemple à Nantes[16], dans certains villages ou grands bourgs de France métropolitaine (tels Cholet, Coex,...), aux Antilles, notamment en Guadeloupe[17], à Fatima, aux îles de la Madeleine[18], etc.

La Mi-Carême paraît être une particularité française. Au point qu'au Brésil on appelle aujourd'hui une fête carnavalesque qui se passe en dehors de la période du Carnaval micareta et le mot viendrait de la langue française.

La Mi-Carême est une fête mobile située juste vingt-et-un jours après Mardi gras. Ce sont deux moments du Carnaval bien que certains auteurs aient quelquefois appelé Mardi gras « le carnaval » et voulu le détacher du second « la mi-carême ».

Avec les jours gras, a fête des blanchisseuses est un des deux grands moments du Carnaval de Paris. Aux jours gras défile le Bœuf Gras. À la Mi-Carême défilent les Reines.

Généralités

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Voiture de blanchisseuse photographiée en 1896 au pont de Sèvres à Paris[19].

Les Écosseuses des Halles

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La corporation des écosseuses était composée de femmes dont le travail consistait à écosser[20].

Écosseuses, marchandes d'oranges[21], harengères ou blanchisseuses, les femmes sont depuis toujours l'élément le plus joyeux, actif et dynamique du Carnaval de Paris.

Le rôle des écosseuses apparaît dans ce passage extrait d'un texte intitulé « Les Festes de Paris », brochure anonyme[22], éditée vers 1749 :

…« le seul divertissement que la populace se donnoit à ses frais tous les ans tire à sa fin, le Carnaval n'a plus de mascarades, les foires de parades, il est à craindre que la tristesse ne gagne les Halles, que les Écosseuses ont préservé jusqu'à présent ; du moins si le peuple n'atteint pas aux honneurs, il est juste de l'en recompenser par des amusemens. »

La fête femme

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Élection de la reine des blanchisseuses au lavoir de la rue neuve Saint-Médard en 1866[23].
Lavandières des bords de Seine en 1895, dessins d'Auguste Lepère[24].
Le marché aux blanchisseuses dans la rue aux Ours, à Paris en 1874[25].
Blanchisseuses parisiennes en 1865[26].

Au moins dès le XVIIIe siècle la Mi-Carême parisienne se présente à nous comme une immense fête féminine et populaire, dont les premières héroïnes sont les blanchisseuses. À Paris « Mi-Carême » et « fête des blanchisseuses » à un moment-donné deviennent synonymes. Et le restent bien après que les blanchisseuses ont cessé d'être les héroïnes officielles de la Mi-Carême[27]. Le défilé des reines sur les grands boulevards, puis le cortège de la Reine des Reines à partir de 1891 jusqu'aux années 1930, sont les seuls qui ont pu acquérir dans le cadre du Carnaval de Paris une stature considérable, au même titre que la Promenade du Bœuf Gras et la descente de la Courtille.

La fête des blanchisseuses est alors également très importante dans les banlieues de Paris comme Boulogne, Clichy, Montrouge, et aussi en province.

Benjamin Gastineau[28] écrit en 1855 :

« Paris ne célèbre pas seule la mi-carême ; la banlieue, diverses provinces de la France la fêtent aussi. Dans beaucoup de villes, les jeunes filles et les porteurs d'eau prennent leur fête à cette époque de l'année[29]. »

Cependant son histoire n'a jamais été écrite.

Les historiens ont longtemps rédigés leurs ouvrages en ignorant les femmes à part quelques-unes. Or la Mi-Carême est une grande fête féminine. Qui plus est une fête populaire.

Fête, féminin et populaire, ce triple pêché de la Mi-Carême fait qu'elle est oubliée, versée aux oubliettes de l'Histoire officielle[Interprétation personnelle ?]. C'est « juste » des femmes qui prennent le temps de vivre, s'amusent entre elles, chantent, dansent, boivent, festoient, se costument, élisent des reines, y ajoutent des rois et défilent.

À cette époque, c'est le seul moment où des femmes françaises votent. Elles n'acquerront le droit de vote qu'en 1945.

Des milliers de femmes élisent des centaines de reines, des centaines de milliers de femmes mettent toute la ville en fête, c'est juste cela, la Mi-Carême. Toutes les blanchisseuses votent, sont éligibles, y compris les plus jeunes.

Le Journal illustré écrit en 1892 :

Quoi qu'il en soit, la reine des reines, celle des blanchisseuses, dont nous publions la photo, est remarquablement jolie.
Elle se nomme Henriette Delabarre. Elle a été élue par les autres reines, au scrutin et au premier tour, par une trentaine de souveraines de lavoir qui ont donné aux membres du parlement une leçon de justice en s'inclinant devant la grâce, devant la beauté de leur compagne.
Mlle Delabarre a seize ans. Blonde, la taille élancée, très aimable, très enjouée, elle fera, dans sa riche parure d'un jour, grand honneur à sa corporation, et tout Paris s'apprête à lui faire cortège.
Elle habite rue des Trois-Couronnes et travaille avec sa mère, reine aussi jadis, et sa jeune sœur au lavoir Moderne de la rue Oberkampf[30].

Le lavoir en général occupe alors une place essentielle dans la vie de toutes les femmes (exceptées celles qui ne lavent ni leur linge, ni celui des autres), en tant que lieu de travail, de réunion et d'échanges.

Les blanchisseuses

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La fête des blanchisseuses au lavoir Popincourt, à Paris, le jeudi de la Mi-Carême [31].
La fête des blanchisseuses dans un lavoir du quartier de Plaisance, à Paris, le jeudi de la Mi-Carême [32].
Réception de Mlle Marie Marlin-Poirier, Reine des Reines de Paris 1901, au journal Le Matin, le jeudi de la Mi-Carême 14 mars 1901[33].
Compte-rendu de l'élection de la Reine des Reines des 6000 blanchisseuses de Boulogne-sur-Seine en mai 1913[34].
La Gazzetta del Popolo de Milan, rend compte de la visite des Reines italiennes des marchés de Turin et Milan à Paris pour la Mi-Carême 1905[35].

À Paris durant longtemps existe une importante corporation féminine, populaire et laborieuse, celle des blanchisseuses, qui travaille dans des dizaines de lavoirs et bateaux-lavoirs, appelés également « bateaux lessives ». Tous âges confondus, des plus jeunes aux plus âgées, soit environ de 15 à 60 ans, il y a jusqu'à 150 femmes rassemblées dans ces établissements. Il n'est pas rare que plusieurs femmes d'une même famille s'y retrouvent pour travailler ensemble.

Les blanchisseuses apparaissent dans des expressions populaires. Ainsi « porter le deuil de sa blanchisseuse » signifie jadis porter une chemise sale[36].

Un rapport de la chambre syndicale des blanchisseurs adressé vers 1880 au ministère de l'intérieur évalue à 104 000 personnes la population que le blanchissage fait vivre à Paris. Il y a parmi elles 94 000 femmes et 10 000 hommes, soit presque 10 femmes pour un homme[37].

Gaston Calmette, le jeudi de la Mi-Carême écrit dans Le Figaro que[38] :

Pendant cette journée de la Mi-Carême, Paris appartiendra aux blanchisseuses, et, entre toutes à la reine élue de cette armée colossale qui ne compte pas moins de quatre-vingt-treize mille femmes et onze mille buandiers ! Corporation très compliquée, peu connue et qui comprend 55,000 lavandières ou repasseuses de fin, 1,300 apprêteuses de neuf, 1,500 batelières, 30,000 buandières de lavoirs, etc., le tout gagnant de 18 à 35 francs par semaine, avec douze à quinze heures de travail quotidien.

Ces ouvrières et ouvriers sont des personnes de condition modeste, énergiques, faisant un travail physique et aimant bien s'amuser.

En 1885, E. Robichon écrit que[39] : « La blanchisseuse parisienne est soigneuse de sa personne et c'est une exception d'avoir à signaler chez elle des négligences de costumes et de propreté. Elle est gaie, babillarde… »

En 1890, Auguste Vitu décrivant un lavoir à Paris, souligne le caractère joyeux et vivant des blanchisseuses :

A l'angle nord-ouest de la rue de l'Hôtel-Colbert et de la rue de la Bûcherie, on voit s'élever au-dessus des maisons une monumentale rotonde terminée en coupole. Plongeant notre regard par la porte cochère de la maison qui porte le numéro 13 sur la rue de la Bûcherie, un spectacle curieux nous attend. Devant nous une sorte de cloître à arcades ogivales renferme le bruyant et joyeux personnel d'un lavoir, qui s'intitule le lavoir Colbert[40].

Les blanchisseuses sont importantes par leur nombre et aussi par leur présence quotidienne dans la rue. Car elles lavent mais aussi cherchent le linge sale et livrent le linge propre. Le linge transporté et leur habit permet de les identifier. Voir ainsi passer de nombreuses femmes et jeunes filles seules transportant du linge fait rêver, voire fantasmer, plus d'un homme sur leur passage. Qui leur attribue des exploits sexuels et une réputation de filles faciles qui relève très probablement de l'imaginaire[Interprétation personnelle ?].

En témoigne le jadis célèbre poème de Charles Monselet Les petites blanchisseuses souvent évoqué par les journalistes dans leurs articles parlant de la Fête des Blanchisseuses. De ce poème grivois ils ne citent jamais que le premier quatrain[41], qui ne laisse pas entrevoir la suite. Ça devient plus chaud dès le deuxième et très chaud et explicite à la fin. On peut le lire en entier sur la base Wikisource.

En 1868, Adrien Marx, pour Le Petit Journal parle des blanchisseuses :

Vous avez certainement remarqué comme moi les voitures de blanchisseuses que la banlieue nous expédie tous les jours et qu'on voit stationner à Paris devant la porte des maisons.
Ce sont, pour la plupart, d'énormes carrioles à deux roues recouvertes d'une bâche qui protège les paquets de linge contre les intempéries de l'air.
Le cheval qui traîne cette cargaison immaculée est généralement dirigé dans les rues par une grosse femme dont les façons sont légèrement brusques… Observez la commère, lorsqu'elle ravive par un coup de fouet l'énergie défaillante de son vieux bidet. Ses traits se contractent, son visage prend une physionomie virile, et sa bouche lâche un Hue ! qui fait trembler les vitres d'alentour.
Eh bien ! ne vous y trompez pas : ces luronnes sont presque toutes d'excellentes mères de famille cachant sous la rudesse de leur allure des sentiments exquis, un cœur d'or et de précieuses qualités, dont beaucoup de belles dames sont dépourvues,
Elles ne craignent pas, j'en conviens, de laisser voir leurs chevilles empâtées quand elles quittent ou gravissent le haut marche-pied de leurs carrosses[42]. La peau de leurs bras hâlée par le grand air et les vagues du fleuve n'a aucune analogie avec le satin, et leurs doigts macérés dans l'eau de savon manquent de la distinction et de la grâce inhérentes aux mains des duchesses. Mais les blanchisseuses de la campagne ont d'autres avantages[43]

La vie des blanchisseuses et des rares hommes présents dans les blanchisseries, garçons de lavoirs qui portent les seaux d'eau chaude et patrons, ne comporte guère de loisirs. On travaille de très longues heures, six jours sur sept, sans congés payés, retraites ou congés maladies. Le travail des blanchisseuses et garçons de lavoirs est très physique. En 1868, Timothée Trimm appelle la Reine du lavoir, « souveraine du battoir[44] » et une coupure de presse du , conservée dans les dossiers Actualités Carnaval de la Bibliothèque historique de la ville de Paris, appelle la fête des blanchisseuses « la fête des battoirs ». À Boulogne, près de Paris, où l'eau est réputée très peu calcaire, on creuse des trous dans la berge de la Seine. Les blanchisseuses descendues dedans ont le linge posé sur le sol juste à la bonne hauteur pour le laver. En 1843, quatre voitures de blanchisseuses de Boulogne montent à Paris, pour la Mi-Carême[45]. L'Illustration, en , publie un dessin montrant Le marché aux blanchisseuses dans la rue aux Ours, où celles-ci vont chercher du travail[46].

Un jour de fête et de congé où on[Qui ?] est mis à l'honneur… Une fois par an la Mi-Carême c'est la journée des blanchisseuses, qui sont les vedettes, mais aussi des patrons et du personnel des lavoirs. Journée qui fait partie de la grande fête populaire du Carnaval de Paris.

Comme le dit le couplet de bis de la chanson comique Les garçons de lavoir, créée par Paulus à l'Eldorado[47] :

La d'mi-carême, à nous, c'est notre fête ;
C'est ce jour-là qu'on s'en paye, ah ! malheur !
Y faut nous voir, le soir, à la guinguette,
Pousser notr'pas du Hann'ton cascadeur.

Ce jour-là, comme l'écrit Le Constitutionnel en 1846, les blanchisseuses élisent leur reine dans chaque grand lavoir, et vont ensuite à l'église, vêtues de blanc. Aux blanchisseuses de Paris viennent se joindre celles de la banlieue, que l'on[Qui ?] voit arriver par toutes les barrières avoisinant la Seine, vêtues de blanc aussi, et voiturées dans les charrettes de leurs patrons[48].

Les lavoirs et bateaux-lavoirs sont également décorés le jour de la fête, comme le note La Presse en 1851[49] : « Les lavoirs en ville et sur Seine étaient magnifiquement pavoisés et décorés d'arbustes et de fleurs. »

Le lendemain, chacun rentre au lavoir, dans la grande cour vitrée, fumeuse, bruyante, ou sur le bateau mouvant aux senteurs chimiques. On est un peu las, mais plus encouragé quand même et plus dispos.
L'ouvrière reprend sa place entre les deux baquets délaissés pour une journée ; et, faisant crier plus fortement son battoir, elle raconte sa promenade de la veille à la bonne ébahie, apportant sa cargaison de linge, etc.
Quant au roi d'hier, il revêt son bourgeron bleu, sa pipe à demi consumée, retrousse ses manches, et débite avec une parcimonieuse mesure ses deux sous de lessive habituelle ou de javelle, désespoir des ménagères !
Et voilà pour une année de souvenirs et de labeur[38].

Il arrive également que les blanchisseuses soient mises à l'honneur en d'autres occasions que la Mi-Carême. C'est ainsi, par exemple, que pour une cavalcade organisée à Boulogne-sur-Seine le , est élue le 4 mai qui précède une Reine des Reines des 6 000 blanchisseuses de la ville[34].

La disparition des bateaux-lavoirs

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Dans un article écrit avant 1871, Jules Vallès indique que : « Il y a environ cent vingt lavoirs dans Paris, sans compter les lavoirs publics et gratuits et les quatre-vingts bateaux établis tant sur la Seine que sur le canal Saint-Martin[50]. »

Les bateaux-lavoirs parisiens sont un des hauts lieux traditionnels des fêtes de la Mi-Carême. La Presse écrit, le [51] :

Sur la rivière, tous les bateaux de blanchisseuses étaient gaiment pavoisés de mais, de rubans et de bannières ; dans l'intérieur, on entendait retentir les joyeux accords, et tout le monde y dansait. La Mi-Caréme est la fête des blanchisseuses.

À la fin du XIXe siècle, ces bateaux-lavoirs vivent leurs dernières années. Ce n'est pas une disparition spontanée. Elle est voulue et planifiée par les autorités. Georges Montorgueil écrit en 1895 :

Tradition appelée à disparaître. Il ne se concède plus de lavoirs nouveaux ; ceux existants mourront de vieillesse, sans le droit de prolonger, par des modifications confortatives, une existence plus que séculaire. La gaîté des rives y perdra quelque chose[52]

Georges Montorgueil note également dans le même livre que la Mi-Carême a cessé d'être fêtée sur les bateaux-lavoirs :

Il n'est plus de Mi-Carême pour ces laveuses, qui voient, indifférentes, défiler le cortège de leurs sœurs de la terre ferme[53].

Origine de la féminité marquée de la Mi-Carême

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Bulletin du Photo-club de Paris 1894[54].
Yvonne Béclu, Reine des Reines de Paris, sur son char le jeudi de la Mi-Carême 3 mars 1921, avec une partie de sa suite[55].

À l'occasion de la Mi-Carême 1890, le journal parisien La Presse écrit[56] :

L'invention de la Mi-Carême est bien plus récente que celle du carnaval. On avait de très bonne heure senti le besoin d'inaugurer par des plaisirs bruyants une longue période d'abstinence ; quand la foi se fut encore affaiblie, on jugea à propos de couper par une halte cette longue période de privations : on créa la Mi-Carême. Telle est sa raison d'être évidente ; quant à la cause occasionnelle de son existence, elle est moins sûrement connue. On attribue la Mi-Carême à la coutume établie dans quelques petites villes, parmi les jeunes gens, de donner, le mardi-gras un dernier bal aux jeunes filles du pays ; celles-ci donnaient à leur tour une fête le troisième jeudi de carême.
À cela s'est joint, surtout à Paris, l'habitude parmi les blanchisseuses, de se nommer à cette époque une reine, de se déguiser et de donner un bal dans leur bateau.
Cette coutume, souvenir probable des anciens rois des métiers, s'est étendue de Paris à la banlieue et bien au-delà. Dans beaucoup de villes, la Mi-Carême demeure la fête des jeunes filles.

Le Journal illustré écrit le , citant son confrère sans le nommer :

« Tous nos lecteurs savent qu'il est d'usage, à Paris, d'élire à l'occasion de la fête de la Mi-Carême, une reine dans chaque lavoir ; on choisit de même une reine du (marché du) Temple et une reine des Halles.
» On suppose que l'usage de ces réjouissances s'est répandu à la suite de la coutume établie dans quelques petites villes, parmi les jeunes gens, de donner le mardi gras un dernier bal aux jeunes filles. Celles-ci offraient, à leur tour, une fête le troisième jeudi de Carême.
» De là à Paris serait venu l'habitude des blanchisseuses qui nomment une reine à cette époque, se déguisent et dansent le soir sur leurs bateaux ou dans les salles publiques.
» Cela est certainement une tradition, un souvenir des anciens rois des métiers[57]. »

Pierre Hamp en 1923 donne à l'origine de la fête des blanchisseuses parisiennes une explication qui est peut-être complémentaire sans être contradictoire[58] :

Les blanchisseuses de la Seine choisirent autrefois la Mi-Carême, la bombance qui suit les jours maigres, probablement parce que c'était pour leur métier un temps de repos avant les grands blanchiments de Pâques où il faut beaucoup de linge propre pour les communions. Cette fête du lavoir devint celle de tous les métiers de jeunes filles.

Les Reines : cooptées ou élues ?

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La Mi-Carême parisienne caricaturée par Godefroy en 1891[59].

Les reines telles qu'elles existent à l'origine et durant longtemps dans cette fête parisienne sont plus ou moins élues. Il ne s'agit pas traditionnellement d'élections avec liste, scrutin, etc., mais plus d'un consensus que d'un vote.

Ce genre de fonctionnement rappelle le mode traditionnel d'élection des massiers (élèves responsables d'ateliers) dans les écoles d'arts et architecture. Il apparaît évident, à un moment donné, aux étudiants de l'atelier, qu'un élève fait l'affaire comme massier. Dès lors, tout le monde l'accepte d'office comme tel, sans émarger sur une liste électorale, voter à main levée ou bulletin secret.

Il arrive aussi que quand il y a vote pour élire les reines, le nombre de participants au scrutin soit réduit.

Une reine peut être belle et souriante. Mais elle est surtout représentative. Cette fonction fondamentale de représentation la différencie de la rosière choisie pour sa vertu et son mérite et de la miss, choisie pour sa beauté.

Les reines apparaissent comme un élément essentiel de la Mi-Carême qui est une occasion de s'amuser.

Comme le rapporte Timothée Trimm dans Le Petit Journal en 1868[60], c'est une sorte de Comité occulte qui choisit la Reine du lavoir, qui découvre son élection en arrivant à son poste de travail.

On ignore le processus d'élection exact de la Reine générale de toutes les blanchisseuses de Paris.

Le Carnaval n'est pas régi par la démocratie, mais par des petits groupes unis par un projet commun, c'est ainsi que cela se passe encore à Dunkerque et dans sa région où le Carnaval est toujours très important.

L'introduction en 1891 de la démocratie formelle par les Maîtres de lavoirs dans la désignation de la Reine des Blanchisseuses rebaptisée Reine des Reines et élue par les Reines des lavoirs a conduit les blanchisseuses à se faire déposséder de leur représentante qui va vite être réduite à un élément décoratif choisi par des hommes, personnalités officielles ou maîtres de lavoirs.

L'argument principal pour ce bouleversement repose sur la naissance d'un cortège central organisé de la Mi-Carême en lieu et place de la convergence habituelle des voitures de blanchisseuses sur les grands boulevards le jour de la Mi-Carême.

Origine du cortège de la Mi-Carême

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Louise Sicard, première Reine des Reines de Paris en 1891, photo d'Eugène Pirou[61].

Les journaux parisiens au XIXe siècle insistent plus d'une fois sur le fait que les blanchisseuses prennent la liberté à la Mi-Carême d'endosser les plus beaux vêtements qu'elles trouvent parmi ceux qu'elles viennent de laver.

On[Qui ?] peut supposer[style à revoir] que se montrer avec en sortant du lavoir pour aller dans une guinguette peut être à l'origine du défilé.

Il y a des bateaux-lavoirs sur la Seine et des guinguettes appréciées aux barrières juste après qu'on est sorti[style à revoir] de Paris[62]. C'est également tentant de se montrer en passant sur les grands boulevards. Comme les autres y vont aussi on[Qui ?] s'y retrouve ensemble joyeusement.

Qui dit beaux vêtements dit louage de carrosse pour compléter le déguisement festif.

En 1895, et certainement avant cette date[pourquoi ?], les reines portent la couronne. Elles apparaissent alors coiffées d'un cercle de cuivre doré[63].

Le manteau aux armes de la ville de Paris offert par un grand couturier, l'impressionnant char de la Reine des Reines construit spécialement pour l'occasion, seraient les lointains héritiers au début du XXe siècle de ces pratiques festives des blanchisseuses.

Le succès de la fête

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Le char d'Henriette Delabarre, Reine des Reines de Paris 1892 et son escorte, devant l'hôtel du Petit Journal, 61 rue La Fayette, le jeudi de la Mi-Carême 24 mars 1892.

Francisque Sarcey note en  :

A la Mi-Carême on regarde d'un œil bienveillant le défilé des voitures de blanchisseuses obstruer le boulevard et couper tout passage aux gens affairés (s'il en est ce jour-la), et le soir toutes les guinguettes font rage sans que personne s'en scandalise[64] !

L'engouement pour la Mi-Carême est énorme[réf. souhaitée], comme cela ressort de cet écho de la fête en 1899 :

C'était jeudi la Mi-Carême, et c'est une fête autrement nationale que le 14 Juillet. J'ai voulu offrir à des parents de province le spectacle du boulevard en un pareil jour. Je suis allé au restaurant où j'ai l'habitude de déjeuner.
— Vous me réserverez une fenêtre, n'est-ce pas ?
— Oh ! monsieur, vous n'y pensez pas !
— Comment cela ?
— Mais tout est loué, archiloué. Il y a au moins un mois que tous nos cabinets sont retenus.
J'ai fait deux ou trois autres restaurants : même réponse. Le boulevard tout entier a été loué. La fête est lancée, et, qu'il pleuve ou qu'il vente, la Mi-Carême sera réussie[65].

En 1907, un journaliste hostile à la fête, Jean-Bernard, correspondant à Paris du journal l'Indépendance Belge, témoigne de l'importance de celle-ci dans sa chronique hebdomadaire La Vie de Paris :

Mais qui songe aujourd'hui à Libri, Paris est occupé surtout des chars de la Mi-Carême.
L'horrible chose, qu'une journée de la Mi-Carême : il n'est rien de si bassement brutal, de si odieux pour les honnêtes parisiens.
Les boulevards sont envahis par une cohue grossière où dominent les gens mal élevés qui s'excitent à l'insolence les uns les autres. On se presse, on s'écrase, on est bousculé, injurié par des farceurs sans esprit. La canaille, ce jour-là, prend sa revanche et les repris de justice ont droit à la première place ; il leur arrive d'aveugler à coup de confetti les juges qui, la veille, ont réprimé leurs méfaits. Qu'une honnête femme ne se hasarde pas à protester, elle sera injuriée d'abord, poursuivie de lazzis et frappée si elle insiste. Au milieu de ces tumultes, on remarque de très braves bourgeois qui viennent former la foule et prendre leur part de bousculades au milieu de cette cohue inénarrable. Sur tous les grands boulevards, les voitures ne passent plus, les omnibus ne font plus communiquer les deux parties de la ville, la circulation est arrêtée.
Il faut croire qu'il en est qui aiment ces spectacles, qui affectionnent ces désordres, puisque cinq cent mille personnes se pressent sur les larges trottoirs pour voir passer le légendaire cortège de chars ; une jeune fille hissée sur un char théâtrale, revêtue d'un costume de reine d'opérette, envoie des baisers à la foule qui se pâme, qui bat des mains et crie bravo ! C'est bête à pleurer[66].

L'affluence énorme, la foule compacte le jour de la fête, inspire une blague rapportée par Le Journal du dimanche en 1913[67] :

« LE PARISIEN. — Vous avez vu le programme du cortège de la mi-carême ?

LE PROVINCIAL. — Qu'est-ce que c'est que votre mi-carême ?

LE PARISIEN. — C'est un jour où les passants vont voir passer d'autres passants qui ne peuvent pas passer parce qu'il y a trop de passants. »

Une fête au prestige national et international

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Les reines de la Mi-Carême 1906 en visite au Petit Journal : Calais, Madrid, Paris, Rome et Vevey sont représentées.
La Reine des Reines de Paris avec son char aux Fêtes de Falaise le .
La Reine de la colonie russe de Paris à la Foire de Lyon en 1926[68].

La fête parisienne jouit d'un prestige parisien[Quoi ?] et national. Dans le cortège du Bœuf Gras qui défile le à Paris, on[Qui ?] trouve une déesse de l'Agriculture juchée sur un char manifestement inspiré[Interprétation personnelle ?] par celui des Reines des Reines de la Mi-Carême[69][source insuffisante]. Au moins à partir de 1905 et jusqu'en 1920 des délégations de province viennent participer à la fête à Paris. Des délégations de la Mi-Carême parisienne sont invitées à des fêtes en province. Ainsi, par exemple, à la Cavalcade Paris-Chartres le à Chartres, participe la Reine des Reines de Paris, ainsi que des chars de la Mi-Carême parisienne 1906, l'Harmonie du Petit Parisien et la société bigophonique Les Étourdis de Paris[70].

La Reine des Reines de Paris 1907 participe à la cavalcade du à Évreux. À cette occasion est créée une carte-postale souvenir avec les portraits de Georgette Juteau Reine des Reines parisienne et Marthe Bréant Reine du Commerce d'Évreux[71][source insuffisante]. La même chose est faite à l'occasion de la participation de la Reine des Reines de Paris 1909 aux Fêtes Normandes de juin 1909 à Rouen. Son portrait accompagne cette fois-ci ceux de la Reine de Calais et de la Reine de Normandie[72][source insuffisante].

La Reine des Reines de Paris, avec son immense char de parade se déplace en province et défile. Il en est ainsi avec Antoinette Orlhac le 16 mai 1909 à Saumur[73][source insuffisante], Élisa Gaillard le à Falaise[74][source insuffisante] et Jeanne Quéru le à Alençon[75][source insuffisante]. Les 25, 26 et 27 juin 1910, des Reines de Paris participent aux Fêtes de Châteauroux et défilent à cette occasion sur le char de la Reine des Reines de Paris 1909[76][source insuffisante].

On[Qui ?] voit aussi des chars de la Mi-Carême parisienne réutilisés ailleurs. En 1912, Le Nouvelliste de Vannes écrit à propos de la fête des « Filets Bleus » de Concarneau[77] :

Quant à la reine des « Filets Bleus », on peut être certain qu’elle sera charmante. Les membres du Comité n’auront que l’embarras du choix, ce ne sont pas les jolies filles qui manquent à Concarneau.
D’ailleurs, quelle est celle d’entre elles qui ne serait fière, de trôner sur le magnifique char qui, ayant déjà figuré à la cavalcade de la mi-carême à Paris, est en ce moment en route pour son port d’attache à Concarneau.

En 1912, la Reine des Reines de Paris, avec ses demoiselles d'honneur, est invitée à la cavalcade du 21 avril organisée à l'occasion de la Fête d'Aviation de Nancy. À cette occasion, elles défilent sur le char de la Reine des Reines de Paris 1909, orné d'un avion. Char qui a été récupéré par une marque locale de bières[78][source insuffisante]. La Reine des Roses, qui vient d'être créée à Paris, participe à la Fête des Fleurs à Rennes, en mai. Une carte-postale éditée à cette occasion montre son char défilant devant la foule[79][source insuffisante].

En 1920, Elisabeth Kollen, Reine de Metz, participe à la Mi-Carême à Paris[80]. La même année, les Reines de Paris visitent l'Exposition Nationale de Metz[81]. En 1922, elles participent aux Fêtes fleuries d'Uzerche[82]. En 1925, les Reines de Paris sont reçues et fêtées à Nancy, au côté de la Reine de Nancy, Suzanne Planchenault et de ses deux demoiselles d'honneur Georgette Lethé et Marguerite Croiset[83]. En 1926, la Reine de Paris au côté de la Reine de la colonie russe de Paris est à la Foire de Lyon[84]. En 1927, à Rethel, les Reines de Paris sont les vedettes des Fêtes de la Sainte Anne[85]. Le , à la Fête de la Reine, à Angoulême, participe un Char de la Reine de Paris[86][source insuffisante].

La Mi-Carême parisienne paraît avoir servi de modèle pour d'autres fêtes dans les provinces de France. Si on[Qui ?] considère, par exemple, les grandes Fêtes de la Bonneterie en 1925 à Troyes, on[Qui ?] y retrouve les grands chars[87][source insuffisante], les chars comiques[88][source insuffisante], le char de la Reine[89][source insuffisante], le couronnement solennel de celle-ci[90][source insuffisante], sa réception à la Préfecture[91][source insuffisante] et à l'hôtel de ville[92][source insuffisante], et même des reines baptisées « Abeilles[93][source insuffisante] », suivant un titre de substitution lancé à la Mi-Carême parisienne en 1923-1924.

Le titre de Reine des Reines, inventé à la Mi-Carême à Paris en 1891, a été repris dans d'autres villes françaises[94][source insuffisante] (et aussi à Paris en d'autres occasions[95]). Il s'est exporté en Belgique, à Mons[96] et Bruxelles[97].

Autre exemple d'influence parisienne : en 1906, Le Petit Journal rapporte que l'Académie Culinaire ou Les Étourdis, une société bigophonique parisienne composée de 40 exécutants jouant sur des bigophones en formes de denrées alimentaires, donne une aubade à la Reine des Reines de Paris à l'occasion de la Mi-Carême[98]. En , aux Fêtes Normandes de Rouen débarque une autre Académie Culinaire. Elle vient de Bruxelles, est composée de 100 musiciens aux costumes originaux. Ils jouent sur des bigophones aux formes fantaisistes représentant de colossaux légumes plantés au bout de fourchettes géantes[99]. 13 ans plus tard, en 1922, on retrouve les bigophonistes belges à Nancy. Ils participent à la Cavalcade de la Mi-Carême dans cette ville[100].

Dans le domaine des chars, la Mi-Carême parisienne influence également hors Paris. On[Qui ?] voit ainsi un Char de la Musique à la Mi-Carême 1911 à Varzy manifestement inspiré par un Char de la Musique de la Mi-Carême parisienne[101][source insuffisante]. Le char de la Reine des Reines, à Roubaix, en 1903[102][source insuffisante], et ceux des Reines de Cognac en 1910[103][source insuffisante], de la Reine des Reines de Bonneval en 1912[104][source insuffisante], de la Reine des Reines de Dole, la même année[105][source insuffisante], de la Reine des Reines des Tissages à la Ferté-Macé, en 1913[106][source insuffisante], et de la Reine des Reines de Mons, en 1914[96][source insuffisante], sont directement inspirés par le char de la Reine des Reines de Paris[réf. nécessaire]. Le char de la Reine des Reines, à Fourchambault, en 1908[107][source insuffisante], à Chailley, dans les années 1910[108][source insuffisante], ainsi que la voiture de parade fleurie de la Reine de la Mi-Carême 1929 à Argent-sur-Sauldre, reproduisent en miniature le char de la Reine des Reines de Paris[109][source insuffisante]. Le char de la Reine du Muguet qui défile à Rambouillet le est directement inspiré par le char de la Reine des Reines de la Mi-Carême qui a défilé à Paris[réf. nécessaire] le 11 mars précédent[110][source insuffisante]. Il se peut même qu'il en ai réutilisé des éléments[Interprétation personnelle ?].

Au Carnaval de Chalon-sur-Saône le Char de la Reine est également influencé par Paris[réf. souhaitée] en 1908[111][source insuffisante] et 1909[112][source insuffisante]. Et en 1913, au Carnaval de Chalon-sur-Saône on réutilise des chars de la Mi-Carême 1912 à Paris : le char de la Reine des Reines de Paris 1912 porte la Reine des Reines de Chalon-sur-Saône 1913[113][source insuffisante]. On[Qui ?] retrouve aussi ici un char du Carnaval de Nice monté à Paris pour défiler à la Mi-Carême 1912[114][source insuffisante]. Et, en 1922, on[Qui ?] retrouve le char de la Reine des Reines de Paris 1911 portant les Reines du Carnaval de Chalon-sur-Saône. Le même char qui avait déjà voyagé en juin 1911 jusqu'à Alençon avec la Reine des Reines de Paris[115][source insuffisante].

À partir de 1904, la Mi-Carême parisienne inaugure des échanges internationaux. Des délégations de Paris visitent des pays étrangers, des délégations étrangères viennent participer à la fête à Paris. La dernière en date à venir à ce jour sera le Soutien de Saint-Gilles en 1926 et 1927, un ensemble bigophonique belge composé de 153 musiciens costumés en Pierrots[116][source insuffisante].

La renommée de la Mi-Carême parisienne s'étend bien au-delà des frontières françaises. On[Qui ?] en trouve des échos jusque dans la presse de Nouvelle-Zélande, en 1873[117]

La Reine de la colonie russe de Paris

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La diversité de populations d'origines étrangères à Paris amène le Comité des fêtes de Paris en 1925 à lancer l'idée de l'élection de reines représentatives de chacune de ces communautés[118]. Cette proposition paraît être accueillie favorablement chez les Russes de Paris[réf. souhaitée], dont la communauté a augmenté récemment, à la suite de l'émigration blanche après la Révolution d'Octobre 1917.

Le est élue la première Reine « de la colonie russe » à Paris[119]. On[Qui ?] aperçoit celle-ci sur une photo où elle figure avec la Reine de Paris à la Foire de Lyon en 1926[84][source insuffisante]. La suivante élue, Kira Sklarov, Reine de la colonie russe de Paris 1927, est couronnée à l'hôtel Lutétia par la Reine de Paris durant la nuit qui suit le jeudi de la Mi-Carême 24 mars 1927[120]. Et dans le cortège de la Mi-Carême le 15 mars 1928, Nika Seversky, Reine de la colonie russe de Paris 1928, défile avec la Reine des Reines de Paris et les reines d'Alsace, du Bourbonnais et de la Corse[121],[122]. Le , Suzy Lesage Reine de Paris 1935 et Madeleine de Charpin Reine de Paris 1934 président le banquet annuel de la colonie russe de Paris[123].

La proposition de créer d'autres reines représentatives des différentes communautés vivants à Paris amène l'apparition en 1927 d'une Reine des colonies, du nom de Trantchilec, une Reine des musulmans, Sonia Brahim[124] et une reine de la colonie italienne de Paris[125].

Une fête populaire

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Le char de la Reine des Reines de Paris 1912 réutilisé pour la Reine des Reines du Carnaval de Chalon-sur-Saône en 1913.

Durant longtemps, la Mi-Carême est une fête extrêmement populaire en France, et pas seulement parce qu'à une époque où ils sont rares existent des « congés de la Mi-Carême ». Cette fête fait partie de la vie et on[Qui ?] y pense toute l'année[réf. nécessaire].

La Strasbourgeoise, un chant militaire français écrit à l'occasion de la guerre franco-prussienne de 1870 y fait allusion. À son début une fillette dit à son père mobilisé :

Petit papa c'est donc la mi-carême,
Car te voilà déguisé en soldat

Fin XIXe, début XXe siècle, l'ensemble de la presse française encense la Mi-Carême. En 1905, par exemple, depuis Le Figaro jusqu'à L'Humanité, tous les journaux parlent avec enthousiasme des grandes festivités franco-italiennes organisées pour la Mi-Carême.

Seules quelques voix s'élèvent contre la fête à l'époque où elle prospère. Ainsi, La Plume, en 1913, reproche à la Mi-Carême de faire tourner la tête aux jeunes filles de condition modeste promues reines et comblées de cadeaux. Goutant ainsi momentanément au luxe et cherchant à pérenniser celui-ci dans leur vie, selon La Plume, elles sombreraient ensuite inévitablement dans la prostitution.

En 1917, alors que la Mi-Carême est interdite pour la troisième année consécutive, à la suite de la guerre, L'Humanité écrit, nostalgique, le 16 mars, lendemain de la date de la fête[126] :

Mi-Carême
Les cortèges de. la mi-carême, la reine des reines, les bals au coin des rues, au son des cuivres et des violons, les batailles de confettis et de serpentins, comme tout cela parait loin !
Les pensées ne sont plus aux réjouissances. La mi-carême, on en parlera plus tard après la paix. Pour l'instant on se préoccupe du sort de ceux qui se battent et dans les familles il n'y a plus guère de fête que pour l'arrivée du permissionnaire, toujours aussi impatiemment attendu.

Au moment où la Grande Guerre s'achève, le même journal écrit, le [127] :

Après l'Armistice
Manifestations et Conséquences
Tout Paris a chômé hier à l'occasion de l'armistice. Et la même liesse qui s'était manifesté la veille a encore une fois caractérisé la physionomie de la rue. Le même enthousiasme a régné, les mêmes scènes qui avaient déjà égayé la ville se sont reproduites un peu partout, et les grands boulevards, envahis par la foule des promeneurs, ont encore repris cette allure si particulière d'animation intense, de gaieté profonde et mouvementée, qui caractérisait les jours de mi-carême avant la guerre. On a même, par endroits, jeté des confetti !
La soirée nous a permis de revoir la féerie de Paris éclairé, éclairé comme aux plus beaux soirs, dans les principales artères tout au moins. Tous les candélabres étaient allumés, sans que le moindre verre coloré vint atténuer leur éclat, et de nombreuses rampes électriques, et enseignes lumineuses, rapidement raccordées dans la journée, vinrent nous rappeler le caractère qu'avait autrefois la « Ville-Lumière ».
Cela ne contribua pas peu au maintien de la joie populaire, de même que l'ouverture des cafés et débits qui avait été autorisés, hier encore, à ne fermer qu'à onze heures du soir !

En 1919, seule de toute la presse, L'Humanité proteste vigoureusement et en première page, contre l'interdiction des confettis à Paris, qui porte préjudice aux fêtes du Mardi gras et de la Mi-Carême. Ce journal s'élève également contre l'interdiction de la fermeture tardive des cafés parisiens et de la possibilité d'y jouer de la musique[128].

La fête des étudiants parisiens

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Le jeudi de la Mi-Carême , la Reine des étudiants de Paris est reçue au palais de l’Élysée avec cinq étudiants portant la faluche.
Annonce du bal étudiant du jeudi de la Mi-Carême .

À partir de 1893, la Mi-Carême devient la fête des étudiants parisiens. Cette année-là, ils la rejoignent en masse dans la rue avec l'armée du chahut[129]. Les organisateurs de cette participation sont l'Association générale des étudiants de Paris, dite l'« A », et la Faluche.

Fêter la Mi-Carême n'est pas nouveau pour les étudiants parisiens. Déjà en 1670 on voyait leurs ancêtres, les écoliers, élire des rois et reines à cette occasion[10].

On[Qui ?] peut lire sur Internet un récit rendant bien l'atmosphère de la Mi-Carême dans la rue au Quartier latin en 1900[130].

Le défilé des étudiants pour la Mi-Carême est un événement parisien remarqué et apprécié. Une foule nombreuse vient y assister[réf. souhaitée][131][source insuffisante]. Quand, dans les années 1930, le cortège central de la Mi-Carême n'a pas lieu, n'ayant pas été organisé, leur défilé se maintient.

La fête étudiante n'a pas seulement lieu dans la rue. Elle est aussi l'occasion d'organiser tous les ans un bal masqué.

En 1934, Le Matin, détaillant le programme de la Mi-Carême à Paris, précise que les étudiants donneront le soir « leur grand bal annuel de la mi-carême dans toutes les salles du Palais des congrès, porte de Versailles ». Ce bal de la Mi-Carême étudiante est alors une véritable tradition[132].

Les étudiants sont – avec les forts des Halles de Paris et les grands journaux parisiens, – les organisateurs du grand cortège du jeudi de la Mi-Carême , dernier cortège du Carnaval de Paris sorti à grande échelle au XXe siècle.

En 2005, pour célébrer le centenaire de la participation de 300 Italiens du Piémont et de Lombardie à la mi-Carême à Paris 1905, des dizaines d'étudiants italiens venus de toute l'Italie participent à l'autre cortège du Carnaval de Paris, la Promenade du Bœuf Gras.

À cette occasion est signé entre les organisateurs un traité carnavalesque italo-français.

La Mi-Carême et les communistes

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Dans les années 1920-1930, la Section Française de l'Internationale Communiste, ancêtre du Parti Communiste Français, intègre la populaire Mi-Carême à sa politique.

En 1922, son journal commence à s'élever contre la Mi-Carême officielle. Le , on lit dans L'Humanité[133] :

Les Reines
Le jeudi de la Mi-Carême 24 mars 1927, une reine en visite à L'Humanité[134].
L'Humanité, 14 mars 1933[135].
On les choisit un peu partout, les pauvres petites reines de la Mi-Carême.
Vous plairait-il, ma jolie, d'être celle du 2e arrondissement ? L'élection aura lieu le 4 février à 3 heures, à la Mairie. Si vous êtes française, âgée de 18 à 25 ans, écrivez avant le 26 janvier au Comité des fêtes, 8, rue de la Banque[136], afin de poser votre candidature. Justifiez de votre domicile par une pièce quelconque, et de vos occupations par un certificat de travail…
Et si vous pouvez suborner quelques-uns de ces messieurs du jury, peut-être serez vous élue…

Le , lendemain de la Mi-Carême, c'est en première page de L'Humanité que le rédacteur en chef, Paul Vaillant-Couturier, s'en prend très violemment à l'organisation de la Mi-Carême officielle[137] :

Aujourd'hui, Mi-Carême de désastre
Hier on avait convoqué une large foule à s'amuser par ordonnance préfectorale. Une permission limitée dont elle voulait se hâter de profiter... Mi-Carême du grand Carême de chômage...
Et cela était pathétique...
Les chars. Une pauvre odeur rance de comité d'arrondissement. Du pavoisement mal foutu qui laisse voir une méchante charpente De pauvres petites reines outrageusement maquillées envoyant des baisers mécaniques aux réclames des boulevards et aux haies sans bravos. Des bandes d'étudiants fascistes.
Tricolore et publicité, publicité et tricolore. Plus rien de traditionnel même dans ce que le mot peut encore contenir de grandeur populaire.
Des centaines de mille francs dépensés pour créer un maximum de laideur une laideur anguleuse et sans couleur.
On avait voulu ressusciter les fêtes d'antan !
Lazare se levait, mais cadavérique puant, épouvantable !
Plus la moindre fantaisie.
Aucun char de « déguisés » n'avait surgi de la masse. Tout cela était l'émanation d'une joie stérilisée.
La fête n'avait non plus rien d'une conception quelconque d'ensemble. Une fade anarchie, un décousu invraisemblable dans le spectacle incohérent.
(...)

La mention des « bandes d'étudiants fascistes » s'explique par le fait que dans les années 1920, la Mi-Carême, fête apolitique, jouit d'une grande popularité notamment dans les rangs des étudiants de l'Action française. Comme en témoigne leur organe, L’Étudiant français, qui écrit, le [138] :

PARIS
L'Association Générale des Étudiants a pris, cette année, une heureuse initiative en collaborant avec le Comité des Fêtes de Paris pour l'organisation de la Mi-Carême.
Le samedi 26 février, à la Maison des Étudiants, fut procédé à l'élection de la Lisette des Étudiants[139], la toute gracieuse Mlle Marie Leca, élue avec enthousiasme au milieu d'une joyeuse assemblée. Le peintre Willette et de nombreux conseillers municipaux étaient venus prêter leur concours à la fête.
Et le jeudi suivant, dans le cortège de la Reine des Reines, notre Lisette, à côté de Béranger[139], défilait à travers tout Paris, sur le char de la Chanson française, qu'entouraient les Étudiants coiffés de leur béret.
Toutes nos félicitations à l'A. G. et à son président, Albucher.

Traditionnellement, les Reines de la Mi-Carême rendent visite aux sièges des grands journaux parisiens. Le , L'Humanité annonce avoir reçu à son siège la reine des employées des maisons bourgeoises et ses deux demoiselles d'honneur[134] :

A « l'Humanité »… une « reine »…
Une « reine » à l'Humanité !…
La camarade Marie Rolland « reine » des employées des maisons bourgeoises, accompagnée de ses deux demoiselles d'honneur, Marie Bricault et Pinas Stanislova, et d'une délégation du Syndicat, est venue, jeudi jour de Mi-Carême, saluer notre journal.
Contrairement à la coutume bourgeoise, cette « reine » n'est pas allé s'exhiber sur les boulevards. Dans la matinée, elle se rendait au ministère du Travail pour présenter les revendications de ses camarades qui l'avaient élue :
Repos hebdomadaire, égalité vis-à-vis des autres corporations en ce qui concerne la prud'homie, meilleur logement et meilleures conditions d'hygiène, plénitude des droits civiques, juridiques et sociaux, telles sont les revendications qui furent précisées avec force et pour laquelle la délégation demanda une solution.

Le , à la tribune de la Chambre des députés, le député communiste Jacques Doriot dénonce, entre autres, l'interdiction d'un bal de la Mi-Carême[140] :

Le char du Bœuf Gras à la Mi-Carême 1928, publicité pour les Boucheries Auguste Sabatier.
Combien d'interdictions aussi n'avez-vous pas prononcées contre des bals ouvriers ! Dans l'espace d'un mois, à Saint-Denis, vous avez interdit le bal d'une organisation ouvrière féminine, le bal du Secours rouge international et, le jour de la mi-carême, vous avez été jusqu'à interdire un bal d'enfants travestis.

Le on[Qui ?] lit dans L'Humanité l'annonce d'un « bal de mi-carême rouge[141] » :

Prenez note qu'au bal de mi-carême rouge aura lieu un concours de travestis entre ceux et celles qui auront su le mieux ridiculiser nos adversaires de classe.

Par la suite, les communistes français paraissent retrouver une certaine neutralité vis-à-vis de la Mi-Carême. Le , L'Humanité publie une photo d'Hélène Capron, la jeune Reine des Reines de Paris[142]. Et le journal communiste Ce Soir édite un tract d'appel au grand cortège qui défile à Paris le jeudi de la Mi-Carême [143].

À l'opposé de l'échiquier politique, on[Qui ?] voit Suzy Lesage Reine de Paris 1935[144] participer avec deux autres reines à un bal des croix-de-feux à Vincennes en 1935[145]. Mais il faut relever que d'une façon générale, la plupart du temps, la politique ne participe pas de la Mi-Carême parisienne qui reste une fête totalement apolitique.

La Mi-Carême et le député Auguste Sabatier

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En 1928, la politique s'invite indirectement dans la Mi-Carême parisienne. Alors que le boucher Auguste Sabatier se présente à la députation, le député communiste Jean Garchery, qui ne fait pas partie de ses amis politiques, le décrit ainsi dans un débat à la Chambre des députés[146] :

Nous savons que M. Sabatier est président d'un comité des fêtes de Paris, que, en particulier, il organise chaque année les fêtes de la mi-carème et qu'il dirige et préside les cérémonies au cours desquelles sont désignées les reines de la cité.

Le , dans le cortège de la Mi-Carême figure un char du Bœuf Gras vantant les mérites des boucheries Auguste Sabatier. Le patron de ces boucheries préside l'organisation de la fête. Alors qu'il est également en campagne électorale à Paris.

Il est élu député de la 2e circonscription du 18e arrondissement, quartier de Clignancourt, le 29 avril suivant[147].

La Mi-Carême et la publicité

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En 1921, la Reine des Reines de Paris Yvonne Béclu pose pour le Bon Marché.
En 1926, la Reine des Reines de Paris Mathilde Isembart pose pour l'apéritif Vichy Quina.
La marque De Dion-Bouton fait sa publicité en haut d'un des mâts du char automobile électrique de la Reine des Reines de Paris pour la rive droite 1903[148].

La publicité cherche à s'infiltrer tôt dans le Carnaval de Paris sous la forme des chars réclames se joignant aux cortèges du Bœuf Gras et de la Mi-Carême.

« Le Triomphe », char automobile électrique construit par la maison De Dion-Bouton, sur lequel défile en 1903 la Reine des Reines de Paris pour la rive droite Marie Missiaux, porte plusieurs mâts. En haut d'un de ceux-ci se tient un angelot sculpté montrant un disque emblème de la marque. Il est écrit dessus, en grands caractères majuscules : « AUTOMOBILES DE DION-BOUTON ».

Cinq années plus tard, pour la Mi-Carême 1908, De Dion-Bouton s'associe aux pneumatiques Michelin pour faire défiler à Paris un char monumental de Bibendum et de Dion Bouton[149].

La publicité va aussi tendre à associer la Mi-Carême elle-même avec ses messages.

Ainsi, en 1921, le grand magasin parisien Au Bon Marché édite deux cartes-postales publicitaires à l'effigie d'Yvonne Béclu, Reine des Reines de Paris 1921, où est précisé qu'il a offert la tenue royale.

En 1926, Mathilde Isembart, Reine des Reines de Paris 1926, pose pour une carte-postale publicitaire de l'apéritif Vichy Quina, un vin de quinquina alors célèbre en France.

À côté de sa photo en tenue royale apparaît un quatrain manuscrit :

Au Vichy Quina

J'unis ma puissance à la Tienne
Désormais, c'est toi que je bois
Car si des Reines je suis Reine
Des Quinquinas tu es le Roi

Mathilde Isembart

Quand Auguste Sabatier, homme politique et boucher, préside à l'organisation du cortège de la Mi-Carême en 1927, celui-ci compte un char du Bœuf Gras. Il porte un bœuf de sa boucherie, comme le précise une inscription bien visible sur le char[150]. L'année d'après, le char du Bœuf Gras de la Mi-Carême est affublé d'une tonitruante publicité pour Auguste Sabatier[151][source insuffisante].

L'organisation-même de la Mi-Carême parisienne est reprise par le commerce dans le cadre d'événements commerciaux. On peut voir, par exemple, en 1932, la foire-braderie organisée à Saint-Denis, juste après le jeudi de la Mi-Carême, dotée d'une Reine de la braderie avec ses demoiselles d'honneur. Un grand journal en parle. Et elles sont présentées aux autorités locales, exactement comme le sont habituellement les Reines des Reines de Paris et leurs demoiselles d'honneur aux autorités officielles à Paris[152].

En 1924, à Montélimar, on[Qui ?] intronise trois Reines du Nougat : Irène Bernard, Rose Mouyon et Marguerite Brun[153][source insuffisante]. En 1932, à Paris, la Ligue nationale pour la défense des fumeurs et des industries se rattachant au tabac fait élire, à l'issue de son troisième congrès, une Reine des tabacs : Mademoiselle Capoulade[154]. Et à Plougastel-Daoulas, on élit, à une date indéterminée, une Reine des Fraises[155]. Ce titre existe encore en 2012 dans au moins deux communes françaises : Bièvres, où Clara a été élue Reine des Fraises au cours de la 87e Fête des Fraises[156], et Woippy, où Djelyssa Dorschner a été élue 82e Reine des Fraises[157].

Disparition de la fête des blanchisseuses

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Le char de Lucie Le Péru, Reine des Reines de Paris 1902 pour la rive gauche[158].
Le char d'Eugénie Petit, Reine des Reines de Paris 1893[159].
Le char de Marie Bonhomme, Reine des Reines de Paris 1894[160].
En-tête des lettres du Comité des Fêtes de Paris préparant les festivités de la Mi-Carême 1905.
Le char de Marie-Louise Grimm, Reine des Reines de Paris 1895[161].
Le char de Berthe Roche, Reine des Reines de Paris 1902 pour la rive droite[162].

À partir de 1891, des hommes, les maîtres de lavoirs, vont priver les femmes, les blanchisseuses, de leur fête.

Le prétexte invoqué – comme toujours en pareil cas les adversaires avancent masqués – sera l'efficacité et l'amélioration de la fête. Il y aura aussi l'argent, grâce auquel on récompensera, on fera plus beau, etc.

Et aussi le mensonge, qui consiste à dire que la chose qu'on veut organiser c'est la même fête « améliorée ».

Le nom est le même, le conserver est rentable, incontournable, mais le but est différent.

Ce n'est plus une fête c'est un spectacle.

La création d'un somptueux char de parade accompagné par une escorte de prestige et d'un manteau de cérémonie pour la Reine des Reines participera de cette prise de contrôle de la Fête des Blanchisseuses par les maîtres de lavoirs. Le manteau, d'ailleurs, semble être toujours resté la propriété des organisateurs et non de la Reine des Reines. C'est ce qui paraît ressortir à la lumière d'un procès survenu en 1914 : la Reine des Reines ayant choisi de conserver son manteau en vue de le porter par la suite à son mariage, les organisateurs de l'époque – le Comité des Fêtes de Paris, – poursuivent la jeune fille en justice pour le récupérer. Finalement, ils perdent leur procès[163].

Dans les années qui suivent 1891 une rivalité éclate entre les lavoirs, halles et marchés.

Excepté une certaine Madame Massot, présidente de l'association la Renaissance des Halles[164], seuls des hommes dirigeaient les halles et marchés parisiens. Les marchés s'emparent de la fête à partir de 1895. Puis ils sont éliminés par le commerce parisien représenté par le Comité des fêtes de Paris – organisme privé, créé en 1901, – qui leur succède en 1903.

Le Comité des fêtes de Paris à partir de 1921 se révèle incapable de gérer ce qui reste de la fête des blanchisseuses. Il discute même de l'idée de déplacer la Mi-Carême à un autre moment de l'année situé en dehors de la période traditionnelle et où le temps serait plus doux[165]. Après diverses innovations douteuses, la fête disparaît dans les années 1930.

Elle est alors encore vivante dans les écoles. Un témoin, né en 1929, se souvient[pertinence contestée][166][source insuffisante] que dans les écoles du 13e arrondissement qu'il a fréquenté enfant, un repas costumé était organisé à la Mi-Carême. Les enfants s'inventaient leurs propres costumes, défilaient dans le quartier, couraient dans la cour de récréation, formaient des groupes, jouaient à chat-perché ou à se faire peur. Par ailleurs Mardi gras était également fêté.

À la Mi-Carême défile encore un grand cortège le et des cortèges d'enfants sur les Champs-Élysées dans les années 1950.

Après sa disparition, la grande fête des femmes est littéralement effacée de la mémoire collective[réf. nécessaire]. Dans les livres on[Qui ?] n'en trouve aucune trace[réf. nécessaire]. Ceux qui l'ont conduit à disparaître ont cherché ensuite à en effacer le souvenir[Interprétation personnelle ?].

À Paris, on[Qui ?] se souvient quand même un peu de la Mi-Carême, mais la fête des blanchisseuses est oubliée[Interprétation personnelle ?]. C'est seulement en 2008 que commence sa renaissance, et en 2009 défile à nouveau un cortège de la Fête des Blanchisseuses.

Une fête sœur en Allemagne

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Le « Beueler Damenkomitee von 1824 » (Comité de 1824 des dames de Beueler) photographié vers 1900.

Beueler quartier de la ville de Bonn en Rhénanie était fameux pour ses blanchisseries depuis le XVIIIe siècle. En 1902 existaient encore 92 blanchisseries à Beueler.

Se déroulant au moment du Carnaval à Beueler existe une fête des blanchisseuses.

Les blanchisseuses ont créé en 1824 leur fête et son comité d'organisation : le « Beueler Damenkomitee von 1824 » (Comité de 1824 des dames de Beueler). C'était l'année d'après la naissance du grand Comité du Carnaval de Cologne, ville proche de Bonn.

Depuis 1958 est élue à Beueler à l'occasion de la fête une « Wäscherprinzessin (princesse des blanchisseuses) ». La première se nommait Maria Balzer.

Cette fête des blanchisseuses de Beueler où les femmes s'affirment face au pouvoir masculin a donné naissance à la tradition allemande du « Weiberfastnacht » ou « Weiberfasching » (appelée en Kölsch, dialecte de Cologne et ses environs : « Wieverfastelovend »).

Il s'agit du jour du Carnaval où les femmes s'arment de ciseaux et coupent les cravates des hommes.

Cette fête d'affirmation féminine rappelle la tradition du Hirtzag[réf. nécessaire] qui existait encore, vers 1900, au moment du Carnaval dans la ville de Mulhouse.

Une tradition bolivienne présente à la Mi-Carême à Paris 2015

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« Pujllay » fêté à Paris, place de l'Hôtel-de-Ville, au Carnaval des Femmes 2015.
« Pujllay » dansé devant l'Hôtel de ville de Paris, au Carnaval des Femmes 2015.

Une fête traditionnelle de la communauté indienne Yampara de Bolivie : « Pujllay et Ayarichi », a été inscrite en 2014 par l'UNESCO sur la liste du patrimoine immatériel de l'Humanité. Le certificat de cette inscription a été porté au village de Tarabuco le jour de la fête de Pujllay, le .

À Paris, le même jour, « Pujllay et Ayarichi » ont été dansés par des Boliviens de Paris au 7e Carnaval des Femmes, Fête des Blanchisseuses 2015[167]. Les Boliviens ont dansé tout le long du parcours, depuis la place du Châtelet jusqu'à la place de l'Hôtel-de-Ville. Sergio Cáceres García, ambassadeur de Bolivie auprès de l'UNESCO, était présent à la fête[168][source insuffisante].

Histoire de la fête

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Au XVIIe siècle : la Truie qui file

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La Truie qui file enseigne du XVIe siècle.

Au XVIIe siècle, le jour de la Mi-Carême à Paris, dans le quartier de la Halle, se déroulent des festivités populaires autour d'une enseigne figurant une Truie qui file, située au numéro 24 rue de la Cossonnerie. Edmond Beaurepaire écrit à ce sujet en [169] :

C'était un petit bas-relief en pierre peinte, devant laquelle, le jour de la mi-carême, les garçons de boutique des environs, les apprentis, les servantes et les portefaix de la Halle se livraient à des folies, « souvenirs du paganisme », s'il faut en croire Jean Deslyons, un grave docteur en Sorbonne[170]. Sauval nous dit quelles étaient ces « folies » : on forçait les apprentis nouveaux et les artisans de la Halle à venir embrasser cette truie, non sans avoir soin de leur cogner le nez contre la pierre, et, jusqu'à la nuit, ce n'étaient que danses, cris, mascarades et beuveries dans tout le quartier.
Cette enseigne, du XVIe siècle, est aujourd'hui au musée de Cluny[171].

La Mi-Carême à Paris, au Palais Cardinal, mars 1656

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On[Qui ?] lit dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, qu'à Paris, le jeudi de la Mi-Carême , Louis XIV participe à un jeu à cheval : il court la bague.

Jeu de bagues, Jeu d'adresse qui consiste à enfiler et à enlever, au galop d'un cheval avec une lance, une épée, un stylet ou un bâton, un ou plusieurs anneaux suspendus à un poteau : Le jour de la mi-carême, 26 mars 1656, Louis XIV voulut courre la bague dans le palais Cardinal. (Journ. inéd[172].)

La Mi-Carême à Paris, place Royale, mars 1659

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Le char d'Antoinette Orlhac, Reine des Reines de Paris 1909[173].
La Reine des Reines de Paris 1909 avec son char participant au défilé fleuri du à Saumur[174][source insuffisante].
La Reine des Reines de Paris 1911 avec son char participant à une cavalcade le à Alençon.
Le char de la Reine des Reines de Paris 1911 réutilisé pour les Reines du Carnaval de Chalon-sur-Saône en 1922.

La Mi-Carême au XVIIIe siècle

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La Mi-Carême parisienne est une fête féminine depuis, au moins, le XVIIIe siècle. On[Qui ?] en connaît une description de cette époque :

Les blanchisseuses s'élisent une reine et lui donnent un écuyer ; le maître de cérémonies ordinairement est un porteur d'eau. Le jour de la fête arrivé, la reine soutenue par son écuyer, se rend dans le bateau (le bateau-lavoir), où des ménétriers l'attendent. On y danse et c'est elle qui ouvre le bal. La danse dure jusqu'à cinq heures du soir ; les cavaliers font pour lors venir un carrosse de louage[175] ; la reine y monte avec son écuyer ; et toute la bande gaie suit à pied ; elle va, avec elle, dans une guinguette pour s'y réjouir toute la nuit[176].

Sans être nommée, la Mi-Carême est autorisée le 29 ventôse an VIII

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Un rapport du baron Dubois, préfet de police, du 19 ventôse an VIII (9 mars 1800) indique qu'il est permis aux blanchisseuses, « tant dans leurs bateaux qu'ailleurs », de fêter le « 29 ventôse » (19 mars). C'est le jour de la Mi-Carême, qu'on évite de nommer dans le document[177],[178].

La Mi-Carême en 1805

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Il existe une description de cette fête en 1805. Ce document est conservé dans les Collections historiques de la préfecture de Police. Il s'agit d'une épave, pièce échappée à l'incendie de l'Hôtel de police de Paris en mai 1871. Ce texte a été en partie publié pour la première fois dans la brochure de Basile Pachkoff Proposition de rétablissement de la Fête de Paris, dite : Promenade du – ou des – Bœuf(s) gras. en février 1994 (première édition) et mars 1994[179]. Il a été reproduit intégralement, par la suite, dans des publications à faible tirage distribuées dans le cadre de la renaissance du Carnaval de Paris :

Jeudi 30 Ventôse an 13
Dès le matin, la gaité s'est manifestée parmi les diverses classes du peuple.
Suivant un ancien usage, les blanchisseuses ont célébré la mi-carême, par des danses et des chants dans leurs bateaux[180].
Les garçons-bouchers (1) ont promené un enfant vêtu en amour, sur un char élégant, trainé par deux moutons d'une superbe race
Le char était environné de jeunes filles à cheval, en costume de bergères, parées de guirlandes de fleurs.
Un corps de musique et de tambours précédait le cortège.
Vendredi 1er Germinal an 13
Les bals ont duré toute la nuit du jeudi au vendredi.
Les ouvriers ont encore été réunis toute la journée du vendredi
Le bal de l'opéra a été nombreux et a produit 9.300f
L'ordre et la gaité ont régné partout.
(1) Les garçons-bouchers étaient à cheval en grand costume de bergerie.

L'enterrement des roses en 1830

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A Paris, dans les bals de la mi-carême, à la fin des plaisirs de l'hiver, toutes les danseuses se donnent aussi le mot pour enterrer les roses : elles doivent avoir toutes une robe de satin rose, avec une triple jupe de tulle rose, relevée de chaque côté par de grosses roses mousseuses ; au corsage, aux manches, aux coiffures, la même fleur domine : à deux heures du matin, on détache toutes ces roses qui, réunies dans de vastes corbeilles, ornent la table du souper ; après le souper, on les vend au profit des pauvres, et l'enterrement des roses vient au secours des vivants[181].

Une reine des blanchisseuses héroïne de théâtre en 1830

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En 1830 est donné au théâtre de l'Ambigu-Comique Tristine, une parodie en trois actes de Jules, dont l'héroïne est une reine des blanchisseuses du village de Chaillot[182].

Les reines de 1830 à 1860

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Annonce dans le Journal des débats du bal de l'Opéra et d'une loterie organisée pour le jeudi de la Mi-Carême [183].
Le Rappel, 23 novembre 1871[184].

Les blanchisseuses élisent leur reine pour la Mi-Carême[185]. Nous[Qui ?] connaissons les noms de quelques-unes d'entre elles.

Un article du journal Le Rappel, du [184], fait l'éloge posthume de Jeanne Sauterie, « la plus belle des blanchisseuses, dont elle a été dix-sept fois la reine » :

« Jeanne Sauterie, qui était admirablement jolie, était en 1830 âgée de dix-huit ans. Malgré les propositions de toutes sortes que lui firent ses admirateurs, elle resta sage et se maria.

Tous les ans, quand venait la fête des blanchisseuses, Jeanne Sauterie trônait en haut du char classique, vêtue en Diane chasseresse. Comme elle était extrêmement économe, le même costume lui a servi pendant ses dix-sept ans de royauté ! »

Cet article indique donc que Jeanne Sauterie est la reine des blanchisseuses de 1830 à 1847.

Elle ou tout au moins sa fonction paraît avoir inspiré la scène parisienne durant cette période : le au Théâtre des Variétés on[Qui ?] donne pour la première fois une pièce intitulée La Reine de Blanchisseuses, œuvre de Rougemont, Hennery et Granger[186].

En 1895, Les Annales politiques et littéraires, revue populaire paraissant le dimanche donne d'autres noms, certains contradictoirement à la longue royauté de Jeanne Sauterie[187] :

« La plus ancienne reine dont l'histoire fasse mention était Marie Gaupin, qui dut à son haut rang passager, d'être remarquée par un homme du monde, dont elle accepta les hommages. Deux ans après, Marie Gaupin s'asphyxiait dans un taudis de la rue Serpente. La reine de 1845, Blanche Chassa, eut des malheurs d'un autre genre. Elle se laissa séduire par un garçon blanchisseur qui, entre-temps, occupait ses nuits à chiper les bourses des passants attardés. Il finit par « mourir subitement » par la main de « Monsieur de Paris[188] ». Blanche lui survécut peu. Elle devint folle et mourut à la Salpêtrière.

Une fluxion de poitrine enleva successivement la reine de 1848, Aurélie Vioux, et la reine de 1849, dont le nom est oublié. Annette Leduc, qui fut reine trois années de suite, en 1850, 1851 et 1852, s'asphyxia, suivant les uns, et, suivant les autres, mourut de la poitrine. La reine de 1853, Marguerite Fauchon, quitta le battoir pour les planches. Sous le nom de Louise de Chamerau, elle débuta au Palais-Royal. On lui trouva de la beauté et on remarqua ses diamants.

Quelques mois après, désespérée des dédains d'un de ses camarades, elle s'habille comme au temps où elle était simple ouvrière, se dirigea vers la Chapelle, gagna le canal et s'y laissa choir. On ne la retrouva que le lendemain. La reine de 1860 se noya par accident dans la Marne !… »

Un journal de l'année précédente, La Justice, donne les mêmes noms et ajoute[189] : « Plus heureuses, les autres reines n'ont pas d'histoire. » Ce qui signifie que si elles ne connaissent pas un sort tragique relevant de la rubrique des faits divers, elles ne méritent pas qu'on leur accorde de l'attention. C'est un point de vue.

Carnaval et Mi-Carême vus par Charles Baudelaire en 1859

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En 1859 pour critiquer la photographie Charles Baudelaire fait référence au Carnaval de Paris, aux bouchers de la Promenade du Bœuf Gras et aux blanchisseuses de la Mi-Carême[190] :

« Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d’exactitude (ils croient cela, les insensés !), l’art, c’est la photographie. » À partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s’empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil. D’étranges abominations se produisirent. En associant et en groupant des drôles et des drôlesses, attifés comme les bouchers et les blanchisseuses dans le carnaval, en priant ces héros de vouloir bien continuer, pour le temps nécessaire à l’opération, leur grimace de circonstance, on se flatta de rendre les scènes, tragiques ou gracieuses, de l’histoire ancienne.

La Mi-Carême en 1863

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Annonces de bals parés et masqués pour le jeudi de la Mi-Carême [191].
Caricature de Bertall : le Jardinier-Coiffeur ornant de fruits la tête de sa patronne pour la Mi-Carême 1863[192].

Un auteur qui signe son texte Jean Cabochard écrit[191] :

Adieu beau Carnaval !!
C'est aujourd'hui jeudi ; le traditionnel cornet à boucquin retentit : les oreilles timides se bouchent.
La foule envahit les boulevards ; le défilé de masques va commencer.
Le jeudi de la mi-carême, c'est le véritable mardi gras.
C'est le jour où circulent les cortèges les plus grotesques, les chars les plus somptueux.
Les promeneurs se divisent en deux catégories :
L'une, qui regarde.
L'autre, qui se fait regarder.
Et tout le monde est content, tout le monde s'amuse !…
C'est la fête des blanchisseuses…
Elles sont toutes là, fringantes et joyeuses, et faisant parade de leurs plus beaux atours.
Tous les lavoirs sont brillamment représentés : leurs bannières constellées d'étoiles d'or flottent au vent.
La réclame est également de la fête : les grands magasins de Paris se rappellent à leurs clients par d'ingénieux attraits.
– On fait des crêpes aussi, et mardi gras, qui est parti, n'en a pas.
Le carnaval est mort…. Vive la mi-carême !

La Mi-Carême en 1864

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Deux éléments intéressants à relever ici. À l'époque la messe fait partie de la journée de fête de la Mi-Carême. Et la pluie battante n'arrête pas les fêtardes :

—La pluie presque continuelle qui avait signalé la journée et la soirée d'hier, a redoublé aujourd'hui de grand matin. Cela n'a pas empêché les reines choisies dans les lavoirs et les blanchisseries, de se rendre en grand équipage à la messe et de faire ensuite leur promenade sur les boulevards, dont l'aspect était assez triste, sous l'influence d'une pluie battante[193].

Description de l'élection des reines en 1868

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Garçon de lavoir ou porteur d'eau, dessin d'Edward Ancourt[194].

En 1868, Timothée Trimm explique[60] comment une blanchisseuse devient reine de son lavoir ou bateau-lavoir :

Si chaque lavoir a sa souveraine, il s'ensuit que nous pourrons compter des reines par centaines, dans ce Paris d'aujourd'hui tout plein de gens en habits de fêtes.
Et j'ai appris comment l'élection se faisait généralement.
On ne vote pas, on complote, on convient à l'avance, dans un lavoir, quelle sera la souveraine de la Mi-Carême.
Il y a souvent 100, 120 et 150 lavandières dans un lavoir ; on voit que le choix parmi les postulantes ne manque pas...
Un beau matin, quinze jours avant la Mi-Carême, une jeune laveuse arrive à sa place.
Et voit un bouquet déposé dans son modeste baquet !...
C'est le signe de son avènement prochain ; c'est la marque qu'elle a été choisie dans son lavoir ou bateau de blanchissage... pour représenter gracieusement la communauté.
On rit, on chante, on danse le soir à son heureux avènement.
Les pratiques elles-mêmes sont souvent invitées à ces fêtes où règne une aimable gaieté.
La Reine choisit son Roi, et le jour de la Mi-Carême, c'est ce monarque bénévole qui la vient chercher pour la conduire en pompe dans Paris.
Devant chaque Reine flotte la bannière de la localité qu'elle représente.
Je viens de voir passer la bannière portant Lavoir Bellefonds, la Reine est fraîche comme un linge fin, elle a les yeux plus ressemblants au saphir que le bleu qu'elle emploie à certains blanchissages.

Il apparaît donc que la reine est cooptée, élue par une sorte de comité restreint et non sujette aux suffrages d'une assemblée. Ce qui changera par la suite.

Ici la reine choisi son roi. Comme il n'y a pratiquement pas d'hommes dans le lavoir, il arrive aussi que d'office un porteur d'eau ou le patron du lavoir soit couronné.

Le Gaulois écrit le mardi  :

Que d'ambitions satisfaites dans la journée d'hier ou bien qui le seront dans celle de jeudi prochain ! Plus de cent royautés vacantes auxquelles il a été pourvu.
Rien de la politique bien entendu : ce sont les sociétés de blanchisseurs, les bateaux (les bateaux-lavoirs) et les lavoirs qui ont fait leurs élections en vue de la mi-carême et qui ont fixé les cotisations et organisé leur journée de plaisir.

Après 1870 des problèmes internes aux bouchers parisiens, l'affaire Mathurin Couder, font disparaître pour longtemps le cortège de la Promenade du Bœuf Gras[195].

Seule restent en lice les cortèges informels (celui du Moulin Rouge, par exemple, qui défile pour le Mardi Gras et la Mi-Carême 1892)[196][source insuffisante] et bien sûr[pourquoi ?] les cortèges des lavoirs.

Le linge « emprunté » pour se costumer en 1870

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Dessin de Cham paru en 1868, à propos de l'emprunt du beau linge par les blanchisseuses pour se costumer à la Mi-Carême[197].
La colonie américaine de Paris fête la Mi-Carême 1870[198].

Un article de presse du [199] parle du costume festif des blanchisseuses :

La Mi-Carême est peut-être la fête des blanchisseuses, mais c'est aussi la mort du linge confié cette semaine à ces dames par leurs coquettes pratiques[200].
Car — ô mesdames, je vous l'apprends — vos belles chemises et vos jupons merveilleux servent ce jour-là de parure distinguée aux quadrilleuses de Vanves[201] et d'Issy[201].
Et après souper[202], dame !...
C'est effrayant !...


La reine des blanchisseuses jouant du sceptre. Caricature de Cham, 1876[203].
La Reine des Blanchisseuses vue par G. Lafosse en 1874[204].

La Mi-Carême 1873 vue par un journal néo-zélandais

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Le 27 mai 1873, un journal néo-zélandais, le West Coast Times and Observer, publie un article sur la Mi-Carême à Paris, où on[Qui ?] lit notamment[117] :

La Mi-Carême est l'annuel, et le seul moment de vacances pour les blanchisseuses, comme le Vendredi saint l'est pour les bouchers. Elles choisissent leur roi dans la mesure où il est riche, et la reine pour sa beauté et sa vertu. Une procession – qui vient d'avoir lieu, suit, et un bal vient à minuit, précédé par une visite générale des théâtres. Le roi n'a pas de liste civile, les insignes de sa fonction sont une rosette et un insigne en argent, sa majesté affiche uniquement des bouquets de fleurs, et sa couronne se compose de camélias blancs ; il n'est pas de duchesse en France qui la surpasse par l'élégance de sa toilette, sauf par le choix de riches matériaux, qui, cependant, ne la rende pas plus attractive.

La Mi-Carême 1875

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Illustration de la Mi-Carême parisienne vers 1877.

Le Petit Journal écrit le [205] :

Malgré une température peu agréable, il y a eu hier, jour de la mi-carême, une animation très grande dans Paris. Sur les boulevards, notamment, la foule était considérable ; dès quatre heures, on n'avançait qu'avec peine. Outre quelques chars de blanchisseuses assez bien ornés, on n'a vu, sauf quelques masques, que des enfants travestis. Le soir seulement, au moment de l'ouverture des bals, les masques et les personnages costumés ont commencé à affluer sur les boulevards,
Nombre de bateaux de blanchisseuses ont fêté la mi-carême d'une manière un peu plus intime que par les promenades traditionnelles, qui ne manquent pas d'inconvénients quand l'hiver est trop persistant. On a donc orné de fleurs les établissements, bateaux et lavoirs ; on a nommé la reine dans quelques réunions, puis les blanchisseuses ont offert des bouquets à leurs patrons.
Les patrons, en retour, ont donné un banquet aux blanchisseuses.
On a beaucoup ri, beaucoup bu, un peu dansé, et l'on s'est séparé vers le matin en se donnant rendez-vous pour l'année prochaine.

La reine des blanchisseuses de Paris en 1878

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Un banal fait divers sans rapport direct avec le Carnaval survient en 1878 sur les lieux où les blanchisseuses de Paris viennent de choisir leur reine.

Ce qui fait que le journaliste qui rapporte l'affaire nous informe en passant sur ce qui nous intéresse ici :

Les blanchisseuses de Paris étaient réunies au lavoir de la rue Balagny, dans le but de nommer leur « reine » pour la fête annuelle de la mi-carême.
Après le vote, souper[206] et sauterie, où ne se trouvaient mêlés à l'élément féminin que quelques amis et quelques employés des lavoirs.

La Mi-Carême 1879 à l'Opéra

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Au bal de l'Opéra, le jeudi de la Mi-Carême , un costume de carnaval féminin très dénudé[207].

Au cours des années, on[Qui ?] trouve fréquemment annoncée la disparition imaginaire du Carnaval de Paris ou d'un de ses grands événements. De ce genre de disparitions imaginaires on[Qui ?] trouve un écho dans L'Univers illustré parlant du bal de l'Opéra donné pour la Mi-Carême[208] :

L'Opéra a donné jeudi dernier; jour de la Mi-Carême, le dernier des quatre bals masqués et costumés qu'il avait annoncés.
Je m'imagine qu'un voyageur qui aurait quitté la France depuis vingt-cinq ans, qui n'aurait jamais lu un journal français pendant sa longue absence, et qui, revenant à Paris, verrait sur une affiche ces mots: « Bal masqué de l'Opéra » serait bien étonné.
Il y a vingt-cinq ans, en effet, ce voyageur-là avait pu entendre dire : « C'est fini, le bal de l'Opéra est mort », et c'était peut-être vrai, en ce sens que le bal de l'Opéra n'était plus à cette époque ce qu'il avait été en 1840. Avait-il changé à son désavantage ? Je n'oserais dire oui, je n'oserais dire non, ne l'ayant point vu autrement.
J'entends une foule de gens dire qu'on s'ennuie an bal de l'Opéra, et il m'est arrivé de le dire comme tant d'autres. Il faut avouer qu'on y trouve aussi des gens qui ont l'air de s'y amuser. En ont-ils l'air seulement ? Est-ce de leur part une feinte pour sauver l'institution ? J'aurais quelque peine à le croire. D'autre part, un grand nombre de ceux qui disent s'être fort ennuyés au dernier bal retournent au bal suivant. C'est apparemment que cela les amuse de s'ennuyer. En tout cas, il est certain qu'il y a énormément de monde à ce bal mort et qu'il fait d'excellentes recettes.

La Belle Lurette en 1880

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En 1880 Jacques Offenbach fait de la Belle Lurette blanchisseuse de Paris l'héroïne de l'opéra-comique du même nom.

Le clou de celui-ci est le défilé des blanchisseuses pour la Mi-Carême qui se déroule sur scène.

Contre l'emprunt du linge en 1882

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La Mi-Carême parisienne vue par Draner en 1881[209].

En 1882 le journaliste Raoul Fauvel s'insurge avec humour contre l'emprunt du linge par les blanchisseuses en fête[210][source insuffisante] :

ET NOTRE LINGE ?
Si Monselet n'avait pas chanté les petites blanchisseuses avec autant de malice gauloise que de grâce parisienne, j'aurais peut-être cédé à la tentation de rimer quelques quatrains en leur honneur. Mais le souvenir de cette jolie fantaisie me permet à peine de hasarder sur leur compte un articulet en humble prose.
Je pousserai, néanmoins, l'audace jusqu'à critiquer ces vestales de la Mi-Carême en rupture de lavoir. Ce n'est pas qu'il me déplaise de les voir passer, superbes et rieuses, sur leur char triomphal. Je salue même leur reine d'un jour sans aucune arrière-pensée révolutionnaire.
Seulement, ce qui m'inquiète en les voyant défiler si richement parées, c'est de songer que c'est nous qui payons, à notre insu, les frais de la fête. Oui, mes amis, c'est notre linge qui danse ; ce sont nos chemises les plus fines qui ornent la poitrine des pages et des hérauts du cortège ; ce sont vos jupons brodés, vos cols agrémentés de dentelles qui servent à mettre en relief ou à voiler les grâces idem de ces robustes Vénus du battoir.
Essayez un peu de les arrêter au passage en leur demandant : « Et notre linge ? »
Notre linge ! Nous l'aurons la semaine prochaine, quand nos blanchisseuses auront oublié les fatigues de la Mi-Carême et repris le travail.
Encore si cette mauvaise farce ne se reproduisait qu'une fois par an, mais on nous la fait tous les jours.
Et pour quiconque connaît le secret des petits profits clandestins du métier, je ne crains point d'être démenti en affirmant que les trois quarts des blanchisseuses ne se gênent pas pour louer notre linge à la journée et même à la semaine.
Tenez, pas plus tard que l'année dernière, précisément au sortir du bal de la Mi-Carême, j'ai fait pour une nuit la conquête d'une petite blanchisseuse, déguisée en homme.
Une fois dans l'intimité déshabillée du tête-à-tête, savez-vous ce que j'ai reconnu ?
Ma chemise ! Il est vrai qu'elle me l'a rendue... en baisers.

La Mi-Carême en 1882

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Annonce des festivités de la Mi-Carême 1882 organisées en banlieue de Paris[211].
Pluie, masques, cors, trompettes et bigophones à Paris le jeudi de la Mi-Carême [212].

Le jeudi de la Mi-Carême , paraît un poème d'Escopette, qui nous donne d'intéressantes précisions sur la fête des blanchisseuses.

Il existe sans doute comme dans d'autres Carnavals des cris propres au Carnaval de Paris. « Ohé ! », en est peut-être un.

Jeanne Sauterie reine des blanchisseuses de 1830 à 1847 se costumait en Diane. En 1882, les blanchisseuses affectionnent toujours les costumes mythologiques : Minerve, Vénus.

Le troisième quatrain indique la présence de musiciens sur les chars des blanchisseuses.

La pratique consistant à « emprunter » les vêtements des riches pour se costumer est rappelée au quatrième quatrain.

Le sixième quatrain évoque la reine des blanchisseuses. Le poète parle d'une personne précise sans la nommer.

Jeanne Sauterie a été reine des blanchisseuses durant 17 ans. Il s'est passé 35 ans entre la fin de son règne et 1882. Les blanchisseuses paraissent fidèles à leur reine. Une fois choisie elle est reconduite dans sa fonction pendant longtemps. On peut supposer que la « commère aux airs farceurs » de 1882, est la troisième reine depuis Jeanne Sauterie[213]. Trois reines depuis 1847 totalisant chacune un règne d'environ douze ans.

Le huitième quatrain nous indique que la reine des blanchisseuses porte une couronne.

1
Soyons gais ! C'est la Mi-Carême !
Crions : Ohé ! tous à la fois,
Et regardons passer la crème
Du tuyotage et de l'empois !

4
Les dames plus ou moins bien mises,
Les messieurs plus ou moins exquis,
Auront emprunté les chemises
Des duchesses et des marquis.

7
Qu'elle risque un simple sourire,
Et la foule va se presser ;
Un geste ? Et le peuple en délire
Tombe en ses fers... à repasser.

2
C'est la fête des Blanchisseuses
On va contempler les bras nus
D'un tas de petites noceuses
Figurant Minerve ou Vénus.

5
Mais, sans faire de la politique,
Le Français est toujours tenté,
Même au sein de la République,
De célébrer la Royauté.

8
Et le soir venu, la matrone,
Cédant aux vœux du plus malin,
N'a plus qu'à jeter sa couronne
Par-dessus le premier moulin.

3
Sur les chars où toute la clique
Dès le matin se cramponna,
Nous entendrons cette musique
Qui fait rêver à Namouna[214],

6
Les blanchisseuses ont leur reine,
Une commère aux airs farceurs,
Qui recevra, l'âme sereine,
Les hommages des blanchisseurs.

9
C'est bien ! Mais la reine idéale
Serait celle qui, proprement,
Saurait laver le linge sale
De notre cher gouvernement[215] !

La Mi-Carême en 1883

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Le Gil Blas du , daté du 2 mars, se fait l'écho des cortèges parisiens de la Mi-Carême[216] :

Parmi les nombreuses cavalcades qui traverseront Paris, il convient de citer celle du marché des Carmes, organisée par la Société des Enfants du Plaisir. Huit piqueurs sonnant de la trompe ouvriront la marche ; suivront : le char de la Musique ; la voiture du président, M. Sérié ; les voitures du roi, M. Didier ; celle de la reine, Mme Georges ; huit landaus contenant des personnes costumées.
Voici l'itinéraire du cortège :
A dix heures, départ du marché des Carmes, place Maubert, Halles centrales, rue Vivienne, place de la Bourse, rue Joquelet, rue et Faubourg-Montmartre et rue Lafayette.

Un incident en 1887

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Scènes de la Mi-Carême parisienne caricaturées par Draner en 1877[217].

Le Petit Parisien écrit le [218] :

Hier, vers quatre heures de l'après-midi, les blanchisseuses du bateau-lavoir installé au quai du Louvre venaient de nommer leur reine pour la Mi-Carême prochaine : elles dansaient sur la berge.
Un gardien de la paix du premier arrondissement, nommé Roth, voulut s'opposer aux danses des blanchisseuses.
Celles-ci refusèrent d'obéir.
Mais le gardien de la paix se fâcha et fit mine de tirer son sabre.
Aussitôt, il fut hué et malmené.
D'autres gardiens de la paix accoururent à son aide.
Six arrestations ont été opérées.
Une seule a été maintenue : celle du nommé Marius Couard, tôlier, âgé de dix-neuf ans.

La Mi-Carême en 1887

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La fête chez les blanchisseuses inspire des chansons[219].

Le Petit Journal écrit le samedi [220] :

Les Parisiens en général et plus particulièrement les blanchisseurs et blanchisseuses, pour qui la Mi-Carême est le jour de fête par excellence, ont eu une désagréable surprise, hier matin, à leur réveil.
La neige était tombée en assez grande abondance, pendant la nuit, blanchissant le toit des maisons et le sol des rues; le temps semblait pris irrémédiablement pour toute la journée.
Malgré le mauvais état de la température, la Mi-Carême n'a pas laissé cependant d'être très animée.
Comme cela a lieu tous les ans depuis plusieurs années, c'est spécialement autour de l'hôtel du Petit Journal, rue Lafayette et place Cadet, que l'animation a été plus vive dans Paris et que l'entrain a été le plus grand.
L'entrée de l'hôtel avait été décorée avec beaucoup de goût par M. Storm, propriétaire du Jardin d'hiver de la rue Milton.
Le vaste hall, qui vient d'être construit dans l'immeuble récemment annexé à notre hôtel pour l'agrandissement des services du Petit Journal, a servi hier à la réception des nombreux amis qui sont venus nous faire leur visite annuelle.
Le lavoir du boulevard de la Villette, numéro 80, est le premier dont nous ayons reçu la visite, vers deux heures de l'après-midi. Nous avons demandé au roi, M. Montorier, et à la reine, Mme Cartin, si le mauvais temps n'allait pas décourager les blanchisseuses.
—Les blanchisseuses, voyez-vous, monsieur, nous a répondu la reine, comment voulez-vous qu'elles aient peur de l'eau ?...
En fait, rien n'a découragé les blanchisseuses et jamais Mi-Carême n'a été plus brillante, au Petit Journal tout au moins.
Le lavoir de l'Espérance, rue de Belleville, 15, est le second dont nous avons reçu le roi et la reine, M. Loubière et Mme Dru, qui nous ont remis un très beau bouquet.
Un grand char à cinq chevaux, avec musique, a ensuite amené M. Lagache et Mme Lambert, le président et la reine du lavoir Saint-Pierre, rue de Tardieu, qu'accompagnaient Mesdemoiselles Rosine Séquet, Marie Rousseau et Adèle Roudier, trois jeunes filles costumées en trois couleurs.
Le lavoir Saint-Jean, rue Tandou, arrivé à la suite, avait aussi, pour représenter les trois couleurs, Mlle Marie Fricher et Mesdames Michel et Soules. Le roi était M. Simon et la reine Mme Weller.
Des sonneries de trompes ont annoncé l'arrivée du lavoir Jeanne d'Arc, rue Patay, venu dans un char à quatre chevaux, avec son roi M. Rognion, et sa reine Mme Piot.
Deux charmantes jeunes filles, Mesdemoiselles Julia Evrard et Louise Buque sont venues nous offrir deux splendides bouquets, au nom du grand lavoir Sainte-Marie, 127, faubourg du Temple, dont le roi est M. Fouillet et la reine Mme Buque.
Le patron de ce lavoir, M. Digard, nous a, en outre, remis une somme de dix francs pour les pauvres.
Le lavoir Sainte-Marguerite, de la rue du même nom, a versé également entre nos mains la somme de vingt francs au profit de la caisse des écoles du onzième arrondissement, par l'intermédiaire de leur jeune roi et reine M. Normand et Mlle Gavanier.
A ce moment, une très belle cavalcade, organisée par le Biberon-Robert[221], a défilé vers trois heures et demie, dans la rue Lafayette. Le ciel s'est un peu éclairci, et, tout aussitôt, une foule considérable s'est massée autour de l'hôtel du Petit Journal, entravant toute circulation.
Deux mousquetaires à cheval, précédant les landaus et un char renfermant un orchestre de douze musiciens, nous ont annoncé l'arrivée du lavoir de Jouvence, rue d'Avron. La reine, Mme Joseph Petit, fêtait en même temps ses noces d'or et le roi était M. Gustave François.
Après une sérénade donnée par les Amis de Saint-Hubert, est venu le lavoir Sainte-Marthe, dont M. et Mme Vognin étaient roi et reine, avec leur demoiselle d'honneur Mlle Simone Zelea.
Le lavoir d'Orléans, de la rue Bisson, nous a présenté son roi M. Sandoz, et sa reine, Mlle Failly, accompagnés de Mesdemoiselles Marie Clévenot et Louise Leroy, l'une demoiselle d'honneur, et la seconde fort bien costumée en République.
Deux chars à cinq chevaux, avec une musique de dix-sept exécutants, ont amené en même temps le lavoir Saint-Jean, rue de Belleville. M. Charles Ridel et Mlle Levrey étaient roi et reine, ayant comme garçon et demoiselle d'honneur M. Étienne Collas et Mlle Vilzinski, accompagnés de M. Berthe, patron du lavoir.
M. Ancien, patron du lavoir de ce nom, situé 32, rue de Belleville, nous a remis peu après le produit d'une collecte faite au profit des pauvres et montant à 25 francs. M. Ancien était roi et Mme Bacot reine de ce lavoir.
Trois landaus du lavoir de la rue du Buisson-Saint-Louis ont amené M. Eugène Martin et Mlle Delahaye, roi et reine, qui ont eu la gracieuseté de nous offrir un splendide bouquet.
Après le passage de la ménagerie incohérente, dont le dompteur et les animaux féroces renfermés dans une cage ont obtenu le plus vif succès dans Paris, sont venus simultanément le bateau-lavoir de la Villette et le bateau-lavoir de la Gare-Carré.
Le premier avait comme roi et reine M. Jules et Mme Etévé; le second M. Benoist et Mme Gigon.
Une musique nous annonce l'arrivée du lavoir de la rue Germain-Pilon, ayant pour roi M. Déglise et pour reine Mme Noirel.
Après la visite d'une jeune cantinière, Mlle Églantine Grosca, qui nous a remis un franc pour l'œuvre de la Bouchée de pain, la société de la Mi-Carême d'Arcueil-Cachan, le pays par excellence des blanchisseurs, s'est présentée à notre hôtel, accompagnée de la musique des Touristes montrougiens, dirigée par M. Millard.
Un immense tambour-major, M. Ernest Legorgu, menait cette société, pleine d'entrain, dont le roi et la reine sont M. et Mme Louis Lorrain.
Un bal s'est improvisé dans notre hall. Il aurait pu durer longtemps, si le trajet n'avait été si long pour retourner à Arcueil.
Après une sérénade des Trompettes de Paris, le défilé a été clos par la société la Républicaine, de Charonne, qui avait organisé une charge très réussie en imaginant le lavoir des rosiers à Nanterre.
En somme, charmante journée, bien faite pour resserrer les liens amicaux qui unissent le Petit Journal et ses lectrices, tout aussi bien que ses lecteurs.
Dans la soirée, la société en formation, l'Espérance, est venue nous sonner de brillantes fanfares.

La Mi-Carême en 1889

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Berthe de Presilly débute ainsi son compte-rendu de la Mi-Carême dans le Carnet mondain de La Nouvelle Revue de mars-avril 1889[222] :

Mais je parle de tant de bibelots ou de fanfreluches que j'en allais oublier mon titre de Carnet mondain. Cependant la mi-carême, outre sa cavalcade dont les journaux quotidiens ont raconté tout ce qu'il y avait à dire, a vu bien des salons, donner des matinées d'enfants, des diners à têtes, des bals travestis, des soirées mixtes ; combien en faudrait-il citer pour n'en pas oublier ? Permettez-moi de· ne parler pour aujourd'hui que de la fête donnée par M. et Mme Joseph Ferrier. Le concert qui a précédé la sauterie du boulevard des Capucines était un vrai régal pour les dilettanti. Songez donc au programme : Mme Adiny, MM. Duc, Lauwers, Plançon, Mazalbert, Melchissedech, tout l'Opéra enfin ; des Français, la gracieuse Maria Legault qui a dit avec brio le Fou rire de Pailleron, et avec sentiment des poésies de Rameau ;...

La Mi-Carême en 1890

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Une encyclopédie[223] à son article « Carnaval » décrit la Mi-Carême :

« La mi-carême. Il était déjà d'usage au XVe siècle de fêter la mi-carême. On élisait des rois et des reines, qui après une promenade triomphale dans les rues, donnaient à danser à leurs sujets d'un jour. À Paris, c'était le jour consacré où l'on faisait embrasser aux nouveaux apprentis la Truie qui file, sculptée à l'encoignure de l'une des maisons du marché-aux-Poirées. On heurtait fortement le nez des malheureux contre la pierre et ce spectacle soulevait les rires et les quolibets des badauds ameutés. Plus spécialement, les harengères[224] se distinguèrent dans la célébration de la mi-carême. Aujourd'hui, ce sont les blanchisseuses qui continuent la tradition, élisent des rois et des reines, parcourent Paris sur des chars et dansent éperdument toute la nuit. »

Élections au lavoir en 1891

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L'intérieur du lavoir parisien juste avant la Fête des Blanchisseuses[225].

L'Illustration écrit en 1891[226] :

Dans l'atmosphère âcre de la coulerie, à travers la buée qui monte de la cuve, et la pluie de gouttelettes d'eau distillée retombant des poutrelles du toit ; tout le long de la grande salle où s'alignent les baquets, où gicle l'eau chaude ; au plein du travail, quand les brosses frottent énergiquement ; à l'heure du déjeuner sur le pouce, on sentait, ces jours derniers, qu'il se passait quelque chose. Il s'agissait d'élire un roi et une reine. Que de compétitions, que de diplomatie, que de faux fuyants ! Donner sa voix, n'est pas une petite affaire. Déjà quand il est question d'un député... donc pour un roi !
Enfin ! il a bien fallu aboutir. Du reste, au lavoir comme ailleurs, il est des personnalités qui s'imposent. Au parlement, on dit de certains de nos représentants qu'ils sont ministrables ; il y a des rois de race dans le savon et la lessive. Ici, c'est le patron de l'établissement, un bon gros qui ne refoulera pas sur la question des litres — toute gloire se paye ! — là on s'arrêtera à un garçon de coulerie, jarret infatigable et, dit-on, un cœur d'or. Reste la reine. Branche aînée ou branche cadette ? La forte commère qui tiendra tête au roi, premier modèle, ou la jeune femme plus délurée, qui formera un joli couple avec l'élu genre numéro deux ? Si ce sont les vieux partis qui l'emporte, si l'on plaide la cause de la raison, en convenant qu'il faut se faire représenter par quelqu'un « ayant de la tenue » alors nous aurons le duo solennel, redingote et robe de soie noire, à peine un bouquet, et un grand cordon en bandoulière. Les freluquets — la partie un peu antique du lavoir traite ainsi la jeunesse — abordent plus aisément le costume.

Le tournant de 1891

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Fête des Blanchisseuses 1891 à Paris : la reine et son cortège quitte le lavoir[226]
Annonce parue dans Le Petit Journal le jeudi de la Mi-Carême [227].

Parlant du cortège de la reine d'un lavoir parisien, L'Illustration écrit en 1891[226] :

Le char est parti au grand trot, les cors emplissent l'air de leurs éclatantes fanfares, les gamins suivent en criant, les curieux s'amassent, le boulevard[228] envahi représente une mer humaine. Cinq cent mille spectateurs attendent cinquante ou soixante chars ! Et l'on est content, et l'on rit à qui mieux mieux ! Parce que les grandes pensées, les réflexions amères ont besoin d'être coupées de temps en temps par un vent de folie. c'est humain.
Autrefois[229] les chars se répandaient par la ville à leur gré. On a voulu cette fois les réunir en cortège officiel et stimuler le zèle des organisateurs par une distribution de primes.
Ce sera-t-il plus gai, étant plus beau ? C'est à voir. Mais on ne s’ennuiera pas tout de même ce jour-là dans le monde des lavoirs. Après la promenade, banquet, toasts nombreux au roi et à la reine ; après le banquet, bal ; après le bal, les huîtres et la soupe à l'oignon pour se réconforter. Vingt-quatre heures de sommeil par là-dessus, et il n'y paraîtra plus.

Apparition de la Reine des Reines de Paris en 1891

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Annonce de la désignation de la reine de la cavalcade du jeudi de la Mi-Carême 5 mars 1891[230].
Mademoiselle Louise Sicard, Reine des blanchisseuses 1891 vue par Le Progrès de Lyon[231].
Annonce du défilé de la Mi-Carême 1891 avec la première Reine des Reines de Paris[232].

En 1891, Morel président de la chambre syndicale des maîtres de lavoirs prend l'initiative de créer un comité des lavoirs qui fédère les cortèges des lavoirs parisiens. Apparaît alors la première Reine des Reines de Paris : Louise Sicard[231].

À son propos, Le Progrès Illustré, supplément littéraire du Progrès de Lyon, écrit le page 8 : « les organisateurs (de la Mi-Carême parisienne) ont voulu apporter à cette fête un élan nouveau : ils ont voulu avoir une reine des reines. Pour cela les maîtresses blanchisseuses se sont réunies en conseil secret pour désigner celle qui devait porter ce titre. À l'unanimité elles ont nommé Mlle Sicard dont nous donnons le portrait en première page. La reine des blanchisseuses est une belle fille de vingt-six ans, à la chevelure très brune, au teint mat, à la bouche souriante, aux yeux vifs. Lorsqu'elle était au lavoir Saint-Ange elle en avait été élue reine deux années de suite. Elle appartient maintenant au lavoir de la rue Milton. »

Le Petit Journal écrit, le 4 mars 1891, veille du défilé : « Au premier rang sera « la Reine des Reines », Mlle Louise Sicard, qui a été nommée la reine des quarante reines élues par les lavoirs concurrents. » Des guillemets encadrent le titre nouveau de Reine des Reines dans l'article intitulé : « LA REINE DES BLANCHISSEUSES ».

Le 5 mars 1891, jeudi de la Mi-Carême, tous les cortèges, ou tout au moins un grand nombre d'entre eux, convergent pour défiler de concert à partir de la place de la Madeleine. Un char des blanchisseuses de Rouen est venu se joindre à eux pour la circonstance. Place de la République cent mille personnes les attendent. Un jury décerne des récompenses. Le succès est immense[233].

Les facétieux étudiants des Beaux-Arts en profitent pour se joindre au cortège avec le char du lavoir des Beaux-Arts[234][source insuffisante].

Fait à relever, le jury qui juge les chars n'est pas formé de blanchisseuses. Il est masculin. Au nombre des hommes qui le composent, on trouve[style à revoir] : « Villard, ancien conseiller municipal, Hattat, conseiller municipal, Morel, Adenis, Merwart, etc[235]. » Morel est le président de la chambre syndicale des maîtres de lavoirs, donc du syndicat patronal, Merwart fait partie de l'Association générale des étudiants de Paris. Et ce jury ne juge pas que des chars de blanchisseuses, d'autres chars se sont joints au cortège, pas que celui des Beaux-Arts[style à revoir].

Le Monde illustré écrit, le [233] :

La jeune reine est âgée de vingt-six ans et règne pour un jour sur une corporation dont le chiffre ne s'élève pas à moins de quatre-vingt-treize mille femmes, ainsi que nous l'apprend notre confrère du Figaro, M. G. Calmette, dans l'article qu'il a consacré à l'éphémère et jolie souveraine.

L'année d'après, pour la Mi-Carême, l'évènement est réédité, toujours avec un grand succès, et avec la Reine des Reines suivante. Cependant, Le Petit Journal, qui soutient à fond l'entreprise des maîtres de lavoirs écrit : « Cette année, la Mi-Carême avait perdu en grande partie son caractère spécial de fête des lavoirs et des blanchisseuses ; c'était une journée de réjouissance générale, une occasion de s'amuser à peu de frais ; les Parisiens n'ont eu garde de laisser échapper cette aubaine[236]. »

À la fête des blanchisseuses était toujours invité les « pratiques », c'est-à-dire les clients. Et quand les chars des lavoirs parcouraient les grands boulevards, tout le monde pouvait en profiter. Quand le journal écrit que la Mi-Carême a « perdu en grande partie son caractère spécial de fête des lavoirs et des blanchisseuses », il trahit les intentions de ceux qui sont en train de s'emparer de l'événement en en chassant ses organisateurs historiques : les blanchisseuses. L'opération de confiscation de leur fête est bien en route. En 1892, c'est encore un jury de reines qui élit la Reine des Reines. Bientôt, ce ne sont plus elles qui choisissent. Face à ce déferlement qui leur arrache leur fête au nom de l'efficacité, avec le soutien de la presse et des autorités, et avec des moyens matériels, que peuvent faire les blanchisseuses ?[style à revoir] Ce qui leur arrive : se faire déposséder d'une fête qui marche bien, au nom de la fête, par des personnes qui, pour le moment, ne proclament pas encore leurs intentions d'en faire autre chose, n'a même pas de nom[Interprétation personnelle ?]. Il faut attendre presque 120 ans et l'année 2009 pour voir avancer, pour des faits analogues, le qualificatif de « squat d'événement[237][source insuffisante] ».

Quelle organisation pour quelle fête ?

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En 1892, un journal parisien[238] écrit :

Voici la Mi-Carême : il n'y aura pas de char promenant dans les environs et sur les grands boulevards la reine élue. Depuis deux ans, par tristesse, cette coutume est tombée en désuétude.

On peut supposer[style à revoir] que « la reine élue » et sa cavalcade dont il est question ici, c'est une reine et une cavalcade émanation des blanchisseuses elles-mêmes, évincées par une « reine et une cavalcade des blanchisseuses » émanation de la chambre syndicale des maîtres de lavoirs[239].

La fête des femmes dans le cadre du Carnaval de Paris avec l'élection et la cavalcade des reines des blanchisseuses organisées par les intéressées elles-mêmes disparaît.

Son nom et son prestige sont usurpés par d'autres qui l'ont remplacé par un spectacle[Interprétation personnelle ?].

Raisons possibles du changement

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Publicité 8 mars 1891[240].

Plusieurs raisons peuvent être envisagées :

Lors de la Mi-Carême 1890 avait brillé une nouveauté : une cavalcade organisée par le Marché du Temple, qui avait notamment rendu visite aux sièges de grands journaux parisiens. L'idée d'organiser un cortège des lavoirs l'année d'après à la Mi-Carême 1891, avec les très actives blanchisseuses dont c'est la fête, vient probablement de là[241].

Les Maîtres de lavoirs ont peut-être aussi voulu :

Transformer la Mi-Carême en spectacle de prestige et vitrine publicitaire.
Réduire l'espace que les femmes contrôlent.

Dans les années 1890 et autour d'elles, la pression des femmes pour acquérir de nouveaux droits, espaces d'expression et libertés, connaît des avances significatives, même en termes symboliques.

En 1897, par exemple, pour la première fois une femme intègre comme élève l'École des Beaux-Arts de Paris.

On débat de la possible entrée des femmes en politique.

Devant l'avancée féminine générale, les hommes qui dirigent les lavoirs ont pu, en réaction, souhaiter priver les femmes de la maîtrise de la Mi-Carême.

Ils ont pu aussi souhaiter ainsi liquider le réseau des reines échappant au contrôle des maîtres de lavoirs, pour prévenir sa possible transformation en réseau revendicatif des blanchisseuses. Qui ont déjà commencé à l'époque à se syndiquer. En février 1889, cinq ans à peine après la loi de 1884 autorisant les syndicats professionnels, une assemblée de cinq cents blanchisseuses parisiennes décide la fondation d'une chambre syndicale des blanchisseuses[242]. Et en juin 1890, un conflit social dur et bref entre les maîtres de lavoirs et les blanchisseuses se solde par le recul précipité des patrons. Dans la foulée, les blanchisseuses en mouvement, voulant obtenir plus encore, créent un « comité de résistance » composé de vingt-huit dames « pour résister à l'augmentation du prix des places et poursuivre une campagne en vue d'obtenir du Conseil municipal, l'établissement de lavoirs municïpaux[243]. » C'est-à-dire parvenir à la liquidation des maîtres de lavoirs.

Le rôle d'éléments extérieurs aux lavoirs n'est pas non plus à négliger dans l'évolution suivie par l'organisation de la Mi-Carême : politiques et presse en particulier. Le Petit Journal, premier soutien de l'initiative des maîtres de lavoirs a certainement joué un rôle. Habitué de la publicité, soutien traditionnel et sans doute intéressé de la Mi-Carême, il a peut-être même été à l'origine de la transformation de la fête des blanchisseuses en autre chose. La mise en scène nécessitant d'en attribuer l'origine à celles-mêmes qui en étaient spoliées : la paternité du changement et de la cavalcade de 1891 est attribuée cette année-là à une « Société des ouvriers et ouvrières en blanchisserie[244] ». Six ans plus tard, Le Petit Journal n'a plus besoin de travestir la vérité et évoque uniquement en qualité d'organisateurs le « comité des maîtres de lavoirs[245] ».

Galerie de portraits des 51 Reines des Reines de Paris élues pour la Mi-Carême

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De 1891 à 1939 inclus, en comptant les scissions, révocations ou abdications, Paris voit élire 51 Reines des Reines de la Mi-Carême. Cette galerie présente les noms, prénoms et visages des 51 Reines des Reines de Paris.

Les femmes exclues de l'organisation de leur fête

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Extrait du programme de 1892[296] :

Programme de la fête populaire de la Mi-Carême 1892
Approuvé par la Reine des Reines Mademoiselle Henriette Delabarre
Comité :
Président d'honneur : M.Villard, Président de la Société centrale du Travail professionnel. — Président : M.Morel, Président de la Chambre syndicale des Lavoirs de Paris. — Vice-Présidents : M.Rancès, vice-président de l'Association des Étudiants ; M.Merwart, de l'Association des Étudiants[297] ; M.Rémy Leroy, vice-président de la Chambre syndicale des blanchisseurs. — Secrétaires : MM.Semichon[298], Bailly, Isoard, Gaston Mayaud. — Trésorier : M.Raynal, Maître de Lavoir. — Commissaires : Vacquerie, Muller. — Membres du Jury : MM.Gastiné, Schwob, Dehaître, Lamothe, Cuau, Delaroch, Denterbecq et les Délégués de la Presse Parisienne.


En tête du cortège des étudiants en 1893 : vélos fleuris et Faluches[299].

Tentative de résistance de la fête ouvrière en 1893

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En 1893, la lecture de l'Écho de Paris daté du 10 mars[300], nous apprend qu'il est en fait prévu pour la Mi-Carême deux cortèges des blanchisseuses. Le grand cortège, abondamment détaillé – auquel se joignent étudiants et marchés, –– de la Reine des Reines de Paris 1893 Eugénie Petit, blanchisseuse au lavoir de la Santé.

Et un autre cortège, mentionné juste en quatre lignes, sans autres précisions :

« Une autre cavalcade parcourra également Paris. Elle est organisée par la Chambre syndicale des ouvrières blanchisseuses, qui a élu reine Mlle Louise Vivien, une jolie brune de vingt ans. »

Ce cortège paraît être une tentative de riposte organisée et concurrentielle des ouvrières blanchisseuses syndiquées cherchant à reprendre à leurs employeurs le contrôle de la fête traditionnelle de la Mi-Carême.

1893 : convergences sociales

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La cavalcade de la Mi-Carême 1893 défile sous les serpentins géants emmêlés dans les arbres dénudés des grands boulevards parisiens[301].
Une femme pauvre et son enfant passent devant la foule en liesse de la Mi-Carême 1894[302].

Quand les très populaires étudiants parisiens annoncent en 1893 qu'ils vont se joindre au cortège des blanchisseuses, François Coppée les salue avec un poème : Aux étudiants pour leur Cavalcade de la Mi-Carême. Il les encourage à célébrer la Mi-Carême comme « le bon peuple naïf » et danser avec les blanchisseuses[303].

Le 9 mars, sur les grands boulevards, trois cortèges défilent pour la Mi-Carême : de la reine des reines, de la reine du Temple (le marché du Carreau du Temple) et de la reine du syndicat (de l'Alimentation parisienne).

Les étudiants de Paris, avec l'armée du chahut[129], organisation qui a fait une première apparition très discrète l'année précédente[304], remporte un succès immédiat.

Le journal Le Temps relève à cette occasion que :

L'armée du chahut avec son orchestre de bigophones et ses vendeuses en chapeau miss Helyett[305] du journal En Arrière, forment un ensemble des plus réjouissants[306].

À la Mi-Carême suivante, le , les étudiants sont toujours présents[307] et François Coppée leur écrit à nouveau un poème[308].

On remarque[style à revoir], dans leur défilé : les chats mousquetaires à cheval d'Alfort[309][source insuffisante], la rosière du XXIe arrondissement de Paris (un jeune homme travesti), etc.

Ainsi, à la Mi-Carême, à partir de 1893] les extrémités sociales se touchent. Défilent ensemble les étudiants, issus de familles privilégiées, les employés des marchés et de l'alimentation et les femmes des lavoirs, représentants les couches populaires les plus modestes.

À partir de ce moment, si ce n'est déjà avant, la Mi-Carême devient la grande fête des étudiants parisiens. Et le reste au moins une cinquantaine d'années. On rencontre la dernière importante participation étudiante à la Mi-Carême le .

Le long de toutes ces années, les étudiants élisent souvent leurs reines, pourvues d'un titre spécial qui varie : Lisette des étudiants, etc. Il existait déjà vers 1840-1850 une reine des étudiantes parisiennes. Émile de Labédollière, qui en parle dans un ouvrage général sur Paris, ne précise pas si la reine des étudiantes avait un rapport avec la Mi-Carême :

Avant 1830, les étudiants l'adoptèrent (le bal de la Grande-Chaumière), ainsi que leurs sémillantes compagnes, parmi lesquelles brillait Clara Fontaine, qui fut couronnée la reine des étudiantes ; elle était née à Bordeaux, le , et, pendant plusieurs années, cette belle brune à la taille cambrée trôna sans conteste à la Grande-Chaumière. Qu'est-elle devenue ? nous l'ignorons ; mais elle peut être considérée comme une des créatrices de la danse échevelée[310].

Programme de la Mi-Carême des étudiants de Paris, en 1895

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Échos de la Mi-Carême 1895 à Paris[311].

Extrait de La Presse, , page 1 :

Le comité central des étudiants vient d'arrêter, en ce qui le concerne, le programme de la cavalcade de la Mi-Carême.
Rendez-vous place de la Sorbonne. Départ à onze heures pour le boulevard Saint-Michel, les rues de Médicis et de l'Odéon, le boulevard Saint-Germain. Fusion, au Cours-la-Reine, avec la cavalcade des blanchisseuses.
À l'arrivée du cortège, place de l'Hôtel-de-Ville, simulacre d'une course de taureaux, défilé devant le char de la reine des reines et rentrée au quartier latin.
Le soir, place du Panthéon, autodafé du « Prince Carnaval » ; à sept heures, grand dîner fraternel à l'hôtel des Sociétés savantes, rue Serpente, et grand bal auquel la reine des reines est invitée.

La Mi-Carême 1895 dans un lavoir

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Dessin datant de 1899, se moquant des reines et leur penchant pour les étudiants[312].
Dessin comique datant de 1909, où on[Qui ?] voit que le cortège de la Mi-Carême est toujours appelé cortège des lavoirs[313].

Blanchisseuses et étudiants invités au bal de l'Opéra en 1896

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Julius écrit, le , dans La Revue diplomatique[314] :

Le quatrième grand bal masqué de la saison aura lieu à l'Opéra le jeudi de la Mi-Carême, 12 mars. Le grand succès du bal du samedi gras fait présager une fête encore plus brillante et plus animée.
L'administration s'est entendue avec le cortège des étudiants et celui de la reine des blanchisseuses qui entreront solennellement à l'Opéra, le 12 mars, à minuit.
Nous donnerons prochainement le programme complet de ce dernier bal où les attractions et les surprises ne manqueront pas.

Les étudiants au Moulin Rouge en 1897

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La Mi-Carême sur les boulevards, huile sur toile, Camille Pissaro, 1897.
Harvard Art Museums.
Vue sur le boulevard Montmartre depuis une chambre du Grand Hôtel de Russie[315].

L’Écho de Paris écrit en 1897, à propos du soir de la Mi-Carême[316] :

À onze heures, entrée triomphale et traditionnelle de la cavalcade des étudiants au Moulin-Rouge.

La Mi-Carême et l'affaire Dreyfus

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La Mi-Carême 1898, le 17 mars, tombe en pleine affaire Dreyfus. Le procès d’Émile Zola pour diffamation dure depuis dix jours devant la Cour d'assises de la Seine. Les dreyfusards essayent d'introduire un char politique dans le défilé festif. La Croix raconte cette tentative[317] :

Le char du « Huis clos ». — Sans la vigilance de la police, la cavalcade aurait certainement dégénéré en bagarre.
Des dreyfusards avaient fait confectionner un immense char orné de faisceaux de fusils et de sabres de bois et surmontés d'une inscription : Huis clos. Sur ce char devaient prendre place des masques revêtus de robes d'avocats et de juges, et d'uniformes d'officiers.
La préfecture a ordonné de remiser ce char qui aurait pu s'intituler : La Discorde.

Au moment de la Mi-Carême 1899, on est toujours en pleine affaire Dreyfus. Cette fois-ci, ce sont des antidreyfusards qui manifestent. Le 9 mars, la fête leur donne l'occasion du lancé de confettis antisémites à Paris[318].

Le Matin rapporte cette rarissime manifestation politique dans le cadre du très neutre Carnaval de Paris[318] :

Confetti antijuifs. — On a jeté, hier, sur les boulevards et sur divers points de Paris, en guise de confetti, des rondelles et des carrés de papier contenant des couplets antisémites ou des légendes et des portraits. La police n'a pas eu à intervenir. Cependant, deux manifestants, les nommés Alphonse Delarue, employé de commerce, demeurant 71, rue Rochechouart, et Benoît Jayet, garçon marchand de vins, ont été arrêtés pour avoir fait suivre le lancement de confetti antijuifs de propos injurieux et de cris séditieux.

Disparition de la fête ouvrière

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Char du Marché du Temple, 1902[258].
Char de la Pêche, 1900[319].
Char de Jeanne Leclinf, Reine des Reines de Paris 1904 pour la rive droite, avec un orchestre et une piste de danse[263].
Char du Monde, 1900[319].
Eugénie Barbier, Demoiselle d'Honneur de Charlotte Proisy, Reine des Reines de Paris 1899[320]. Elle est Reine de la Renaissance des Halles en 1900 et 1909[321].

Ce que Morel n'avait certainement pas prévu, c'est qu'en créant une Reine des Reines il allait faire naître une concurrence avec les patrons des marchés parisiens pour la possession du titre.

Ceux-ci s'en emparent à partir de 1898. La Reine des Reines des marchés remplace la Reine des Reines des lavoirs.

Consacrant, à sa façon et sans la détailler, la défaite du comité des lavoirs, Le Petit Journal écrit alors :

« On sait que cette année, les lavoirs n'ont pas organisé de cortège ; c'est individuellement qu'ils viennent nous rendre visite. La grande attraction que le public groupé rue La Fayette, devant l'entrée du Petit Journal, attend, du reste, avec bonne humeur, c'est la reine des reines des marchés, qui est venue vers onze heures et demie[322]. »

Le journal ajoute plus loin :

« Bien que laissés cette année à leur propre initiative, beaucoup de patrons de lavoirs ont tenu à prendre une part active à la fête populaire de la mi-carême[323]. »

Les initiatives des lavoirs pour participer à la Mi-Carême mentionnées ici relèvent des patrons. Il n'est plus question des blanchisseuses. Leur fête traditionnelle leur a échappé. Elle leur a été confisquée[Interprétation personnelle ?].

Ayant éliminé les lavoirs, les marchés se répartissent l'élection de la Reine des Reines, comme on le voit[Qui ?] à la lecture de La Revue hebdomadaire rapportant l'élection de Clotilde Ozouf en février 1900[324] :

« Pour la Mi-Carême. — La reine des reines des marchés. — La société « Union et Progrès du Marché Saint-Germain » a procédé le mois dernier à l'élection de sa reine, élection sensationnelle, car, en vertu du roulement régulier, c'est la reine du Marché Saint-Germain qui, cette année, doit être la reine des reines de la Mi-Carême, le 22 mars. »

En 1901, en vertu de cette règle, une Reine des Reines élue, Eugénie Romelotte, est presque aussitôt déchue et remplacée par une autre, comme le rapporte le journal La Presse :

« On sait que Mlle Romelotte, qui avait été précédemment élue Reine des reines, a vu son élection annulée sous le prétexte qu'elle appartient au marché des Carmes. lequel a déjà fourni la Reine des reines l'année précédente »
« A ce propos, le marché des Carmes a décidé, devant l'affront qui était fait à sa reine, de ne point participer aux fêtes du Carnaval[325] ! »

En 1901, croyant certainement que la Mi-Carême parisienne est encore une fête ouvrière organisée et contrôlée par les blanchisseuses, des mineurs grévistes de Montceau-les-Mines montent à Paris pour y participer de façon politique et organisée. La Mi-Carême parisienne paraît avoir un grand prestige à Montceau-les-Mines où est attestée en 1924 l'existence d'une Reine des Reines avec son char à l'exemple de Paris[326][source insuffisante]. Ils construisent deux chars à la Bourse du travail rue Charlot et tente le jeudi de la Mi-Carême 14 mars de rejoindre le cortège place de la Concorde. Ils se heurtent à l'hostilité du public et à l'action de la police qui neutralise complètement leur initiative. Cet incident est abondamment rapporté et commenté par la presse parisienne de l'époque. Il constitue un des deux seuls du genre dans le cadre de la Mi-Carême, fête apolitique et carnavalesque réunissant indifféremment des représentants de toutes les couches, tous les âges et tous les bords de la population. L'autre incident politique du même ordre ayant été celui du char des dreyfusards en 1898[317].

En juillet 1901 paraît dans La Caricature un dessin de Huard intitulé Confidences[327]. C'est le seul connu qui fait allusion à l'interaction entre la Mi-Carême et la politique. À son amoureux, une blanchisseuse déclare :

– Pourquoi que j'ai pas été reine des blanchisseuses ? Parce que papa était de la Commune, tiens !

Début 1902, une scission s'opère chez les organisateurs du cortège de la Mi-Carême. Dorénavant, il y a deux Reines des Reines élues chaque année : une pour la rive droite, l'autre pour la rive gauche. Cette situation dure jusqu'à l'année 1905 inclus. En 1905, les organisateurs sont réunis[328], mais il existe encore deux Reines des Reines : Jeanne Troupel pour la rive droite, Pauline Toyer pour la rive gauche. Par la suite, il n'existe à nouveau plus qu'une seule Reine des Reines de Paris. La dernière élue est Odette Vercheval en 1939. Cependant, après la réunification, la Reine de la rive gauche continue à exister en tant que telle au moins durant plusieurs années. C'est ce qui apparaît sur une carte-postale figurant les Reines de Paris 1908. Au côté de Fernande Morin, Reine des Reines et d'autres reines, apparaît Marie Chavois, Reine de la Rive Gauche[329][source insuffisante].

En 1903, c'est au tour du commerce parisien représenté par le Comité des Fêtes de Paris, organisme privé réunissant des personnalités et des syndicats patronaux, de se saisir de l'organisation de la Mi-Carême[330]. Il est dirigé par Léon Brézillon propriétaire notamment de deux cinématographes, c'est-à-dire deux salles de cinéma.

Le Petit Journal, le mardi 17 mars 1903, se fait l'écho du changement :

C'est jeudi prochain, la Mi-Carême.
La fête sera célébrée, c'est plus que probable, très gaiement; mais ce ne sera plus la Mi-Carême habituelle : ce sera autre chose. Il y aura cavalcade sur la rive droite, cavalcade et réjouissances sur la rive gauche, bataille de confetti sur les boulevards[331]; les automobiles, pour la première fois, joueront leur partie dans l'ensemble. Les costumes seront riches, les déguisés nombreux, mais le caractère bon enfant, l'aspect ouvrier en rupture de travail et en liesse aura disparu.
Dessin comique de Gottlob paru dans Le Journal amusant en 1903.
Les cortèges formés par les lavoirs, les cours des reines, majestés d'un jour, blanchisseuses de la veille et du lendemain, appartiennent dès maintenant à l'histoire anecdotique de Paris. Depuis que M. Sémichon[332], qui fut l'âme de ces organisations, n'est plus là pour les diriger, les lavoirs ont cessé de se réunir pour former une cavalcade unique; ils ont continué encore quelques années à sortir individuellement, mais cette fois, peu, très peu, manifestent l'intention de célébrer leur fête traditionnelle.
D'autre part, la cavalcade des marchés est, elle aussi, atteinte. Le marché du Temple, qui se mit à la tête de l'organisation abandonnée par les lavoirs, n'existe plus ; pour galvaniser la Mi-Carême, il a fallu, cette année, recourir à des appuis extérieurs et à des moyens qui, pour être bons, n'en restent pas moins étrangers aux corporations en cause.
Dans ces conditions, nous nous ferons un plaisir, au Petit Journal, de recevoir, après la reine des reines et sa cour, ceux de nos amis qui voudront bien venir nous apporter en ce jour de fête leur salut traditionnel. Nous échangerons nos vœux de bonheur et trinquerons, la coupe de Montebello[333] en mains ; à la prospérité des affaires.
Tableau des membres du Conseil du Comité des fêtes du quartier des Invalides en 1903[334].
Mais adieu nos longues réceptions d'antan ! Adieu la décoration extérieure de notre hôtel ! Adieu la fête d'autrefois ! Place aux solennités et salut à la nouvelle Mi-Carême[335] !

L'élection échappe aux femmes. Ce sont des journalistes, députés, élus de Paris, de sexe masculin, qui choisissent la reine.

À la faveur de son institutionnalisation, la Mi-Carême parisienne a été confisquée à ses animatrices traditionnelles : les ouvrières blanchisseuses. La festivité parisienne est organisée dorénavant par des commerçants, artisans, personnes aisées en général. La composition du Conseil du Comité des fêtes du quartier des Invalides en 1903 est parlante à ce sujet : 19 membres, tous des hommes, dont 17 artisans ou commerçants, un inspecteur de la Compagnie du gaz et un commandant en retraite.

La popularité des Reines des Reines reste immense. Elles sont reçues à l'hôtel de ville, la préfecture de Police, l'Élysée et acclamées par quatre cent mille Parisiens !

Les lavoirs sont toujours présents, mais ne sont plus les organisateurs principaux.

Le Petit Journal écrit, le 20 mars 1903[336] :

Après avoir longtemps hésité, après avoir même déclaré, pour la plupart, qu'ils ne sortiraient pas, les lavoirs, devant la clémence de la température, ont organisé en hâte des cortèges, qui pour avoir été constitués rapidement, n'en ont été ni moins riches, ni moins bien compris que les autres années.

C'est l'occasion de venir sabler le champagne au journal et y porter une contribution aux œuvres charitables qu'il organise.

16 lavoirs sont mentionnés dont 4 venus de la banlieue.

Les 16 lavoirs mentionnés en 1903 par Le Petit Journal sont ceux dont des délégations sont venues visiter sa rédaction. Il est possible que d'autres ont aussi fait la fête et défilé ce jour-là et que le journal ne les mentionne pas[Interprétation personnelle ?] :

Lavoir des Enfants-Rouges, de la rue de Beaune,
Lavoir du Petit-Château, de Charenton,
Lavoir Championnet,
Lavoir de la Ferme, de Clichy,
Lavoir du marché Lenoir,
Lavoir Saint-Michel, 40 avenue de Saint-Ouen,
Lavoir Saint-Nicolas,
Lavoir Lamarck, de la rue Duhesme,
Lavoir des Martyrs, (« un des plus anciens établissements du quartier »)
Lavoir Sainte-Marguerite, de la rue Trousseau,
Lavoir Moderne, 77 rue de Flandre,
Lavoir Hélène, de la rue Pierre-Ginier,
Lavoir du Progrès, de la rue Ramey,
Lavoir de l'Industrie, rue de l'Industrie,
Lavoir Sainte-Marie, de Saint-Ouen,
Lavoir Saint-Charles, de Pantin.

Le Petit Journal précise[336] :

Le lavoir du marché Lenoir n'a rien organisé cette année ; mais le propriétaire a voulu quand même, à titre individuel, nous faire sa visite annuelle, et il nous a apporté, pour notre caisse du Secours immédiat, 10 francs, en souvenir des anciennes fêtes de la Mi-Carême.

Longtemps le prestige des blanchisseuses reste associé à la Mi-Carême. Un dessin comique publié en 1909 atteste qu'à l'époque le cortège de la Mi-Carême est encore couramment appelé cortège des lavoirs[337].

La Mi-Carême en automobile en 1903

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« Le Triomphe », char automobile électrique de Marie Missiaux, Reine des Reines de Paris (rive droite), stationnant devant le siège de l'Automobile Club de France, place de la Concorde, avant le départ du défilé du jeudi de la Mi-Carême 19 mars 1903[338].
L'Intransigeant, 21 mars 1903[339].

La Mi-Carême 1903 offre comme originalité un cortège avec une importante composante automobile. G. Etchépérestou écrit à ce propos dans Le Journal amusant du 28 février[340] :

La Reine des Reines en automobile — La mi-carême sera, cette année, plus brillante que d'habitude, car Paris va voir défiler la Reine des Reines sur un char automobile. Le cortège partira de l'Automobile Club de France, place de la Concorde.
Le cercle a donné au comité d'organisation une subvention de 500 francs, et la toute mignonne souveraine de la journée recevra un bijou lorsque, à une heure de l'après-midi, elle viendra dans les salons de l'A. C. F., où on lui offrira le Champagne au nom de cette autre reine des reines du jour, l'automobile.
Le cortège comprend trois groupes, dont les deux derniers seront les groupes classiques hippomobiles de jadis.
Mais le premier groupe va révolutionner Paris. Voici sa composition :
Tout d'abord, sur un char de la maison de Dion-Bouton, — la Reine des Reines. Ce char est décoré par Jambon, le grand artiste du décor. Puis derrière, pour son cortège, un autre char, et entre les deux, faisant la navette, trois Populaires[341].
Puis viendront les voitures des Grands Garages de Paris, splendidement décorées.
Voici l'itinéraire du parcours :
Départ : place de la Concorde, avenue des Champs-Élysées, avenue Marigny, place Beauvau (arrêt à l’Élysée), faubourg Saint-Honoré, rue Royale, la Madeleine, les grands boulevards, Marguery[342] (arrêt), place de la République, rue Turbigo, boulevard Sébastopol, rue de Rivoli, Hôtel-de-Ville (arrêt), quai de Gesvres, place Saint-Michel, boulevard du Palais, Préfecture de police (arrêt), boulevard Saint-Michel (dislocation).

La Mi-Carême au théâtre

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En 1903, la Mi-Carême apparaît dans Sans Mère !, pièce de théâtre de Michel Carré et Georges Mitchell[343].

Extrait d'une critique :

Pour tout vous dire, nous ajouterons à ce récit que nous tombons en pleine mi-carême, qu'il y a là une cavalcade de blanchisseuses réjouissantes — si l'on veut — où chacun se rencontre sous un déguisement imprévu : gendarme, polichinelle, clown, Gugusse (hélas que tout cela est donc vieux jeu !) ; que la Reine des Reines est Anne-Marie; que la patronne du lavoir est la femme de Souillard (à quoi bon, grands dieux !) ; que la moitié du cortège entre au Palais de Justice et chez le juge d'instruction aussi facilement, plus facilement que le ferait le garde des Sceaux lui-même ; qu'il y a aussi des trompettes, des bigophones, de la joie, de la gaieté... et qu'enfin on essaie d'exciter le rire qui, toutefois, ne vient guère[344].

1904-1905 : Solennités internationales

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La Reine de Turin, à droite, accueille les Reines de la Mi-Carême parisienne, Turin septembre 1904.
Vue prise en 2010 de la Tettoia dell'Orologio (Dais de l'horloge), bâtiment emblématique du marché turinois de Porta Palazzo, construit en 1916.
Élections de reines en mars 1905[345].

Vers 1900, la popularité de la Reine des Reines a franchi les frontières.

Rosina Ferro-Pia Reine du Marché turinois de Porta Palazzo à Paris en 1905[265].

À l'époque c'est une élue des marchés parisiens. Ce serait à son exemple que d'autres reines apparaissent dans le monde[346].

Ce qui est certain en tous cas, c'est qu'en 1902 de grandes fêtes sont organisées au célèbre marché de Porta Palazzo à Turin. Bien qu'ayant un caractère carnavalesques, elles ont lieu en septembre loin de la période du Carnaval. Est élue à cette occasion la première reginetta palatina, ce qui signifie en italien : « petite reine palatine », car le marché de Porta Palazzo se trouve voisin de la porta Palatina, monument antique romain[347].

En septembre 1904, à l'initiative du journal turinois satirico-humoristico-politico-sociale « Il Fischietto »[348], la Reine des Reines, avec d'autres reines de la Mi-Carême parisienne, participent aux fêtes de Porta Palazzo[349].

C'est un voyage fabuleux pour l'époque et pour des reines d'extraction modeste[350].

C'est le début d'une période de dix ans d'échanges internationaux entre la Mi-Carême parisienne et des villes d'autres pays que la France.

L'annonce de la participation italienne à la fête à Paris en 1905 galvanise les Parisiens et amène la réunification de la Mi-Carême parisienne qui, depuis trois ans, s'était divisée avec une Reine des Reines de la rive gauche et une Reine des Reines de la rive droite de la Seine.

Le , « M. Brezillon a exposé au préfet (de Police Louis Lépine) la fusion des deux comités, suscitée surtout par le désir de faire mieux que ce qui a été fait jusqu'alors, en unissant les ressources, les efforts et les initiatives pour pouvoir organiser une réception grandiose aux délégations des halles et marchés de Turin et aux commerçants des grandes villes italiennes qui se joindront à elles[164]. »

Une délégation parisienne est invitée au Carnaval de Milan en 1905[351].

À la gare de Turin, Torino Porta Nuova, le , à 0 heures 20, une foule énorme acclame le convoi de douze voitures, attelées de deux locomotives, qui part vers Paris[352]. Trois cents Italiens, de Turin et Milan, partent participer aux fêtes de la Mi-Carême 1905. À leur tête se trouvent la reginetta palatina Rosina Ferro-Pia, reine du marché de Porta Palazzo et Maria Nulli, reine des marchés de Milan.

Dans le programme pour les fêtes de la Mi-Carême, 1905[164] est indiqué qu'il est prévu que le 30 mars défileront dans la grande cavalcade des marchés, lavoirs et cortège allégorique des syndicats de l'Alimentation parisienne 40 chars et 2000 figurants.

Ce jour-là, la cavalerie du Wild West Show le célèbre cirque de Buffalo Bill[353] arrivé la veille de la fête à Paris rejoint le cortège et l'accompagne ensuite :

Mais une surprise nous était réservée : Buffalo-Bill nous envoyait quelques-uns de ses meilleurs cavaliers, qui venaient se joindre au cortège à la place de la Concorde, et ce fut le plus beau défilé, où, après les Peaux-Rouges, superbement empanachés, on vit cosaques, gauchos et cowboys, sans oublier une batterie d'artillerie anglaise, qui représentait sans doute quelque entente cordiale[354].

Le soir, les reines avec leur suite officielle sont reçues à l'Hôtel de ville et à la préfecture de police.

Puis l'on se sépare, un peu ahuris d'avoir accompli, avec quelques bigophones, des légumes grotesques, des seigneurs Louis XIII et des jolies filles, de si grandes choses sans s'en douter[354].

Le lendemain soir une retraite aux flambeaux de la gare de l'Est à l'Observatoire rassemble 1000 musiciens et 1500 figurants avec chars lumineux, illuminations et feux d'artifice[354].

Ce n'est pas la première fois que le Carnaval de Paris reçoit une délégation étrangère. Déjà le mardi gras , une délégation de 64 étudiants espagnols, membres de la Estudiantina espagnola de Salamanque, avec guitares et tambourins avaient défilé dans Paris, accueillie par 600 étudiants parisiens et une foule immense[355].

Les festivités de 1905 vues par la Gazzetta del Popolo

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La Gazzetta del Popolo (Journal du Peuple), éditée à Milan, écrit le 1er avril 1905 :

Les petites reines italiennes à Paris
Le banquet au « Petit Journal »
Paris, 31 mars (par téléphone) – Hier soir avait lieu à 21 heures, dans la salle des fêtes du Petit Journal, le banquet organisé par le Comité des fêtes de la Mi-Carême, sous la présidence d'honneur du comte Tornielli.
La Reine des Reines de Paris présidait, assistée par les petites reines italiennes.
A la table d'honneur était Archdeacon, député de Paris, des conseillers municipaux, Trezza di Musella de la Chambre de commerce italienne, les présidents des Comités parisiens, Piccini de Turin, Gerosa de Milan, etc.
Huit cents personnes assistaient au banquet dans la salle du Petit Journal.
Au dessert ont été portés des toasts par Archdeacon, Trezza di Musella et Gandolfi.
A minuit a commencé un bal qui a duré jusqu'au matin.
La matinée
Paris, 31 mars (par téléphone) – Les petites reines de Turin et Milan, accompagnées par les reines françaises et des membres du Comité franco-italien, ont assisté à une matinée artistique dans la salle des fêtes du magasin Dufayel.
Elles ont reçu en cadeau un bracelet d'or.
La retraite aux flambeaux
Paris, 31 mars (par téléphone) – La retraite aux flambeaux, en l'honneur des reines de Milan et Turin, a attiré une grande foule à la gare de l'Est, d'où devait partir le cortège.
Les reines sont vite arrivées avec leurs suites, acclamées par la foule.
Le cortège se composait de 1000 musiciens et 1500 figurants.
Tout le long du boulevard de Strasbourg la foule criait avec enthousiasme : Vive les reines ! Vive l'Italie !
Le cortège a traversé les Halles et le Marché Lenoir, particulièrement applaudi. Tous les cafés étaient plein de gens qui montaient sur les tables ou sur les sièges pour voir passer les petites reines.
Après la traversée des marchés le cortège est allé à l'hôtel de ville où ont été reçues les reines italiennes[35].

Une fête, comment ?

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Des délégués de Calais à la Mi-Carême 1906 avec la Reine du Courgain, quartier maritime de Calais.
Des délégués suisses à la Mi-Carême 1906, dont Mademoiselle Hermance Taverney, Palès déesse du Printemps de la Fête des Vignerons de Vevey 1905 et ses deux demoiselles d'honneur.
Le char de la Reine des Reines de Paris 1906[356].
La société des Étourdis ou de l'Académie culinaire, une société bigophonique aux instruments de musique en carton en formes de denrées alimentaires. – Mi-Carême 1906[98].

En 1906 au scrutin pour l'élection de la Reine des Halles présidé et organisé par une large majorité d'hommes, les électrices sont très nombreuses[357]. En revanche, quand il s'agit de choisir parmi les candidates, reines ou demoiselles d'honneur, la Reine des Reines, c'est tout autre chose[358]:

Le char du supplice de Tantale, un des deux chars comiques, avec celui de la Tortue, à la Mi-Carême 1906[359].
Le char de Gargantua à la Mi-Carême 1906. Le thème de ce char avait déjà été utilisé pour un char animé de la Promenade du Bœuf Gras au Carnaval de Paris en 1866 et un autre en 1902[360][source insuffisante].
Cela s'est passé dans la grande salle des fêtes de la mairie du dixième arrondissement, car le temps n'est plus où l'élection de la reine des reines avait lieu sous les quatre vents des pavillons des Halles. Jamais, non plus, on n'avait vu autant de personnages officiels : MM. Tournade et Auffray, députés; Achille Barillier, Joseph Ménard, Gay, Chassaigne-Goyon, Gally, Moreau, Dausset, Leriche, Pannelier, Congy, Quentin, Massard, conseillers municipaux, et, sur l'estrade, MM. Marguery, président de l'Alimentation parisienne, et les actifs organisateurs des fêtes de la Mi-Carême, MM. Brézillon, Leroy, Leray, etc.
En toilettes claires, dans leurs plus beaux atours, les dix concurrentes se rangent face aux électeurs, qui sont les députés, les conseillers municipaux, les membres du comité et les membres de la presse ; chacune porte à la main une sorte de houlette qui porte un numéro distinctif.

En 1906, on relève un des rares incidents politiques rapporté par la presse dans le cadre de la Mi-Carême :

La police a saisi, vers deux heures et demie, avenue Parmentier, un char composé d'une voiture à bras décorée de draperies rouges, sur laquelle se trouvaient deux individus portant, l'un une tête de chien, l'autre un costume de prêtre, et qui distribuaient des placards de propagande anarchiste aux curieux.
La petite voiture était traînée par un groupe d'individus déguisés en moutons ; l'un portait une pancarte rouge sur laquelle on lisait : « Groupe des électeurs. »
Vingt arrestations ont été opérées au cours desquelles deux agents ont été fort malmenés[361].

Deux sociétés bigophoniques, dont celle des Étourdis de Paris, participent de façon marquante au cortège de 1906[362].

Quand on[Qui ?] étudie le Seul Programme Officiel de la Mi-Carême 1911[8], on réalise[Quoi ?] que chacune des 10 Reines présentées comme Reine de Paris, est en fait l'élue d'une des associations qui adhère au Comité des Fêtes de Paris[Interprétation personnelle ?], organisme à caractère privé, déposé selon la loi de 1901. Certes, les Reines n'ont jamais été des élues du peuple, mais pourquoi présenter les Reines d'une fédération d'associations parisiennes comme les Reines de Paris en général ?[style à revoir] Il aurait peut-être été plus juste de les présenter comme les Reines du Comité des Fêtes de Paris ?[Interprétation personnelle ?] Mais, à cette objection, on peut[Qui ?] répondre que les élections de Reines de Carnaval sont des élections de Carnaval. Et que le titre royal invoqué, les insignes royaux et l'imposant char de parade employés suffisent pour conférer une légitimité... de Carnaval[Interprétation personnelle ?][363].

On ne saurait[style à revoir] nullement par ailleurs accuser le Comité des fêtes de Paris, organisme privé, de vouloir se substituer abusivement aux autorités municipales. Car la ville de Paris ne dispose d'aucune Commission des fêtes, mais tout au plus juste d'une Commission de la fête nationale, comme cela apparaît dans un débat tenu au Conseil municipal de la ville le 30 décembre 1911[364].

Le programme de la Mi-Carême parisienne 1906 annonce que l'organisation de sa tombola est faite au Profit des Pauvres de Paris et de la Société de Secours Mutuels. Cette Société de Secours Mutuels est sans-doute celle dépendante du Comité et de l'Harmonie des Fêtes de Paris, c'est-à-dire des organisateurs de la tombola. En ceci, le Comité des fêtes de Paris reste fidèle à la tradition qui veut combiner festivités et bienfaisance, comme cela se faisait déjà à Paris, par exemple en consacrant en 1830 aux pauvres les bénéfices du célèbre bal masqué de l'Opéra[365].

En 1906, 1909, 1910 et 1911, les échanges festifs internationaux se poursuivent. Participent à la Mi-Carême parisienne des délégations avec les reines et demoiselles d'honneur de Lisbonne, Vevey[366], Madrid, Rome, Ostende, Prague.

Participent également à la fête à Paris des délégations de provinces françaises.

La délégation portugaise défile avec une géante place de la Concorde en 1906[367].
Char de Bibendum et de Dion-Bouton à la Mi-Carême à Paris 1908.
Subventions municipales parisiennes en 1910 pour les comités des fêtes de la Mi-Carême et le comité de la fête du Bœuf Gras[368].
Ruzena Brazova Reine de Prague à la Mi-Carême 1910 à Paris[369].

Des Reines parisiennes visitent Londres, Rome[370], Saint-Sébastien[371], Madrid[372], Naples[373], Prague[374].

En 1908, elles assistent à Madrid à des courses de taureaux, ce dont s'indigne un journaliste français : « il est regrettable, en vérité, que les comités espagnols chargés de les recevoir n'aient pas senti toute l'inconvenance qu'il y avait à imposer à des jeunes filles françaises ce spectacle hideux[375]. »

Les Reines parisiennes visitent également la province. Ainsi, le , Rosa Blanche Reine des Reines de Paris 1906 paraît aux côtés de la Reine du Commerce de Chartres, à la Cavalcade Paris-Chartres organisée à Chartres. À cette occasion, une carte-postale souvenir est éditée par le journal Le Matin[376][source insuffisante].

Le , Augustine Orlhac Reine des Reines de Paris, participe au défilé fleuri de Saumur dans son char monumental amené de Paris[73]. Le mois suivant, elle paraît aux Fêtes Normandes à Rouen, aux côtés de ses demoiselles d'honneur, assise dans un splendide landau fleuri[377][source insuffisante].

Le , se joint à la cavalcade de la Mi-Carême un protestataire original : Jean-Baptiste Doussineau, amputé des deux jambes, qui depuis la fin décembre 1909 parcourt les rues de Paris à dos de chameau, en compagnie d'un ami arabe, Ali ben Amar. Il vend des cartes-postales, fait la charité et harangue la foule. Ancien boulanger « tombé dans le pétrin », selon ses propres mots, il accuse la Compagnie de l'Ouest et l'Assistance publique de ne lui avoir porté aucun secours après l'accident de chemin de fer qui l'a laissé infirme[378][source insuffisante].

Le , aux commandes de son aéroplane, l'aviateur Jules Védrines jette des bouquets de violettes sur le cortège de la Mi-Carême parisienne, qui est ensuite survolé par le ballon dirigeable espagnol Astra Torrès[379].

Le , défilent à Paris trois cortèges à l'occasion de la Mi-Carême : celui de la rive droite, avec la reine des reines, celui de la rive gauche avec la rose des roses et, enfin, pour fêter son cinquantième anniversaire, Le Petit Journal fait défiler un cortège formé de groupes et chars du Carnaval de Nice[380]. Le cortège de la rive droite est organisé par le Comité des fêtes de Paris, organisme privé dirigé par Léon Brézillon. Celui de la rive gauche est organisé par la Fédération des comités des fêtes de la rive gauche, fédération constituée en 1911 afin d'organiser une cavalcade sur la rive gauche. La ville de Paris a concouru au premier cortège par une subvention de 20 000 francs, et au second par une subvention de 6 000 francs[364].

Cinq chars de Nice défilent à Paris en 1912 : le char de S. M. Carnaval XXXX[Comment ?][pourquoi ?], les chars de la Rascasse, du Carnaval, des Gardiens du Louvre et de la Vie chère[381]. Le char des Gardiens du Louvre fait référence au célèbre vol de la Joconde, qui a eu lieu en août 1911. Il s'agit d'un char tiré par un âne en cartonnage coiffé de la célèbre tiare de Saïtapharnès, un faux acheté comme authentique par le Louvre en 1896[382]. Comme aucun atelier parisien n'a de portes assez larges pour laisser sortir les chars de Nice une fois remontés, un atelier de fortune est installé sous les arcades du métro aérien, station Corvisart. Celles-ci sont fermées avec de grandes bâches[383]. La même année, la représentante des étudiants parisiens qui défile sur son char dans le cortège de la Mi-Carême porte le titre d'Estudiantina, nom porté par les groupes musicaux et costumés traditionnels d'étudiants d'Espagne, Portugal et Amérique latine[384]. Un Char de la Vie Chère qui défile en 1913 au Carnaval de Chalon-sur-Saône paraît comporter des éléments réemployés de chars niçois montés à Paris en 1912. Ce ne sont pas les seuls à avoir ainsi poursuivi leur route au-delà de Paris pour être réutilisé festivement ailleurs[385].

1912 : la Mi-Carême colosse aux pieds d'argile

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En 1912, un cortège de la Reine des Reines défile pour la Mi-Carême le même jour que deux autres. Cependant, comme on peut le voir à la lecture du journal[style à revoir] Le Gaulois, son triomphe dissimule une faiblesse organique fondamentale. Il ne représente plus l'expression de la ferveur populaire. D'une fête vivante où les masses se déguisent et vont défiler, comme c'est le cas dans les fêtes carnavalesques vivantes, comme la Mi-Carême parisienne jusqu'en 1890, ou encore, aujourd'hui, le Carnaval de Dunkerque et des villes alentour. C'est une organisation méticuleuse et onéreuse, un spectacle subventionné en plein air dont l'existence repose sur l'argent[Interprétation personnelle ?], même si on y retrouve[style à revoir] de la bonne volonté et de la joie partagée. Dès que l'argent manquera au rendez-vous, ces cortèges disparaîtront des rues de Paris[386] :

« Lorsque ce magnifique cortège défilera, on ne se rendra guère compte du travail colossal que son organisation a nécessité, ni des sommes relativement importantes que le comité a dû dépenser.

Ainsi, chaque char, pris en location seulement, revient de quinze cents à trois mille francs. Quant à la figuration, elle est représentée ordinairement par cent cinquante à deux cents femmes payées à raison de huit francs pour la journée et un millier d'hommes à cinq francs.

Le travestissement féminin vaut vingt francs ; le costume masculin dix francs, en moyenne. Il faut ajouter à cela la location de mille tiges de bottes à un franc la pièce et autant de perruques de un à trois francs, selon la qualité ou le style.

Les musiciens, au nombre de cinq cents, se paient de dix à douze francs ; les tambours et les trompettes ne valent que neuf francs ; par contre, les sonneurs de trompe de chasse reçoivent quinze francs. C'est un tarif établi.

Comme accessoires, il faut compter cinquante bannières à quinze francs la pièce, les armures, les hallebardes, épées, lances, etc., dont la location moyenne vaut, de un franc à quatre francs. Nous ne devons pas oublier non plus dans ce chapitre les cartonnages, les motifs portés à la main, les grosses têtes, dont le prix est de vingt à vingt-cinq francs, et qui figurent au nombre d'une centaine dans le cortège.

C'est la cavalerie qui occasionne les plus fortes dépenses. Il faut des chevaux de selle pour les cavaliers et des chevaux de trait pour tirer les chars. Paris n'offre à ce point de vue que des ressources très limitées, puisque la grande extension de l'automobile a supprimé la plupart des écuries. Pour se procurer les deux cents chevaux nécessaires aux personnages montés, il est obligatoire, après avoir engagé tous les chevaux des manèges parisiens, de s'adresser aux écuries spéciales de Montmorency, Robinson, Enghien, Meudon, etc. Les prix de location atteignent maintenant des prix fantastiques : vingt-cinq à vingt-huit francs.

Les chars, eux, exigent, suivant leur importance, quatre, six ou huit chevaux de trait, à cinquante francs la paire, loués chez des entrepreneurs de camionnage, et deux conducteurs par paire à six francs par homme engagé, les hommes de métier pouvant seuls opérer de savants virages sans accident.

D'ailleurs, le comité, par prévoyance, contracte une assurance contre les accidents, qui lui coûte de six à sept cents francs pour cette unique journée.

On doit[Qui ?] ajouter aux frais de cavalerie la location des selles d'hommes et de femmes à trois francs par cheval. Le recrutement de la figuration n'est pas chose aisée. C'est au personnel habituel de certains théâtres, comme le Châtelet, où manœuvrent des masses de figurants, que l'on fait[Qui ?] appel. Les écuyères, peu nombreuses, sont recrutées où on peut[Qui ?]. Quant aux cavaliers, on exige[Qui ?] d'eux la production de leur livret militaire, afin de s'assurer que les futurs mousquetaires ont servi dans un régiment de cavalerie.

L'embauchage étant terminé, rendez-vous est donné à la figuration dans un groupe scolaire. Les femmes s'habilleront du côté de l'école des filles, les hommes à l'école des garçons.

Chars du Carnaval de Nice défilant à Paris pour la Mi-Carême 1912[381].

Dès sept heures du matin, le travail du travestissement commencera sous la surveillance de chefs des groupes, recevant chacun un salaire de trente francs. Ces chefs de figuration seront chargés du matin au soir de veiller sur leur équipe et de la contrôler, le comité étant responsable par traité de toute perte d'effet, de perruque ou d'accessoire.

Les costumes d'hommes ne sont pas essayés, mais distribués au jugé.

Quant aux femmes de la figuration, quinze jours d'avance elles se rendent chez les costumiers pour essayer leur travestissement, car il serait impossible de procéder pour elles comme pour les hommes et de les habiller à la dernière minute.

Maintenant, tout est prêt. Dans quelques heures les trois cortèges défileront et tout Paris sera dans la rue pour les acclamer. »

Une fête, pourquoi ?

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Le président du Comité des Fêtes de Paris Léon Brézillon photographié en 1909[387].
Le Petit Journal, 5 septembre 1910[388].
Char publicitaire du Bouillon Oxo, sorti dans Paris pour la Mi-Carême 1912[389].
Mademoiselle Ruzena Brazova, Reine Tchèque, au cortège de la Mi-Carême 1910[390].
Carte postale tchèque célébrant la Reine des Reines de Paris et la Reine Tchèque de la Mi-Carême 1910.
A la Mi-Carême 1910 : le char de Lutèce.