Roman Czerniawski
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Pseudonymes | Armand, Walenty, Brutus |
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Armes | Armée de l'air de la 2e République polonaise (d), Special Operations Executive |
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Roman Czerniawski, né le à Tłuste (Pologne) et mort le à Londres, est un officier d'aviation polonais et un agent secret pendant la Seconde Guerre mondiale au service du gouvernement polonais en exil. Il fut fondateur et chef du réseau de renseignement Interallié en France, puis agent double et la pièce importante du Système Double Cross d'intoxication des services de renseignement allemands développé par le Service de la sûreté britannique (MI-5).
Biographie
[modifier | modifier le code]Roman Czerniawski naît le dans le village de Tłuste (voïvodie de Tarnopol, Pologne).
Après avoir obtenu le son diplôme d'officier à l'École de formation des pilotes de la Forces Aériennes Polonaise à Dęblin, Czerniawski est affecté au 11e escadron du 1er régiment aérien. En 1934, il s'entraîne au Centre de formation des officiers de l'aviation. Promu au rang de lieutenant, il poursuit sa formation de pilote et intègre le 11e escadron de chasseurs. En 1938, il obtient le diplômé de l'École supérieure de guerre de Varsovie (Wyższa Szkoła Wojenna) et devient capitaine. On l'affecte au département de l'organisation du commandement de l'aviation polonaise.
Au début de la guerre de 1939, il est pilote dans l'escadron d'état-major. Le , il est délégué au commandement de la défense de Lvov. Après la capitulation de la ville, il s'évacue en avion en Roumanie, puis, il gagne la France où se reconstitue l'armée polonaise.
En , il y suit un cours des états majors à l’École de Guerre. Après avoir obtenu son diplôme en , il devient le chef du 2e bureau de la 1re Division de grenadiers, avec laquelle il participe aux combats sur la ligne Maginot et dans la région du canal de la Marne au Rhin et Lagarde. Après la dissolution de la division et l'armistice du maréchal Pétain que le gouvernement polonais n'a pas accepté, il cherche à gagner la Grande-Bretagne par le sud de la France. Renée Borni avec laquelle il s'est lié d'amitié l'aide en lui donnant les documents de son défunt mari, Armand Borni.
Arrivé à Toulouse, il prend contact avec les anciens du 2e bureau : les majors Mieczysław Zygfryd Słowikowski et Wincenty Zarembski et entame la constitution du réseau clandestin sous le pseudonyme « Armand ». En , il est nommé responsable du centre d'évacuation de Toulouse. Il n’y travaille pas longtemps, car le deuxième bureau du Nord-Ouest a besoin de renseignements militaires venant de la zone occupée du nord de la France et Czerniawski se voit confier la création d'un centre de renseignement à Paris.
Avant de quitter Toulouse, il rencontre Mathilde Carré. Il la recrute considérant que les contacts et les connaissances du temps des études de Mathilde à la Sorbonne peuvent lui être utiles à Paris. Le , le capitaine Czerniawski (alias "Armand", "Walenty") part avec Mathilde pour Paris et très rapidement, dès le milieu du mois, met en place un réseau sous le nom de code "Interallié". Mathilde alias "Victoire", qui vit avec lui, l'aide à recruter et s’occupe de la rédaction des rapports qui sont initialement envoyés à Toulouse, cachés dans les toilettes du train express Paris-Toulouse. Le courrier trouve son destinataire sans incidents. Il n'est pas découvert même lors d'un arrêt accidentel du wagon pendant deux mois.
Armand et Victoire sont recommandés auprès de Me Brault, un avocat spécialisé dans les affaires anglaises et américaines. Il accepte de les mettre en rapport avec nombre de ses relations professionnelles et son cabinet sert de couverture. Au milieu de 1941, le réseau compte 250 agents dont 40 Polonais. C'est le réseau de renseignements le plus étoffé du début de l'occupation.
Armand, qui a également des contacts avec ses homologues français, envoie Mathilde à Vichy auprès d'officiers du Deuxième Bureau. Certains officiers de renseignement français restent fidèles à leurs alliés anglais et ne dédaignent pas de travailler avec eux en échange des informations sur les réseaux alliés en zone occupée. De nombreuses informations précieuses sont acquises et transférées à Londres via Toulouse. Malheureusement, les services de renseignement britanniques, se méfiant de Vichy, ignorent certains comme ceux à propos du débarquement à Tripoli des troupes de l'Afrika Korps ou à propos des sous-marins allemands.
Au début de 1941, Armand reçoit un poste de radio. Pendant longtemps, il ne pouvait pas établir de communication avec Londres. Ce ne fut possible que le . Afin de maintenir la sécurité, l'envoi de messages est limité à quelques minutes. Cela permet d'envoyer environ 40 mots, puis ce nombre est porté à 100 mots. Le réseau fournit des informations précieuses sur les mouvements des troupes allemandes, les dépôts de munitions, les aéroports, les batteries sur la côte et les fortifications en cours de construction. Les rapports hebdomadaires sont très volumineux, de 20 à 50 pages dactylographiés. Pour faciliter le travail des coursiers clandestins, Armand fait photographier les rapports ce qui réduit considérablement la taille des envois.
En , après un an d'activité, Czerniawski est convoqué et transporté dans un avion britannique à Londres.
[Source : Hugh Verity, p. 49-53.]
Les protagonistes de ce récit sont :
- Capitaine Roman Czerniawski, dit « Armand » ou « Valentin », le chef du réseau ;
- Lieutenant Mitchell, dit « Adam », membre du réseau, organisateur du vol et de la réception ;
- Auguste Brun, dit « Volta », membre du réseau ;
- John Nesbitt-Dufort, dit « Whippy », pilote du Lysander. L’avion a pour base de départ (et de retour) Tangmere, près de Chichester, sur la côte sud de l’Angleterre.
- Philip Schneidau, ou capitaine Philipson, avait été le premier agent ramené de France en Angleterre par pick-up (vol de Lysander dans la nuit du 19/).
Whippy Nesbitt-Dufort effectua l’opération « Brick », couronnée de succès également dans la nuit du 1er au . Il passa la côte au Tréport, resta au sol trois minutes, sur un terrain proche d’Estrées-Saint-Denis, à l’ouest de Compiègne, et quitta la France près de Dieppe. Il ramenait en Angleterre le capitaine Roman Czerniawski, dit « Armand » ou « Valentin » […] Dans son livre Le Grand Réseau, le lieutenant-colonel Garby-Czerniawski explique pourquoi il choisit un aérodrome désaffecté. Il estimait le risque moindre qu’un bruyant atterrissage de nuit sur un terrain clandestin. Il était assisté d’« Adam » (lieutenant Mitchell), agent dit britannique, entraîné à préparer des terrains pour les Lysander, et de Volta, un de ses propres agents, officier de l’Armée de l’Air française. Il emportait quantité de renseignements dissimulés dans un gramophone portatif.
Le 1er octobre était une belle journée. L’agent local dit que tout était tranquille sur le terrain, mais que des soldats du régiment d’infanterie d’une caserne à deux kilomètres passaient régulièrement sur la route qui le longeait. Armand ne s’inquiéta pas, pensant que les soldats ne se promèneraient pas à minuit. Tous trois firent en train le voyage de Paris à Compiègne, prenant des sandwichs au fromage et du café au wagon-restaurant. Les autres voyageurs étaient tous des soldats allemands rentrant apparemment de permissions passées à Paris. De la gare, les trois hommes prirent la direction de l’aérodrome, suivant la route côté sud et bifurquèrent dans un chemin inutilisé encadré de part et d’autre de broussailles. Armand fit asseoir ses compagnons dans les buissons :
— Attendons la nuit. Nous irons jusqu’aux hangars. Ils sont plus près de notre balisage, ouverts et non gardés. Merci aux Allemands !
Ils firent mouvement entre le coucher de soleil et le lever de la lune.
Au hangar, chaque mot résonnait. Volta déballa les sandwichs et ouvrit les thermos. Ils mangèrent et burent en silence, les yeux rivés sur la porte ouverte et la grande tache lunaire du terrain.
— Onze heures et quart, fit Adam à voix basse.
— Allons à la porte jeter un coup d’œil.
La lune était pleine, le ciel brillant de myriades d’étoiles, le champ baigné dans une lumière bleuâtre, resplendissante. On pouvait distinguer chaque détail jusqu’à un kilomètre. La scène tenait du conte de fées.
— Quelle tranquillité, quelle beauté ! murmura Volta.
— Onze heures 25, dit Adam, regardant sa montre-bracelet. Prenez position. Souvenez-vous : n’allumez pas vos lampes avant moi ; puis laissez-les allumées jusqu’à ce que l’avion touche le sol.
Ils prirent place, formant le grand L, dont le plus grand bras pointait vers l’extrémité sous le vent de l’aérodrome, à quelque cent cinquante mètres dans le vent et celle de Volta, à cinquante mètres à sa gauche. Le Lysander devait toucher le sol près de la lampe d’Adam et terminer sa course entre les deux feux.
Adam attendit que chacun ait pris place, puis fit signe de se coucher. Ils regardèrent attentivement tout autour, et surtout en direction de la route qui passait devant l’aérodrome. Pas âme qui vive… ils s’installèrent pour attendre. Si tranquille était la nuit qu’Armand pouvait entendre le tic-tac de sa montre. L’imperméable léger qui devait le protéger du vent et du froid pendant le vol, lui tenait chaud. Il était allongé contre son gramophone. Dans sa main droite étendue, l’étui métallique de la lampe reflétait la froide lueur de la lune.
Le temps passait. 11 h 35… 40, 11 h 45… Armand pensait : « Ils sont en retard ; j’espère que tout va bien pour eux… » Il regardait autour de lui. Tout était tranquille. La route côté sud, très visible, était vide. Les lumières de la caserne s’étaient presque toutes éteintes. Minuit moins cinq. Puis, dans la nuit tranquille, un bruit lointain. Non… oui… de plus en plus fort, mais encore très distant. Oui — il n’y avait plus à s’y tromper ! Un avion approchait à basse altitude.
La lampe d’Adam émit soudain un brillant faisceau de lumière. Les deux autres lampes s’allumèrent à leur tour. L’appareil, visible maintenant à quelque cent mètres en l’air, se dirigeait droit vers l’aérodrome. Armand s’attendait à ce qu’il fît un premier tour, mais le pilote fit un quart de tour, à peine suffisant pour l’amener face au vent, réduisit les gaz et se posa. « Étonnant, ce pilote ! Quelle rapidité de décision et d’exécution », se dit Armand.
Le Lysander atterrit sur une courte distance, s’ébrouant fortement, s’arrêta, freinant à fond, tourna brusquement à gauche et revint rapidement à sa position de décollage près d’Adam. Courant à ses côtés, dans le vent de l’hélice et le rugissement du moteur, Armand se revoyait dans l’armée de l’air. Sentiment agréable, effaçant un moment toute autre sensation. Adam prit la boîte du gramophone et se mit en devoir d’aider Armand à grimper. Puis il lança le gramophone dans la main tendue : « Bonne chance ! »
Whippy se retourna souriant, dents blanches reluisant au clair de lune. Armand pouvait clairement voir ce visage maigre aux yeux noirs et à la moustache noire.
— OK ! essaya Armand dans son meilleur anglais.
— C’est la vie. C’est la guerre ! répliqua Whippy souriant, dans son meilleur français. Chacun d’eux avait épuisé son vocabulaire.
Dans un rugissement effroyable, le Lysander franchit quelques mètres puis se cabra brusquement, décolla et vira au nord-ouest. Sous lui, Armand vit distinctement un homme marcher sur la route le long de l’aérodrome. Qu’aurait pensé cet homme s’il avait remarqué les cocardes de la RAF ? Hallucination ou rêve ?
Nos amis volaient à très basse altitude. Dans le clair de lune, ils pouvaient apercevoir champs et maisons aussi nettement qu’en plein jour. Armand se souvint subitement qu’ils pouvaient être suivis. Dans la carlingue, il était sans armes. Le parachute gisait au sol — un matériel complètement inconnu de lui. Tournant le harnais en tous sens dans la demi-obscurité de la carlingue, il ne distinguait pas le haut du bas et finit par le laisser retomber. À ses yeux apparaissaient d’ailleurs des choses plus intéressantes : un thermos, un paquet de biscuits et du chocolat ! Pas de mitrailleuse, pas de parachute, va pour le chocolat ! N’était-ce pas délicieux, après toutes ces restrictions imposées en territoire occupé par les Allemands ! Biscuits, chocolat et une vue magnifique, Armand se sentait d’humeur joyeuse. Volant toujours à très basse altitude, ils approchaient de la Manche. Un pinceau de projecteur très loin sur la gauche balaya le ciel au-dessus d’eux. Un autre apparut très à droite. Whippy lança une fusée rouge. Les projecteurs s’évanouirent.
Ils avaient maintenant quitté le continent et survolaient la Manche. Aussi loin que se portait le regard, l’eau miroitait en milliers de reflets lunaires. Le Lysander gagnait peu à peu de l’altitude. La voix de John égrenait : « Un, deux, trois, quatre ». Puis venaient par intervalles des mots anglais qu’Armand ne pouvait comprendre. Sur l’horizon brumeux bleu-gris apparut une ligne sombre, de plus en plus épaisse : l’Angleterre. Tout à coup, à droite, des milliers de lumières jaillirent de la pénombre nocturne, marquant les contours d’un terrain d’aviation, et une piste illuminée. Le Lysander fit un brusque virage et pénétra dans un couloir de lumières.
Ils quittèrent la piste, traversèrent l’aérodrome ténébreux, enfin s’arrêtèrent. Deux silhouettes vagues approchaient. Son précieux gramophone à la main, Armand sauta au sol.
L’un des deux arrivants, Philip Schneidau, en uniforme de la RAF, l’aborda directement. Il parlait français :
— Comment allez-vous, Armand ? Je suis le capitaine Philipson, officier de liaison de la RAF, et voici le commandant de la base. Il nous invite à prendre un verre et à dîner. C’est une heure un peu inhabituelle mais vous devez en avoir besoin !
— Merci. Merci beaucoup. Très heureux.
Une voiture apparut et ils s’y engouffrèrent. En France, la lune brillait ; ici il faisait sombre. Légère encore, la brume nocturne tendait à s’épaissir. Armand regarda le chauffeur. Sous la casquette apparaissait un charmant visage de femme. Ils arrivèrent à une route, et au premier virage surgit une autre voiture. Armand ferma les yeux… « Nous sommes à gauche !… » Rien ne vint. Armand rouvrit les yeux. Imperturbable, la fille poursuivait sa route, toujours à gauche. Armand se souvint et rit de bon cœur. De toute cette nuit sa seule frayeur, il la devait à la réglementation routière britannique.
Comme il prenait son imperméable après le dîner, un journal tomba de sa poche.
— Regardez — comme c’est drôle — le Paris-Soir du jour en France occupée vous est servi en Angleterre !
— Formidable ! s’exclama le commandant de la base. Je veillerai à ce que ce journal soit sur la table au breakfast de Sa Majesté. J’imagine sa surprise !
Dans l'état-major du commandant en chef polonais, il est présenté au général Sikorski qui le décore de l'ordre militaire Virtuti Militari, classe V. Il y rencontre également le colonel Stanisław Gano, le chef du 2e bureau polonais et des représentants des services de renseignement britanniques. Il rentre en France le , déposé près de Tours.
Le , le contre-espionnage allemand tombe sur la trace d'Armand et le Czerniawski est arrêté. Renée Borni et Mathilde Carré sont également emprisonnées. Mathilde accepte de collaborer et révèle aux Allemands la cache contenant des dossiers personnels des membres du réseau et des copies des documents envoyés à Londres. Les Allemands sont si étonnés de l'exactitude des renseignements qu'ils organisèrent une exposition de ces documents afin que les employés d'Abwehr puissent en prendre connaissance.
Les Allemands veulent retourner Armand aussi. Le colonel Oscar Reile, le chef de l’Abwehr à Paris, lui rend visite en prison à plusieurs reprises et lui propose de coopérer. Finalement Czerniawski accepte en échange de la garantie que les 64 membres de son réseau arrêtés ne seront pas fusillés mais traités en prisonniers de guerre. Avec l'accord de l'amiral Wilhelm Canaris, le , Armand devient agent de l’Abwehr sous le pseudo d’Hubert et met au point avec Oscar Reile les conditions de sa libération et de sa (supposée) future coopération.
[Source : L’Espion qui trompa Hitler, interview de Roman Czerniawski recueillie par Michel Leclercq, Paris-Match, n° 1872, 12 avril 1985.]
On était déjà en été. Le 14 juillet n'était pas loin. Ce jour-là, il y a toujours beaucoup de monde dans les rues de Paris. Je proposai qu'on en profite pour faire semblant de me transférer de Fresnes vers l’avenue Foch, dans l'immeuble tristement célèbre de la Gestapo, sous prétexte de m'y interroger : il suffirait d'organiser en cours de route un petit accrochage avec une autre voiture, et j’en profiterais pour me fondre dans la foule. Ce plan fut accepté et organisé dans ses moindres détails. En arrivant sur le boulevard Saint-Germain, ma voiture aurait à remonter une colonne de soldats allemands, défilant dans le même sens sur le boulevard. À ce moment, ma voiture se heurterait à une autre voiture allemande, placée en travers de la circulation : profitant de la confusion, je ferais une sortie que mes gardiens se garderaient bien d'empêcher, et je n'aurais plus qu'à traverser le défilé de soldats pour me mettre à l'abri de toute poursuite. Tout le monde sait que, lorsque les soldats (surtout allemands), marchent au pas, rien ne peut leur faire rompre les rangs, fût-ce pour se mettre à la poursuite d'un évadé.
À mes yeux, cette mise en scène était extrêmement importante, afin de créer une atmosphère favorable à mes projets, chez les Allemands, comme chez les Anglais.
Arrive donc le 14 juillet 1942. À l’heure dite. la voiture vient me chercher. Nous roulons jusqu’au boulevard Saint-Germain, nous rencontrons le défilé prévu et l’autre voiture apparaît. Le moment est venu.
Mais que se passe-t-il ? Ma voiture évite l’obstacle sans s’arrêter, et nous continuons notre route jusqu’à la place de l’Étoile, l’avenue Foch, le n° 84. Nous entrons dans l'immeuble de la Gestapo. Au second étage, le colonel Reile est là, tout souriant, pour m'accueillir.
Évidemment, je suis furieux. Je crois que tout est perdu. Mais Reile me rassure aussitôt. Non rien n'est perdu. Au contraire ! Seulement, il a renoncé au dernier moment à notre plan d'évasion, car il l'a jugé trop risqué pour moi. Une autre évasion a bien eu lieu à l'endroit prévu, ce matin même, selon le même scénario : mais c'est un résistant français qui en a profité. Les Allemands vont annoncer qu'un dangereux terroriste s’est échappé : je n’aurai qu’à prétendre que je suis cet évadé, personne n'aura jamais l’idée de faire la différence !
[…] c'est à ce moment que nous avons mis au point, avec Reile, les derniers détails concernant notre collaboration : fréquences radio, codes secrets, etc. Je lui ai aussi demandé des détails sur le sort de mes 64 compagnons, et il m'a rassuré : ils étaient bien traités, et ils le seraient tant que je remplirais ma part du contrat. Tous ces otages pour garantir ma loyauté ! Jamais, jusqu'à la fin de la guerre, je ne pourrais oublier que le sort de ces gens si courageux était entre mes mains.
Reile voulait aussi me donner les moyens de rejoindre facilement l'Angleterre. Mais je préférai me débrouiller tout seul. Et c'est ainsi que, par mes propres moyens, j'allai franchir la ligne de démarcation, puis rejoindre les Pyrénées, que je traversai par l’Andorre. Un voyage extrêmement fatigant ! Après quoi, j’allai jusqu’à Madrid, où je me présentai à l’ambassade britannique : « Je suis Armand, du réseau Interallié. J’ai réussi à échapper à la Gestapo. Aidez-moi à rejoindre l’Angleterre ! » Peu de temps après, via Gibraltar, un avion m’emmenait à Londres.
À Londres, Czerniawski est d'abord interrogé par le MI5. Il justifie sa présence en Angleterre par la version convenue avec les Allemands (celle de l’évasion du lors d’un accident de la circulation). Les Britanniques le remettent aux Polonais qui le soumettent à un interrogatoire serré de nouveau. Il finit par obtenir un rendez-vous avec le colonel Gano à qui il révèle son accord avec l’Abwehr pour espionner en Angleterre. Il lui expose aussi son projet d'utiliser sa nouvelle couverture pour manipuler à son tour les Allemands. Mis au courant, le général Sikorski marque son intérêt pour le projet de Czerniawski, sans vouloir prendre la responsabilité de le piloter. Ainsi, Czerniawski, « Hubert » pour les Allemands, est mis à la disposition des Britanniques et devient agent du Système Double Cross sous le pseudo de « Brutus ». Mis à part le colonel Gano et le général Sikorski, aucun Polonais n'est au courant du rôle qu’il joue ainsi pendant près de deux ans. Plus tard, les Britanniques le nomment officier de liaison auprès du général Bradley, puis du général Eisenhower.[réf. nécessaire]
Les premiers messages d’Hubert parviennent aux Allemands en , et il acquiert rapidement leur confiance. Il agit d’abord dans le cadre de l’opération Starkey qui cherche à faire croire aux Allemands à un débarquement des Alliés dans le Pas-de-Calais, prétendument planifié pour le . Le but visé est de les conduire à y maintenir stérilement quelques divisions à l’ouest et d’empêcher le déplacement et l’engagement de ces divisions sur le front russe.
À partir du , Czerniawski est engagé dans l’opération Fortitude ainsi que l'opération Bodyguard qui visent à induire en erreur les services de renseignement allemands quant au lieu et la date du débarquement allié. Il accrédite l’idée que le premier débarquement est un leurre et que le véritable doit avoir lieu plus tard, dans la région du Pas-de-Calais. Hitler y croit et refuse de former des groupes de retraite. Les divergences révélées dans ces rapports par les Allemands, Brutus les explique par les frictions entre les Alliés. Il envoie son dernier message d'adieu après la traversée du Rhin par les troupes alliées. Le colonel Reile écrira plus tard dans ses mémoires que Berlin croyait en Hubert et n'en douta pas jusqu'à la fin de la guerre.
Après la guerre, Roman Czerniawski reste en exil et fait partie d'un groupe qui deviendra plus tard l'Association polonaise des aviateurs en Grande-Bretagne.
Il meurt le à Londres, à l'âge de 75 ans et il est enterré au cimetière des aviateurs polonais à Newark-on-Trent.
Publications
[modifier | modifier le code]- (en) Roman Garby-Czerniawski, The Big Network, London, George Ronald, 1961.
- Dépositions du capitaine Czerniawski des 18, 19 et à Londres, PISM (Polish Institute and Sikorski Museum, Londres), cote Kol 96/27.
- L’Espion qui trompa Hitler, interview de Roman Czerniawski recueillie par Michel Leclercq, Paris-Match, no 1872 .
Décorations
[modifier | modifier le code]- Pologne : Ordre militaire de Virtuti Militari.
Identités
[modifier | modifier le code]- Réseau INTERALLIÉ :
- Fausse identité : Armand Borni (identité du mari décédé de Renée Borni), d’où le pseudo « Armand » fréquemment employé ; Juan Garancia Luengo (faux papiers pour passer en Espagne)
- Pseudo : Walenty (ou Valenty, ou Valentin)
- Comme agent double en Angleterre :
- Pour les Britanniques (MI-5) : Brutus
- Pour les Allemands (Abwehr) : Hubert
Sources
[modifier | modifier le code]- Janusz Piekałkiewicz, Les grandes réussites de l’espionnage, traduit de l’allemand par M. Œuvrard, Librairie Arthème Fayard et Paris-Match, 1971.
- Hugh Verity, Nous atterrissions de nuit… (préface de Jacques Mallet), 5e édition française, Éditions Vario, 2004, (ISBN 2-913663-10-9).
- Jean Medrala, Les Réseaux de renseignements franco-polonais 1940-1944. Réseau F, Marine, Famille-Interallié, Réseau F2, Étoile, PSW-Afrique, Enigma-équipe 300, Suisse3, L’Harmattan, 2005 (ISBN 2-7475-8157-8 et 978-2-7475-8157-8).
- La Résistance polonaise en France, DVD édité par l'AERI et la Société Historique et Littéraire Polonaise sous la coordination de Jean Medrala (ISBN 978-2-915742-29-9).
- Ben Macintyre, Les Espions du Débarquement, Ixelles Editions (ISBN 978-2-87515-153-7).
- Borowiak J., Armad-Brutus [w:] Rzeczpospolita Podchorążacka 3/2002
- Czerniawski R., Historia "Marsza Lotników" [w:] Gapa 14 (2/2015)
- Pawlak J., Absolwenci Szkoły Orląt, Wydawnictwo Retro-Art, Warszawa, 2002
- Pepłoński A., Wywiad Polskich Sił Zbrojnych na Zachodzie 1939-1945, Agencja Wydawnicza Jerzy Mostowski, Warszawa, 1995
- Śliżewski G., "Turyści Sikorskiego", czyli kurs na zachód [w:] Za linią wroga, Wydawnictwo Gretza, Warszawa, 2015
Notes
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Liens externes
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