Spaghettification

Effet de marée : Effets sur un corps sphérique dans un champ de gravitation produit par une source à droite (ou à gauche) du diagramme. Des flèches plus longues indiquent des forces plus fortes.

En astrophysique, la spaghettification (parfois appelé l'effet de nouilles[1]) est l'allongement d'un corps sous l'effet des forces de marées gravitationnelles lorsque celui-ci est plongé dans un trou noir. Cet étirement vertical des objets en formes minces et longues (un peu comme des spaghettis) dans un fort champ gravitationnel résulte d'une force de marée intense. Dans les cas extrêmes, près d'un trou noir, l'étirement est si puissant qu'aucun objet ne peut lui résister, quelle que soit la cohésion de ses composantes. Dans une petite région, la compression horizontale équilibre l'étirement vertical, de sorte que de petits objets spaghettifiés n'éprouvent aucun changement net du volume.

Dans son livre de 1988 Une brève histoire du temps[2], Stephen Hawking décrit le vol fictif d'un astronaute qui, passant dans l'horizon des événements d'un trou noir, est « étiré comme des spaghettis » par le gradient de gravité (différence de forces) de la tête aux pieds. Cependant, le terme spaghettification a été établi bien avant ceci ; Nigel Calder, par exemple, l'utilise en 1977 dans son livre The Key to the Universe[3], repris dans le documentaire télé de la BBC : The Key to the Universe.

Exemple simple

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Explication de la spaghettification.

Les quatre objets suivent les lignes du champ gravitationnel[4], attirés vers le centre du corps céleste. Conformément à la loi inversement proportionnelle au carré de la distance, le plus bas des quatre objets éprouve la plus grande accélération de gravitation, de sorte que la formation entière s'étire comme un filament. Imaginez maintenant que les gouttes vertes dans le diagramme soient des parties d'un objet plus important. Un objet rigide résistera au développement d'une déformation élastique interne comme un corps solide pour équilibrer les forces de marée, maintenant un équilibre mécanique. Si les forces de marée sont trop importantes, le corps peut céder et se déformer plastiquement avant que les forces de la marée ne puissent être équilibrées ou contrées.

Exemples de faible et forte force de marée

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Dans un champ de gravité dû à une masse ponctuelle ou sphérique, pour une corde uniforme ou une tige orientée dans la direction de la gravité, la tension au centre est déterminée par la force de marée du centre à ses extrémités (voir magnitude de la force de marée). Ceci donne , où :

Pour des objets non uniformes, la tension « étirante » est d'autant plus petite que leur masse est près du centre, et jusqu'à deux fois plus importante si la masse est aux extrémités. De plus, il y a une force compressive horizontale vers le centre. Pour les corps massifs avec une surface, la force de tension est plus grande près de la surface et cette valeur maximale dépend seulement de l'objet et la densité moyenne du corps massif (tant que l'objet reste petit par rapport au corps massif). Par exemple, pour une corde avec une masse de 1 kg et une longueur de 1 m et un corps massif avec la densité moyenne de la Terre, cette force extensible maximale en raison de la force de la marée est seulement de 0,4 µN.

En raison de la haute densité d'une naine blanche, sa force de marée près de la surface est beaucoup plus forte, causant dans l'exemple ci-dessus une tension maximale jusqu'à 0,24 N. Près d'une étoile à neutrons les forces de marée sont aussi beaucoup plus fortes : si la corde est soumise à une tension de 10 000 N et chute vers une étoile à neutrons de 2,1 masses solaires, à proximité elle se déliterait, et se casserait à distance de 190 km du centre, bien au-dessus de la surface (le rayon moyen d’une étoile à neutrons est d'environ 12 km)[note 1].

Aussi les objets du cas précédent seraient en réalité détruits par la chaleur, et non par les forces de marée, près d'un trou noir (on n'y suppose aucune matière à proximité) les objets seraient véritablement disloqués par les forces de la marée, parce qu'il n'y a aucune radiation. De plus, un trou noir n'a aucune surface pour stopper leur chute. Quand un objet est happé par un trou noir, l'augmentation de forces de marée est infinie, rien ne peut donc leur résister. Ainsi, l'objet happé est étiré en une bande mince de matière. Près de la singularité les forces de marée cassent même les molécules.

À l'intérieur ou l'extérieur de l'horizon des évènements

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Le point auquel les forces de marée détruisent un objet ou tuent une personne dépend de la taille du trou noir. Pour un trou noir supermassif, comme ceux trouvés au centre d'une galaxie, ce point peut nous induire en erreur quant à l'horizon des évènements, un astronaute peut passer cet horizon sans remarquer aucune perturbation et s'en tirer provisoirement, c'est seulement une question de temps, parce qu'une fois à l'intérieur d'un horizon d’évènement, tomber vers le centre est inexorable. Pour de petits trous noirs dont le rayon de Schwarzschild est beaucoup plus proche de la singularité, les forces de la marée tueraient même avant que l'astronaute n'atteigne l'horizon des évènements[5],[6]. Par exemple, pour un trou noir de 10 masses solaires[note 2] et la corde mentionnée ci-dessus à la distance de 1 000 km, la force d'étirement à mi-corde est 325 N. Elle se rompra à 320 km, bien à l'extérieur du rayon Schwarzschild de 30 km. Pour un trou noir de 10 000 masses solaires, elle se rompra à 3 200 km, bien à l'intérieur du rayon de Schwarzschild de 30 000 km.

Notes et références

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  1. Pour une corde du même type de 8 m, donc d'une masse de 8 kg, toutes choses égales par ailleurs, cette distance de rupture se situerait quatre fois plus haut.
  2. Le trou noir le plus petit qui peut être formé par des processus naturels de l'univers (aux connaissances actuelles) n'aurait que deux fois la masse du Soleil.

Références

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  1. (en) J. Craig Wheeler, Cosmic catastrophes : exploding stars, black holes, and mapping the universe : 2nd edition, Cambridge, Cambridge University Press, , 356 p. (ISBN 978-0-521-85714-7, lire en ligne), p. 182.
  2. Stephen Hawking, Une brève histoire du temps : Du Big Bang aux trous noirs, Paris, Flammarion, 1988 / 1989, 236 p. (ISBN 978-2-08-211182-9 et 2-08-211182-2).
  3. (en) Nigel Calder, The Key to the Universe : A Report on the New Physics, Penguin, 1977 / 1981, 199 p. (ISBN 978-0-14-005065-3 et 0-14-005065-5).
  4. (en) Thorne, Kip S. ♦ Gravitomagnetism, Jets in Quasars, and the Stanford Gyroscope Experiment From the book "Near Zero: New Frontiers of Physics" (eds. J.D. Fairbank, B.S. Deaver, Jr., C.W.F. Everitt, P.F. Michelson), W.H. Freeman and Company, New York, 1988, p. 3, 4 (575, 576) ♦ "From our electrodynamical experience we can infer immediately that any rotating spherical body (e.g., the sun or the earth) will be surrounded by a radial gravitoelectric (Newtonian) field g and a dipolar gravitomagnetic field H. The gravitoelectric monopole moment is the body's mass M; the gravitomagnetic dipole moment is its spin angular momentum S." [lire en ligne].
  5. Michael Paul Hobson, George Efstathiou et Anthony N. Lasenby (trad. de l'anglais), Relativité générale : une introduction pour les physiciens, Bruxelles/Paris, DE BOECK / Cambridge University Press, 2010 / 2006, 554 p. (ISBN 978-2-8041-0126-8, lire en ligne).
  6. (en) Marc Leslie Kutner, Astronomy : a physical perspective, Cambridge, Cambridge University Press, , 2e éd., 582 p., poche (ISBN 978-0-521-52927-3, lire en ligne), p. 150, Chapter 8, p. 150.

Explication mathématique très simplifiée

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Cela montrera que la force de marée entraîne une augmentation de la spaghettification si :

  • l'augmentation de la masse est importante ;
  • la longueur de l'objet tombant dans le sens des accélérations augmente. En d'autres termes, la force de marée est un problème plus important pour les objets de grande taille que pour les petits ;
  • l'objet qui tombe est plus proche de la masse importante.

L'approfondissement et la démonstration nécessitent un calcul différentiel pour les deux dernières assertions. Et l'étude secondaire algébrique suffit à expliquer ces principes.

Loi de Newton sur la gravitation spécifie que : où :

  • F est la force de la force de gravitation entre deux objets,
  • G est la constante de gravitation, (*)
  • M est la masse de l'objet le plus gros ici,
  • m est la masse de l'objet le plus petit ici,
  • R est la distance entre les deux objets.

Maintenant, calculons la différence entre les forces gravitationnelles sur les parties d'un objet qui tombe, de la plus proche à la plus éloignée d'un trou noir. Cela signifie que nous devons calculer la force gravitationnelle sur chacune des deux parties. Donc nous avons besoin de définir des modèles pour toutes les variables dans le calcul. Pour simplifier, nous allons imaginer que ces deux parties de l'objet qui tombe ont les mêmes taille et masse.

Nous allons maintenant faire deux copies de l'équation de Newton pour chacune des parties de l'objet qui tombe :

(*)

(*)

(*) L'accélération gravitationnelle G n'est pas constante dans ce cas de figure, et est fonction de , mais ceci ne fait qu'augmenter le phénomène d'un facteur carré à cube - Si la distance entre les masses est divisée par 2, G est multiplié par 4 et la force de marée par 8, et si cette distance est divisée par 10, G est multiplié par 100 et la force de marée par 1000. Néanmoins pour simplifier nous considérerons G comme constant, et l'influence de la distance suffit déjà à la démonstration ainsi.

La tension entre la plus proche et la plus éloignée des parties serait donc ainsi simplifiée :

que nous pouvons remanier sous une forme plus abordable :

Donc, la tension en vigueur, à savoir la force de marée, devient plus importante :

  • si la masse importante M augmente : les trous noirs ont des masses énormes, de sorte que la force de marée y est très forte ;
  • si la valeur de 1 / Rn² - 1 / (Rn + x)² augmente.

Il est évident que 1 / Rn² - 1 / (Rn + x)² augmente si x augmente, car une augmentation de x rend 1 / (Rn + x)² plus petit. En d'autres termes, la tension augmente si la longueur du corps augmente.

Il est aussi évident que si Rn diminue 1 / Rn² - 1 / (Rn + x)² augmente alors. Dans le cas extrême où Rn est égal à zéro (lorsque la partie la plus proche de l'objet frappe la singularité), la valeur de 1 / Rn² devient infinie alors que la valeur de 1 / (Rn + x)² est toujours finie. Ainsi, la force de marée qui provoque la spaghettification se renforce d'autant plus rapidement que l'objet tombe près de la singularité.

N.B. : Aussi, pour être complet, il faudrait intégrer l'augmentation de G dans le phénomène, le rapprochement affineur des bords de l'objet, qui augmentent tous deux sa dynamique. Mais surtout l'augmentation de la vitesse de l'objet à l'approche du trou noir due à une augmentation de G phénoménale, et des distorsions de masse et de temps induites alors dans le phénomène. Ce calcul très simplifié n'aborde qu'un aspect du problème, qui comporte de nombreuses intrications.

Bibliographie

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Liens externes

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Articles connexes

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