Vénus anadyomène (Rimbaud)

Vénus anadyomène
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Vénus anadyomène est un sonnet d'Arthur Rimbaud, daté dans son premier manuscrit connu du 27 juillet 1870. Il fait partie des vingt-deux poèmes remis par Rimbaud à son ami Paul Demeny à Douai. Le poème est porté à la connaissance du public en 1891 dans le volume Reliquaire.

Le poème reprend le thème antique de la naissance de Vénus, mais d’une manière qu'on peut qualifier « d’originale, de corporelle, de sexuelle ». Extrêmement provocateur, le poème décrit minutieusement, à la manière d'un blason, de la tête à l'anus, une femme ― généralement associée à une prostituée ―, alors qu'elle sort de son bain. Celle-ci est tatouée avec l'inscription latine « CLARA VENUS ».

Le poème a fait l'objet de multiples interprétations parfois contradictoires.

Le premier manuscrit du poème, donné à Georges Izambard, est du 27 juillet 1870[a],[2].

Un deuxième manuscrit a été confié à Paul Demeny en octobre 1870[b].

On observe quelques variations entre les deux manuscrits : les vers 7 et 8 sont intervertis[1], et les trois points de suspension à la fin du onzième vers deviennent six dans le manuscrit Demeny[2].

Thème et style

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Le poème reprend le thème antique de la naissance de Vénus, mais d’une manière qu'on peut qualifier « d’originale, de corporelle, de sexuelle », selon les mots de Yann Vuillet[3]. Pour Steve Murphy, c'est « incontestablement l'un des poèmes les plus provocateurs de la langue française[2] ».

Pour Michaël Riffaterre, le poème répond à un principe d'inversion. Le poème, qu'il identifie formellement à un contre-blason, reprend les codes stéréotypés d'un éloge à Vénus mais en renversant péjorativement chaque terme[4] :

« Je propose de voir dans le poème une laus Veneris inverse, construite a contrario. Il doit se lire comme décrivant un modèle idéal du Beau féminin. Le tableau se déroule d’un détail à l'autre dans l’ordre stéréotypé des nus littéraires (c’est aussi l'ordre dans lequel les parties du corps sortent de l'eau). Avec cette différence qu'ici chaque détail est affecté d'un signe moins »

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Inspiration artistique

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Une femme représentant la désse Vénus se tient debout, nue, dans une immense coquille Saint-Jacques, flottant sur la mer. La déesse cache son sexe avec sa chevelure de sa main gauche, et sa poitrine de sa main droite. À gauche, deux personnages ailés soufflent sur la déesse en s'enlaçant. À droite, sur le rivage, un personnage féminin, s'approche de la déesse en portant un grand drap rouge à motifs noirs
Pour Steve Murphy, «La Naissance de Vénus de Botticelli est suffisamment célèbre pour constituer un point de référence inéluctable du poème, sinon sur le plan de la composition du texte, du moins dans l'esprit du lecteur[2] ».

Plusieurs tableaux peuvent avoir inspiré Rimbaud pour ce poème, parmi lesquels La Naissance de Vénus de Botticelli[5], ou le tableau du même nom de William Bouguereau[2].

Pour Steve Murphy, même si la célébrité du tableau de Botticelli en fait « un point de référence inéluctable du poème, sinon sur le plan de la composition du texte, du moins dans l'esprit du lecteur », il faut moins voir dans le poème de Rimbaud une transposition de tel ou tel tableau spécifique, que la parodie d'un topos artistique : c'est non seulement toute la veine des tableaux représentant Vénus sortant des eaux, mais également tout « un genre consacré aux Vénus, aux baigneuses, aux Suzanne au bain », que le poète prend pour cible[2].

Interprétations

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Pour Jacques Plessen, le poème est animé par une « misogynie rancunière » : Rimbaud y salit l'image de la femme « pour se punir » d'avoir cru, plus jeune, aux pouvoirs rédempteurs de l'amour et de la déesse Vénus, au temps où il écrivait « Soleil et Chair »[6]. Marcel Ruff livre une interprétation similaire : pour lui, le poème est une « réplique rageuse » aux « poèmes de printemps », « une véritable palinodie »[7].

Pour Steve Murphy, ces remarques sont emblématiques de ce qu'il appelle l'« interprétation traditionnelle » du poème, et qu'il conteste. Celle-ci, cherchant à situer le poème dans l'évolution psychologique de son auteur, oppose Vénus Anadyomène à Credo in unam. Celui-ci serait l’œuvre d'un parnassien jeune et naïf faisant l'éloge de la femme et de la beauté idéale, tandis que Vénus anadyomène serait une réponse misogyne, vengeuse et désillusionnée, motivée par des déceptions sentimentales ou sexuelles vécues entre-temps par Rimbaud. Murphy, au contraire, envisage que le poème soit, non « une façon pour le poète de cracher sur le corps de la femme, mais d'évoquer au contraire la souillure de la femme prolétarienne par l'homme »[2].

Notes et références

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  1. Ce manuscrit appartient aujourd'hui à une collection particulière, un fac-similé se trouve dans le catalogue de vente Guérin du 17 novembre 1998[1]
  2. Ce manuscrit est conservé à la British Library, collection Zweig, n°181[1]

Références

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Sur les autres projets Wikimedia :

  1. a b et c « Vénus anadyomène », sur Arthur-Rimbaud.site (consulté le )
  2. a b c d e f et g Murphy 1991.
  3. Vuillet 2018.
  4. Riffaterre 1979, p. 94.
  5. Michael Riffaterre, La Production du texte, Paris, Seuil,
  6. Jacques Plessen, Promenade et poésie: l’expérience de la marche et du mouvement dans l’œuvre de Rimbaud, Mouton, (ISBN 978-3111264288, DOI https://doi.org/10.1515/9783111647524), p. 37
  7. Marcel Ruff, Rimbaud, Paris, Hatier, coll. « Connaissance des lettres », , p. 39

Bibliographie

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Source primaire

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  • Arthur Rimbaud, « Vénus anadyomène », dans Reliquaire, poésies, Paris, L. Genonceaux, (lire en ligne), p. 7-8

Bibliographie critique

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  • Marc Ascione, « Hypothèses sur quelques détails de sens », Cahier, Charleville-Mézières, Centre culturel Arthur-Rimbaud, no 9,‎ , p. 22-34.
  • Pierre Brunel, « Le motif mythologique de Vénus dans l'œuvre de Rimbaud », Parade sauvage, no 3 « Rimbaud, cent ans après »,‎ , p. 2-15
  • Steve Murphy, « Exposition universelle : Vénus Anadyomène », dans Le Premier Rimbaud, Presses universitaires de Lyon, (DOI https://doi.org/10.4000/books.pul.1653), p. 189-218
  • Steve Murphy, « Références complémentaires pour une blague latinisante de Vénus anadyomène », Parade sauvage, Garnier, no 34,‎ , p. 417-422 (JSTOR 27325349)
  • Yann Vuillet, « Un poème entre réfractions littéraires et scolaires », Pratiques, nos 179-180,‎ (DOI doi.org/10.4000/pratiques.5170)
  • (en) Seth Whidden, « Rimbaud Writing on the Body: Anti-Parnassian Movement and Æsthetics in Vénus Anadyomène », Nineteenth-Century French Studie 27, nos 3-4,‎ , p. 333–45 (JSTOR 23537387).

Liens externes

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