Concentration micellaire critique

En chimie, la concentration micellaire critique (CMC) est la concentration en tensioactif[1] dans un milieu au-dessus de laquelle des micelles se forment spontanément[2], dans un modèle d'association fermé. C'est une caractéristique importante d'un tensioactif pur en solution[3].

Définitions

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La propriété principale des tensioactifs est de pouvoir s'auto-organiser[4]. Cette tendance est d'habitude caractérisée par la concentration micellaire critique (CMC)[3],[5]. En dessous de la CMC, le tensioactif forme une couche en surface du liquide et le reste est dispersé dans la solution. Lorsqu'on augmente la quantité de tensioactif, sa concentration augmente de manière proportionnelle jusqu'à atteindre une valeur limite: la CMC. À partir de cette dernière le tensioactif ajouté forme des micelles sphériques[3],[6]Les micelles peuvent ne pas être purement sphériques et on se place dans l'hypothèse où la température de Krafft est atteinte. La CMC est donc la concentration totale en tensioactif pour laquelle un nombre constant et petit de molécules de surfactant sont sous forme agrégées, selon Corin[7]. Il existe d'autres manières de définir cette concentration. C'est également la concentration de tensioactif libre en solution en équilibre avec du tensioactif sous forme agrégé (concentration maximale)[3].

William l'a posée comme étant la concentration de tensioactif en solution telle que lorsqu'on représente l'évolution d'une propriété en fonction de cette concentration, les tangentes avant et après la CMC se coupent[7].

Selon Phillips[7], si C = CMC, alors avec:

Ct: concentration totale
a, b: constantes proportionnelles

Selon la géométrie des molécules de tensioactif et leur environnement, il peut y avoir une deuxième et une troisième concentration critique[3]. À la CMC 2, l'agrégation se fait sous forme de cylindres allongés et à la CMC 3 ces derniers s'empilent pour former des lamelles[8].

Paramètres influençant la CMC

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Longueur de chaîne

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À même tête polaire et dans les mêmes conditions, un tensioactif avec une plus grande chaîne alkyle (queue hydrophobe) aura une CMC plus faible. Selon Klevens (1953), la relation empirique suivante relie le nombre d'atomes de carbone de la chaîne hydrophobe (N) à la CMC[9]: . A et B sont deux constantes qui varient avec certains paramètres, B est positif.

Influence de la tête hydrophile

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En général, la CMC des tensioactifs ioniques est plus grande que celles des tensioactifs non ioniques.

Point de Krafft

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La température de Krafft, ou point de Krafft, est la température à laquelle la concentration micellaire critique est égale à la limite de solubilité.

Les tensioactifs ioniques présentent généralement un point de Krafft, mais pas tous[10]. La CMC augmente avec la température mais si la température est trop basse, un tensioactif possédant une température de Krafft ne forme plus de micelles, même au-dessus de la CMC. En dessous de la température de Krafft, le tensioactif précipite au lieu de former des micelles.

Les tensioactifs non ioniques de type alcools éthoxylés présentent un point trouble, cette fois ci par augmentation de la température. Il y a démixtion à température trop importante.

Certains tensioactifs non ioniques peuvent également présenter un point de Krafft, qu'il s'agisse d'alcools éthoxylés[11], ou même d'alkylpolyglycosides[12].

Effet de sel

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L'ajout de sel (augmentation de force ionique) dans le milieu écrante les charges d'un tensioactif ionique et la micellisation survient plus tôt (diminution de la CMC).

Détermination de la CMC

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La valeur de la concentration micellaire critique dans un milieu donné dépend notamment de paramètres physicochimiques (T, pH, I) et de facteurs géométriques, comme le rapport entre la surface des têtes polaires des molécules de tensioactif et de la longueur des queues hydrophobes. Il est souvent utile de connaître la valeur de la CMC pour un tensioactif donné et dans des conditions déterminées. La présence de micelles peut ainsi avoir des conséquences en encapsulant des molécules hydrophobes, ce qui diminue la concentration de ces dernières, donc leur effet[3].

De nombreuses propriétés des solutions micellaires changent de manière brutale à la CMC[13], ce qui est une raison de plus pour chercher à la connaître, tout en étant un moyen d'y arriver. En effet des grandeurs comme la tension de surface[14], la conductivité électrique (pour un tensioactif chargé), la pression osmotique, la diffusion de la lumière (turbidité)[15] peuvent être mesurées en fonction de la quantité de tensioactif ajouté et varient différemment avant et après la CMC[13].

Suivant la propriété mesurée et la définition retenue, la CMC obtenue varie dans une plage restreinte dans un milieu donné[7].

La concentration micellaire critique peut être déterminée selon plusieurs normes[16],[17],[18],[19].

Exemples de CMC

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Tensioactifs CMC dans l'eau à 25 °C (mM)[20]
SDS 7-10
CTAB 1
TTAB 4-5
TWEEN 80 0.012

Notes et références

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  1. Les copolymères à bloc amphiphiles possèdent eux aussi une CMC, généralement plus faible pour les tensioactifs.
  2. On parle de manière analogue de concentration vésiculaire critique s'il se forme des vésicules.
  3. a b c d e et f Yuzhuo Li, Microelectronic applications of chemical mechanical planarization, Wiley-Interscience, , 734 p. (ISBN 978-0-471-71919-9 et 0-471-71919-6, lire en ligne).
  4. le moteur de la micellisation est le gain de solubilité.
  5. D'autres caractéristiques importantes sont la HLB et la taille des micelles et le nombre d'agrégation par exemple.
  6. Si le tensioactif est ajouté en très grande quantité, de la gélification peut survenir.
  7. a b c et d (en) Yoshikiyo Moroi, Micelles : theoretical and applied aspects, New York/London, Springer, , 252 p. (ISBN 0-306-43996-4 et 9780306439964, lire en ligne).
  8. D'autres phases sont possibles lorsque la concentration et la température varient.
  9. Milton J. Rosen, Surfactants and interfacial phenomena, John Wiley and Sons, , 444 p. (ISBN 0-471-47818-0 et 9780471478188).
  10. (en) H. Schott, « Krafft Points and Cloud Points of Polyoxyethylated Nonionic Surfactants, Tenside Surfactants Detergents », vol. 42, no 6, 2005, p. 356-367.
  11. (en) H. Schott, « Krafft Points and Cloud Points of Polyoxyethylated Nonionic Surfactants, Tenside Surfactants Detergents », vol. 46, no 1, 2009, p. 39-47.
  12. (en) H Shinoyama, Y Gama, H Nakahara, Y Ishigami, T Yasui, « Surface active properties of heptyl β-xyloside synthesized by utilizing the transxylosyl activity of β-xylosidase »,Bull Chem Soc Jpn, 64 (1991), p. 29–292.
  13. a et b Erik Kissa, Fluorinated surfactants and repellents, CRC Press, , 615 p. (ISBN 0-8247-0472-X et 9780824704728, lire en ligne).
  14. la micellisation est un phénomène volumique qui a lieu indépendamment de la présence ou non d'une interface.
  15. Jean Charvolin, L'architecture de la matiere molle, Belin, 2008.
  16. NF T73-411 Mars 1980, Agents de surface - Anioniques et non-ioniques - Détermination de la concentration critique pour la formation de micelles - Méthode par mesurage de la tension superficielle à la lame, à l'étrier ou à l'anneau.
  17. NF T73-414 Août 1983, Agents de surface - Cationiques (chlorhydrates et bromhydrates) - Détermination de la concentration critique pour la formation de micelles - Méthode par mesurage de l'activité de l'ion contraire.
  18. ISO 4311:1979 Juin 1979, Agents de surface anioniques et non-ioniques. Détermination de la concentration critique pour la formation de micelles. Méthode par mesurage de la tension superficielle à la lame, à l'étrier ou à l'anneau.
  19. ISO 6840:1982 Octobre 1982, Agents de surface cationiques (chlorhydrates et bromhydrates). Détermination de la concentration critique pour la formation de micelles. Méthode par mesurage de l'activité de l'ion contraire.
  20. Table de CMC.