Un flux neutronique désigne une densité volumique de neutrons ayant la même vitesse, multipliée par cette vitesse : Φ = n • v . Il caractérise l'interactivité de la population des neutrons en déplacement avec les atomes du milieu. Une population de densité n / 2 se déplaçant à la vitesse v aura la même interactivité avec les atomes du milieu qu'une population de densité n allant à la vitesse v / 2. Il se mesure en m−2 s−1. L'unité pratique est le neutron par centimètre carré et par seconde, n cm−2 s−1.
La probabilité d'interaction d'un neutron varie en fonction de sa vitesse, c'est-à-dire de son énergie. Par exemple, un neutron lent a beaucoup plus de chance de provoquer une réaction de fission nucléaire qu'un neutron rapide. C'est la raison pour laquelle, en neutronique, on s'intéresse à des populations de neutrons ayant la même vitesse c'est-à-dire la même énergie. La probabilité d'interaction des neutrons de vitesse donnée avec les noyaux du milieu est caractérisée par la section efficace.
Un assemblage juste critique présente un flux neutronique faible, de l'ordre de 106 à 108 n cm−2 s−1. Ces flux correspondent à une puissance de l'ordre de quelques watts, qui peut être dissipée par convection naturelle.
Des réacteurs de recherche « froids » à haut flux, de type piscine, ont un flux neutronique de l'ordre de 1013 n cm−2 s−1, comparable à celui d'un réacteur de puissance.
Le flux neutronique dans un réacteur est de l'ordre de 1015 n cm−2 s−1 en neutrons rapides[1], et de l'ordre de 1014 n cm−2 s−1 en neutrons thermiques.
Le « gaz » de neutrons formé dans un réacteur a une concentration inférieure de plusieurs ordres à celle des molécules d'un gaz aux conditions normales ; rapport supérieur à 3 × 1012.
La connaissance de la forme et de la valeur du flux de neutrons dans un réacteur est importante car c'est le moyen de connaître la forme et la valeur de la puissance thermique générée localement par les fissions qui est une des grandeurs critiques du dimensionnement du réacteur :
taux de réaction local en (fissions par centimètre cube et par seconde) = (concentration locale des noyaux fissiles en (noyaux par centimètre cube) × section efficace microscopique de fission en centimètres carrés) × (flux neutronique en (neutrons par centimètre carré et par seconde) e
Note[Note 1] Dans le cas typique du réacteur cylindrique (de hauteur H et de rayon R), en régime permanent (z = altitude de puis le plan médian du cœur ; r = distance à l'axe du cœur; λ = distance d'extrapolation[Note 2]) :
Dans le sens axial, la solution est celle d'un cosinus :
Dans le sens radial, la solution est celle d'une fonction de Bessel d'ordre zéro :
2,404 91 est la valeur du 1er zéro de la fonction de Bessel.
D'où la valeur du flux neutronique thermique moyen = Φm = 3,2 × 1013 n cm−2 s−1
Démonstration
En effet, nous pouvons calculer différentes grandeurs grâce aux données pour aboutir au flux.
Les taux de réaction :
- [Nombre de fissions par seconde] = [Puissance thermique] / [Énergie dégagée par une fission] = 2 768×10e6 / 3,0922×10e−11 = 8,950×10e19 fissions/s (dont 7 % de fissions rapides). - [Nombre de fissions thermiques par seconde] = [Nombre de fissions par seconde] / [Facteur de fission thermique] = 8,950×10e19 / 1,07 = 8,365×10e19 fissions thermiques/s. - [Taux de réaction thermique] = [Nombre de fissions thermiques par seconde par unité de volume] = [Nombre de fissions thermiques par seconde] / [Volume du cœur] = 8,365×10e19 / 26,571×10e6 = 3,148×10e12 fissions thermiques par centimètre cube et par seconde.
D'où nous déduisons les productions de neutrons :
- [Nombre de neutrons de fission émis par seconde] = 2,47 • 8,365×10e19 = 2,211×10e20 neutrons/s. - [Nombre de neutrons de fission émis par centimètre cube et par seconde] = 2,211×10e20 / 26,571×10e6 = 8,320×10e12 neutrons par centimètre cube et par seconde ; les neutrons de fission sont émis à une vitesse fortement plus élevée que la vitesse des neutrons thermiques.
Section efficace macroscopique de fission thermique :
- [Masse d’uranium 235] = [Masse d'uranium] x [Enrichissement en 235] = 72 367 • 2,433 % = 1 760,93 kg. - [Nombre de noyaux d’uranium 235] = [Masse d'uranium 235] / [Masse d'un atome d'uranium 235] = 1 760,93 • 1 000 / 235,04393 • NA = 4,512×10e27 atomes. - [Concentration des atomes d’uranium 235] = [Masse d'uranium 235] / [Volume du cœur] = 4,512×10e27 / 26,571×10e6 = 1,698×10e20 atomes par centimètre cube. - [Section efficace macroscopique de fission thermique] = [Section efficace microscopique] x [Concentration des atomes d'uranium 235] = 5,795×10e-22 • 1,698×10e20 = 0,0984 cm−1.
D'où finalement le flux neutronique thermique, en rappelant que :
- [Taux de réaction thermique] = [Section efficace macroscopique] • [Flux neutronique thermique], - [Flux neutronique thermique moyen] = [Taux de réaction thermique] / [Section efficace macroscopique de fission thermique] = 3,148×10e12 / 0,0984 = 3,199×10e13 neutrons par centimètre carré par seconde.
Le flux neutronique est plus élevé au centre du cœur qu'en périphérie. Dans un cœur cylindrique homogène, la forme du flux est celle d'un cosinus tronqué aux frontières du cœur dans le sens axial et d'une fonction de Bessel tronquée aux frontières du cœur dans le sens radial.
L'eau entourant le cœur a un effet réflecteur qui fait que le flux thermique n'est pas nul aux frontières du cœur. Le cosinus ou la fonction de Bessel donnant la forme du flux dans le cœur s'annulent à une distance de 8,27 cm de la frontière du cœur appelée distance d'extrapolation ou économie de réflecteur (notée λ).
Cœur de forme cylindrique à axe vertical
H = hauteur du cœur = 366,0 cm
R = rayon équivalent du cœur = 152,0 cm
C = côté équivalent du cœur = 269,4 cm
λ = économie de réflecteur = Distance d'extrapolation = 8,27 cm
z = altitude depuis le centre du cœur
r = rayon depuis l'axe du cœur (coordonnée polaire)
Le flux est nettement plus élevé au centre du cœur qu'en périphérie. Dans le cas d'un réacteur parallélépipédique si on néglige les effets de bord (λ = 0), le facteur total vaut (π / 2)3 soit 3,8758. En outre, le calcul simple présenté qui suppose un cœur homogène fait abstraction des effets locaux qui déforment le flux, tels que les « lames d'eau » entre assemblages combustibles qui occasionnent une augmentation locale du flux thermique.
Démonstration
Forme axiale du flux :
Flux moyen suivant l'axe vertical = Φm
Φm = Φo • 0,6638
Facteur axial = Flux au centre du cœur / Flux moyen suivant l'axe vertical = 1 / 0,66384 = 1,50639.
Le flux moyen suivant un axe radial est obtenu par intégration de la fonction de Bessel Jo entre 0 et R / (R + λ))= 2,281, d'où Φm = Φo • 0,6426.
Facteur radial = (Flux au centre du cœur / Flux moyen suivant un axe radial) = 1/0,6426 = 1,556.
Flux à la frontière périphérique du cœur = . La valeur du flux à la frontière du cœur dans le sens radial est très voisine de celle dans le sens axial[Note 6].
Remarque : pour appréhender la forme radiale du flux, de façon simpliste, en s'affranchissant du calcul de la fonction de Bessel, il peut être commode de confondre le cœur cylindrique avec un parallélépipède de section carrée[Note 7]. S'il n'y aucune direction particulière préférentielle venant de la forme réelle du cœur, le carré est orienté dans la direction qu'on considère.
Côté équivalent du cœur = C = 269,4 cm.
Flux moyen suivant un des axes du carré :
:.
Flux à la frontière périphérique du cœur : .
Le flux moyen est calculé correctement, en revanche le flux à la frontière du cœur est surestimé par la méthode simpliste.
Concentration des neutrons thermiques = Flux neutronique thermique moyen / Vitesse moyenne du domaine thermique = 3,2 × 1013 / 348 200 = 9,2 × 107 neutrons par centimètre cube
Le flux rapide est environ deux fois plus élevé que le flux thermique. Toutefois, dans l'exemple présenté, la vitesse des neutrons du domaine rapide est plus de 5 000 fois plus élevée que celle du flux thermique. On peut donc voir que la concentration volumique des neutrons rapides est très inférieure à celle des neutrons thermiques.
Démonstration
Domaine rapide
Calcul du flux rapide - 1re Méthode :
Section efficace microscopique de fission de l'uranium 235 par un neutron rapide = 1,3 barn
Section efficace microscopique de fission de l'uranium 238 par un neutron rapide = 0,5 barn
Concentration des atomes d’uranium 235 = 1,6980 × 1020 atomes par centimètre cube
Concentration des atomes d’uranium 238 = (72 367 - 1 760,93) • 1 000 /238,0507826 • NA / 26,571 × 106 = 6,722 × 1021 atomes par centimètre cube
Nombre de fissions rapides = Nombre de fissions totales - Nombre de fissions thermiques = 8,950 × 1019 - 8,365 × 1019 = 5,855 × 1018 fissions/s
Nombre de fissions rapides par centimètre cube et par seconde = 5,855 × 1018 / 26,571 × 106 = 2,204 × 1011 fissions par centimètre cube et par seconde
Flux rapide = (Nombre de fissions rapides par centimètre cube et par seconde) / (Section efficace macroscopique de fission rapide) = 2,204 × 1011 / 0,003582 = 6,152 × 1013 neutrons par centimètre cube et par seconde
100 eV ≤ Énergie des neutrons < Énergie des neutrons de fission = 4,8 / 2,47 = 1,943 3 MeV
Énergie moyenne du domaine rapide = 0,9717 MeV
138 300 m/s ≤ Vitesse rapide < 19 281 600 m/s
Vitesse moyenne des neutrons du domaine rapide = 13 630 000 m/s (le flux rapide est alimenté par la source très importante que représente les neutrons rapides issus des fissions.)
Concentration des neutrons rapides = Flux neutronique rapide moyen / Vitesse moyenne du domaine rapide = 6,152 × 1013 / 1,363 × 109 = 45 100 neutrons par centimètre cube
Calcul du flux rapide - Autre méthode :
Source des neutrons de fission = 2,171 × 1020 neutrons par seconde
Section de la sphère équivalente du cœur = 10,765 m2
Le flux rapide est alors égal à la source que divise la section de la sphère équivalente, soit donc:
Flux rapide = 2,171 × 1020 / (10,765 * 10^6) = 1,986 * 10^15 n / cm2 /s
Le calcul par la deuxième méthode est certainement le plus correct pour les raisons suivantes
Pas d' évaluation du facteur de fission rapide lequel est forcément entaché d'erreur
Le calcul de la source totale de neutrons de fission est correct
La valeur de la section équivalente du cœur est en revanche contestable mais une erreur de plus de 20 % sur la bonne valeur n'est pas possible
La forme du flux rapide évolue au 1er ordre dans le réflecteur suivant une loi simple : . Cette loi se raccorde à la frontière du cœur à la forme cosinusoïdale du flux dans le cœur, ce qui permet de déterminer la valeur de la constante Φ1.
La valeur de μ1 dépend de la nature du réflecteur, elle est à rapprocher de l'épaisseur 1/10 d'atténuation du rayonnement neutron en radioprotection, elle est prise égale à 0,156 cm−1 dans le cas de l'eau.
Flux thermique dans le réflecteur
La forme générale du flux thermique est la suivante : .
Le premier terme correspond à l'atténuation du flux thermique dans le réflecteur.
Le second terme représente l'apport au niveau thermique des neutrons rapides ralentis dans le réflecteur, d'où la valeur de Φ3.
La valeur de μ2 est prise égale à 0,09 cm−1.
La fonction de raccorde à la frontière du cœur à la forme cosinusoïdale du flux thermique dans le cœur[pas clair] ce qui détermine la valeur de Φ2
Le flux thermique présente une remontée dans le réflecteur et un maximum à une distance approximativement égale à de la frontière du cœur. est l'aire de Fermi des neutrons thermiques, soit environ 41,01cm2 dans le cas des réacteurs à eau ordinaire ; ; cette valeur est à rapprocher de l'économie de réflecteur (distance d'extrapolation des flux thermique et rapide) égale à 8,27cm. En résumé : le « passage à zéro » du flux rapide à 8,27cm de la frontière du cœur induit un maximum de flux thermique à 6,4cm.
Le flux scalaire est l'unité la plus couramment utilisée en neutronique. Le flux scalaire mesure un nombre de particules par centimètre carré et par seconde.
↑La majorité des cœurs de réacteurs ont une forme voisine d'un cylindre; la forme proche de l'ortho-cylindre avec D/H = 1,0826 minimise les fuites neutroniques
↑La distance d'extrapolation notée λ est la distance depuis la frontière du cœur où la fonction décrivant le flux dans le réacteur prend la valeur zéro. On la désigne également par « économie de réflecteur » car elle représente l'« économie de combustible » que procure la présence du réflecteur
↑La densité de puissance dans l'ensemble des REP est très voisine de 100 MWth/m3 ; les résultats du calcul du flux sont comparables
↑Moyenne des tranches 900 MWe françaises. Tient compte de l'apport thermiques des pompes primaires qui sont très puissantes
↑Enrichissement moyen au chargement du premier cœur. Plus l'enrichissement est élevé plus le flux neutronique est faible. Le flux neutronique augmente avec l'usure du cœur du fait de la consommation de matière fissile
↑ a et bLe flux thermique à la frontière du cœur est légèrement plus élevé du fait de l'effet du réflecteur ; le flux rapide est plus correctement décrit.
↑Les cœurs réels de petite dimension ont bien souvent une forme de parallélépipède de section carrée.