Hétaïre

Cette peinture, à l'intérieur d'un kylix, représente une hétaïre jouant au cottabe, un jeu d'adresse pratiqué lors des banquets dans lequel les participants doivent atteindre une cible avec le reste de leur coupe de vin.

Une hétaïre (du grec ancien : ἑταίρα / hetaíra) est en Grèce antique une femme fréquentée par un homme. La notion est complexe, et toutes les hétaïres connaissent une situation différente. Elles peuvent être fréquentées par des hommes, avoir des relations sexuelles ou être en relation sentimentale de plus longue durée. Leurs activités peuvent être tarifées mais ce n'est pas systématique, de la même façon qu'elles peuvent avoir reçu une éducation, sans que ce ne soit applicable à toutes les hétaïres. Elles ont donc un lien indéniable avec la Prostitution dans la Grèce antique, mais elles ne peuvent être réduites à « des prostituées de luxe »[1]. Les hétaïres sont parfois apparentées aux courtisanes ou aux « escort-girls » modernes, mais les Grecques ont tout de même vécu deux millénaires auparavant.

Histoire[modifier | modifier le code]

« Visite aux hétaïres ». Hydrie attique à figures rouges. De 490 à 480 avant notre ère.

De manière littérale, hétaíra (ἑταίρα) signifie « bonne amie », « compagnonne ». Les hétaïres peuvent posséder une éducation soignée et être capables de prendre part à des conversations entre gens cultivés, par exemple lors des banquets. Elles ont longtemps été considérées comme les seules femmes grecques indépendantes, Spartiates exceptées, mais il a été démontré qu'un grand nombre de femmes libres aient pu être indépendantes ou gérer leurs biens[2]. Les hétaïres peuvent recevoir des dons de quelques « compagnons » (hetairoi) ou « amis » (philoi), ou bien être entretenues, ou alors directement payées[3]. Il s'agit le plus souvent de métèques, comme Laïs, originaire de Sicile, ou Nééra, originaire de Corinthe.

Aspasie, maîtresse de Périclès, est ainsi la femme la plus célèbre du Ve siècle av. J.-C. Elle attire chez elle Sophocle, Phidias ou encore Socrate et ses disciples. Selon Plutarque[4], « elle domin[e] les hommes politiques les plus éminents et inspir[e] aux philosophes un intérêt qui n'[est] ni mince ni négligeable »[5]. Toutefois, Aspasie n'est véritablement évoquée comme hétaïre qu'après sa mort par des auteurs plus récents.

Jeune hétaïre et un jeune homme faisant l'amour sur une œnochoé attique à figures rouges par le peintre Shuválov, vers 430 av. Chr., Antikensammlung, Berlin.

Les noms d'un certain nombre de ces hétaïres sont connus. À l'époque classique, il y a ainsi Théodoté, compagne d'Alcibiade, avec qui Socrate dialogue dans les Mémorables[6] ; ou encore Nééra, sujet d'un discours notoire du pseudo-Démosthène ; Phryné, modèle de l'Aphrodite de Cnide — chef-d'œuvre de Praxitèle dont elle est la maîtresse, mais aussi compagne de l'orateur Hypéride, qui l'aurait défendu dans un procès en impiété ; Léontion, compagne d'Épicure et philosophe elle-même ; mais aussi Laïs de Corinthe (aussi appelée Laïs d'Hyccara), amante régulière de Myron, à qui Aristippe voua une grande passion ruineuse. À l'époque hellénistique, on peut citer Pythonikè, maîtresse d'Harpale, trésorier d'Alexandre le Grand ou encore Thaïs, maîtresse d'Alexandre et de Ptolémée Ier après lui.

Quelques unes de ces hétaïres sont très riches. Xénophon décrit Théodoté entourée d'esclaves, richement vêtue et logeant dans une maison de grande allure. Certaines se distinguent par leurs dépenses extravagantes : ainsi une Rhodopis, courtisane égyptienne affranchie par le frère de la poétesse Sappho, se serait distinguée en faisant bâtir une pyramide. Hérodote[7] ne croit pas à cette anecdote, mais décrit une inscription très coûteuse qu'elle finance à Delphes. Lorsque les hétaïres réclament une paie, leurs tarifs varient beaucoup, mais sont substantiellement plus élevés que ceux des prostituées communes : dans la nouvelle comédie, ils varient de 20 à 60 mines pour un nombre de jours indéterminés. Ménandre mentionne une courtisane gagnant trois mines par jour soit davantage, précise-t-il, que dix pornai réunies[8]. S'il faut en croire Aulu-Gelle, Laïs pouvait demander jusqu'à 10 000 drachmes pour une nuit[9].

Être hétaïre n'est ni une condition (servile ou libre), ni un statut dans la société grecque. Dès lors, on ne sait pas toujours si une hétaïre est esclave ou non[10]. Avec le temps, le terme hetaira évolue. À l'époque de Périclès, il est strictement différent de porne (prostituée). Après Plutarque, on peut estimer que les sens termes se rapproche et hetaira peut apparaître comme un euphémisme ou un synonyme de porne[11].

Liste d'hétaïres[modifier | modifier le code]

Vénus Borghèse ou Vénus Capitoline, copie de l'Aphrodite de Cnide, œuvre de Praxitèle dont la maîtresse, l'hétaïre Phryné, est le modèle, musée du Louvre.

Il existe deux dictionnaires recensant les courtisanes de l'époque classique. En français, nous avons le volume II de la thèse de Cécilia Landau[12]. En anglais, Konstantinos Kapparis a écrit Prostitution in the Ancient Greek World[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Boris Deliens, « Les partenaires des Grecs : entre fréquentation, amour et sexe », mémoire de master, Paris, 2024, p. 113.
  2. Violaine Sebillotte Cuchet, « Les femmes à Athènes : une vie de réserve et de discrétion ? », dans Nicolas Siron (dir.), Nouvelle histoire d’Athènes. La cité vue de l’Agora, Ve-IVe siècle av. J.-C., Paris, Perrin, 2024, p. 107-129.
  3. Cécilia Landau, Les courtisanes dans la Grèce classique : entre réalité et représentation : approche prosopographique, philologique et rhétorique, 2 Volumes, Thèse de doctorat, Strasbourg, 2018
  4. Vie de Périclès, XXIV, 2.
  5. Traduction d'Anne-Marie Ozanam pour les éditions Gallimard, 2001.
  6. Mémorables, III, 11, 1-18.
  7. Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], II, 134-135.
  8. Le Flatteur, v. 128-130.
  9. Aulu-Gelle, Nuits attiques [détail des éditions] (lire en ligne), I, 8.
  10. Boris Deliens, « Les partenaires des Grecs : entre fréquentation, amour et sexe », mémoire de master, Paris, 2024, p. 54-59.
  11. Cécilia Landau, Les courtisanes dans la Grèce classique : entre réalité et représentation : approche prosopographique, philologique et rhétorique, 2 Volumes, Thèse de doctorat, Strasbourg, 2018, p. 73-84.
  12. Cécilia Landau, Les courtisanes dans la Grèce classique : entre réalité et représentation : approche prosopographique, philologique et rhétorique, Volume II, Thèse de doctorat, Strasbourg, 2018.
  13. Konstantinos Kapparis, Prostitution in the Ancient Greek World, Berlin et Boston, Walter De Gruyter, 2018.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Xénophon (trad. Pierre Chambry), Les Mémorables : Xénophon, Œuvres complètes, Flammarion,

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]