José Bidegain

José Bidegain, né le à Buenos Aires (Argentine) et mort le 4 à Pau (Pyrénées-Atlantique), est un chef d'entreprise et syndicaliste patronal français.

Fondateur du Pau Football Club, le nom de José Bidegain reste également attaché à l'épopée spéléologique de La Pierre Saint-Martin[1] et à l'acte humanitaire avec l'Action contre la Faim[2].

Industriel de gauche emblématique et figure du christianisme social, José Bidegain Directeur général adjoint de l'entreprise de chaussures familiale « Beverly »à Pau[3]. José Bidegain est conseiller municipal du maire de Pau, Louis Sallenave de 1953 à 1971.

Actif dans les instances représentatives des chefs d'entreprises français, José Bidegain incarne l'aile moderniste du Conseil national du Patronat français, qu'il préside de 1961 à 1964. Bidegain devient ensuite directeur général adjoint de BSN Gervais Danone puis de Saint-Gobain dans les années 1970.

José Bidegain assume des responsabilités au Conseil national du patronat français et co-fonde avec François Dalle le club patronal Entreprise et Progrès et devient conseiller au ministère de l'Industrie sous Roger Fauroux, sous le second gouvernement Rocard.

À la fin de sa vie, José Bidegain prend la présidence de l'ONG Action contre la faim, qu'il occupe de 1991 jusqu'à sa mort, en 1999.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

D'origine souletine, José Bidegain est né le à Buenos Aires[4]. Son père, Georges Bidegain, avait émigré en Amérique du Sud avant de revenir en France s'établir à Pau en pour créer une fabrique de chaussures, portant le nom de Beverly[5].

Georges Bidegain, son père, avait en effet émigré en Amérique du Sud, à l'instar de nombreux basques et béarnais à la fin du XIXe siècle et au début du XXe[6],[7]. Bidegain père revient toutefois à Pau en 1910 pour faire ses études au Lycée Louis-Barthou, que la guerre interrompra. Bidegain se découvre une vocation pour le métier de la chaussure en Argentine. La réussite est rapide, mais le mal du pays le pousse à revenir à Pau en 1936, et créer une petite fabrique de chaussures employant dix personnes, rue de Liège, puis rue des Cordeliers, employant désormais une centaine de personnes. Georges Bidegain obtint le titre de chevalier de l'Ordre du Mérite National en 1966[8].

Il est le père du scénariste et réalisateur Thomas Bidegain[9]. Son père était Georges Bidegain, fondateur en 1936 de l'entreprise Bidegain SA et de la marque Babybotte (créée en 1949).

Carrière[modifier | modifier le code]

Chef d'entreprise[modifier | modifier le code]

Lorsque José Bidegain prend la direction de cette entreprise familiale au début des années 1950, il l’accroît massivement, la faisant passer de 50 à 1000 employés en quinze ans[10].

Beverly restera une aventure familiale et Georges Bidegain constitue autour de ses trois fils l'équipe de direction qui assurera le remarquable développement de l'entreprise jusqu'au plan mondial avec l'inauguration de l'usine ultramoderne en 1957, parmi les plus modernes d'Europe[11]. L'inauguration se fait en présence de Gabriel Delaunay, ancien préfet de Pau et alors président de la Radiodiffusion-télévision française, lui assurant une diffusion nationale[12].

Beverly SA, qui a toujours obstinément refusé de travailler avec la grande distribution, est finalement liquidée en 2019, après avoir fait l’objet de plusieurs plans de licenciement[13],[14].

Délégué général de la Fédération de la Chaussure[modifier | modifier le code]

De à , il devient le délégué général de la Fédération nationale de l'industrie de la chaussure en France, une organisation rassemblant 600 entreprises du secteur et représentant 75000 salariés [10]. À ce titre, pendant les événements de Mai 68, il va apporter une aide logistique aux comités d'action[15]; et il interviendra pour mettre un terme au conflit de Romans-sur-Isère en août [16].

Directeur général adjoint de Danone et Saint-Gobain[modifier | modifier le code]

Entre et , José Bidegain fut directeur du département flaconnage au sein de la branche emballage de BSN-Gervais-Danone, puis directeur général adjoint de Saint-Gobain chargé de la politique sociale[17].

Syndicalisme patronal[modifier | modifier le code]

Cercle des Jeunes Patrons[modifier | modifier le code]

Parallèlement à sa carrière de dirigeant, Bidegain va occuper des places de premiers plans dans les instances syndicales patronales. Alors qu'il est chez Beverly, il devient membre du Cercle des Jeunes Patrons (qui deviendra Centre des jeunes dirigeants d'entreprise ou CJD), un mouvement patronal fondé en par Jean Mersch, qui va rassembler jusqu’à 3300 chefs d'entreprise et cadres dirigeants[18]. Devenu directeur général adjoint de Beverly, José Bidegain préside de à le CJD[19]. En septembre , lors du congrès de la Baule, le CPJ change de nom et devient le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (CJD)[20].

Du CNPF au CNDE[modifier | modifier le code]

Industriel aux idées sociales avancées, « syndicaliste patronal », ainsi se définit-il, il siège à partir de et pendant deux ans au comité directeur du Conseil national du patronat français (CNPF). Mais il en est exclu en après avoir défendu une nouvelle conception du syndicalisme ouvrier dans l'entreprise[21].

Après la crise de mai-juin 68, José Bidegain adopte une nouvelle stratégie de contournement du CNPF, jugé « trop sclérosé pour être régénéré » comme il s'en explique à ses amis du CJP[20]. Début juin 1968, il s'allie avec d’autres dirigeants et anciens du CJP, « et fonde le Centre national des dirigeants d’entreprises (CNDE), association patronale indépendante du CNPF et décidée à s’y substituer dans les meilleurs délais » [20] en adoptant une orientation politique plus réformiste[22]. L'organisation échoue cependant à remplacer le CNPF.

Entreprise et Progrès[modifier | modifier le code]

En 1969-1970, avec Antoine Riboud, patron de BSN (de à ), et François Dalle, PDG de l’Oréal (de à ), José Bidegain fonde l’association Entreprise et Progrès, un mouvement qui représente l’aile progressiste, mais minoritaire, du patronat français. Entreprise et Progrès est aussi le produit de la fusion entre le GEROP (Groupement d’étude et de réforme de l’organisation patronale) de François Dalle et feu le CNDE. François Dalle en est le premier président, et José Bidegain le délégué général, poste qu’il va occuper pendant huit ans[23],[5].

Rassemblant 120 entreprises représentant 500 000 salariés, Entreprise et Progrès va travailler pendant plusieurs années à l’élaboration de solutions qui permettent un accompagnement économique et social des progrès de l’entreprise. Cela va se traduire par un ensemble de propositions de réformes qui rendent compatibles la défense du pouvoir d’achat et des conditions de travail des salariés avancées par les syndicats, avec les exigences économiques des entreprises[24]. C’est, par exemple, la retraite progressive et personnalisée, le minimum annuel de ressources garanti, l’élargissement des tâches, la suppression du travail à la chaîne, l’introduction de l’information dans l’entreprise, etc[10].

Engagements politiques[modifier | modifier le code]

Le club "Échanges et projets"[modifier | modifier le code]

Après l’échec de la Nouvelle société, politique voulue par Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre de à , son chargé de mission Jacques Delors, qui fût l’un des artisans les plus inspirés d’un projet qui visait à répondre à la crise économique et sociale qu’avait traversé la France depuis Mai 68, va rompre avec la majorité pompidolienne pour se tourner vers le Parti socialiste auquel il adhère en .

Delors fonde en 1973-1974 le club de réflexion politique Échanges et Projets, avec quelques industriels et financiers ouverts aux idées progressistes et sociales de la gauche : François Bloch-Lainé, François Dalle, René Lattès, Philippe Lagayette, Antoine Riboud et José Bidegain font partie de ce club qui comptera jusqu’à deux cents adhérents[25]. José Bidegain en prend la présidence en , lorsque Jacques Delors devient ministre de l'Économie[26]. Et il en restera président d’honneur pendant plusieurs années.

Président d'Action contre la faim[modifier | modifier le code]

Il est président de l'organisation humanitaire Action contre la faim de 1991 jusqu'à sa mort[27]. Il est nommé à ce titre en à la Commission nationale consultative des droits de l'homme[28].

Décès[modifier | modifier le code]

Victime d'un accident de voiture à la mi-juillet 1999, José Bidegain est hospitalisé à Pau[29],[30]. Il meurt des suites de cet accident d'un arrêt cardiaque le . Le directeur de Libération, Serge July, lui rend hommage dans un article nécrologique publié dans son journal le [31],[32].

Mandats politiques[modifier | modifier le code]

Il est élu conseiller municipal de Pau de à au temps des mandatures de Louis Sallenave[33].

Engagements sportifs[modifier | modifier le code]

Président de l'ASOP[modifier | modifier le code]

José Bidegain pratique le rugby au poste de deuxième ligne à l'ASOP (Amitié sportive ouvrière paloise), en devenant même président en 1956 et jusqu’en 1963[34].

Fondateur du FC Pau[modifier | modifier le code]

José Bidegain crée le le Football-Club de Pau.

Avant sa liquidation en 2019, l'entreprise de José Bidegain, Beverly, est restée intimement liée au FC Pau, de nombreuses AG du club se tenant dans les locaux de l'usine[35].

Expédition au gouffre de la Pierre Saint-Martin[modifier | modifier le code]

Bidegain est volontaire à l'occasion de l'expédition du 14 août 1952 avec Haroun Tazieff au gouffre de La Pierre Saint-Martin, durant laquelle Marcel Loubens fait une chute de 15 mètres au cours de sa remontée et trouve la mort dans la salle de La Verna[36]. Le gouffre et sa verticale de 320 mètres, la plus grande connue au monde à cette époque, restait très dangereux[37].

Cette opération de grande ampleur, relayée par la presse mondiale, est relatée par Tazieff dans son livre "Le gouffre de La Pierre Saint-Martin"[38]. Bidegain devient le héros de l'expédition[39].

Divers[modifier | modifier le code]

De à , il préside l'Association des Basques de Paris[40].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Loubens' Body Raised From Pyrenees Cave », sur Gallica, International Herald Tribune : published with the New York Times and the Washington Post, (consulté le )
  2. Georges Lépineux et Olivier Longué, « IN MEMORIAM, José Bidegain », sur Gallica, Pyrénées : organe officiel du Musée pyrénéen du Château-fort de Lourdes, de la Fédération franco-espagnole des sociétés pyrénéistes, du G.P.H.M. / Société des amis du Musée pyrénéen, (consulté le )
  3. « INAUGURATION DES USINES " BEVERLY " À PAU », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Hervé Hamon et Patrick Rotman, L'Effet Rocard, Stock (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-234-11000-7, lire en ligne)
  5. a et b « Décès de José Bidegain, industriel et président d'Action contre la faim. », Libération,‎ (lire en ligne)
  6. « LA DIASPORA BÉARNAISE », sur www.lebearn.net (consulté le )
  7. « Emigration béarnaise en Amérique | Emigration64 » (consulté le )
  8. « M. GEORGES BIDEGAIN, Chevalier de l'Ordre du Mérite Nation' », LA RÉPUBLIQUE DES PYRÉNÉES,‎ (lire en ligne)
  9. Jean-Baptiste Morain, « Thomas Bidegain, sparring-partner de Jacques Audiard, et co-scénariste de "Saint Laurent" », Les Inrockuptibles,‎ (lire en ligne)
  10. a b et c José Bidegain interviewé par Jean-Louis Servan-Schreiber. Émission Questionnaire. Diffusion : TF1, 19 octobre 1976, 44 min 16 sec. Producteur : ORTF. Réalisateur : Jacques Cristobal
  11. « Bidegain a chaussé les bottes de 7 lieues », La République des Pyrénées,‎ (lire en ligne)
  12. « INAUGURATION DES USINES " BEVERLY " À PAU », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « Serres-Castet (64) : la société Babybotte, héritière des chaussures Bidegain, est liquidée », sur SudOuest.fr (consulté le )
  14. « Bidegain parvient à résister à la crise en élaguant son portefeuille de marques », sur Les Echos, (consulté le )
  15. Serge July, « La mort de Porthos (José Bidegain). », sur Libération,
  16. Romain Castellesi, « Le genre de la grève de Salamander en 1973 à Romans-sur-Isère (Drôme). », sur www.academia.edu
  17. « José Bidegain, la mort d'un grand patron », La Croix,‎ (lire en ligne)
  18. CJD, « Centre des jeunes dirigeants d'entreprise. », sur syndicalisme.wikibis
  19. Le patronat - Jean Magniadas. Messidor/Éditions sociales. Janvier 1991, page 83.
  20. a b et c Le parti des patrons – Le CNPF (1946-1986) - Henri Weber, Le Seuil, octobre 1986, p. 173-174.
  21. Jacqueline Grapin, « Les premières assises du patronat français : une grand-messe de réconciliation », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  22. Emmanuel de Lescure, La construction du système français de formation professionnelle continue: retour sur l'accord du 9 juillet 1970 et de la loi du 16 juillet 1971, Harmattan, (ISBN 978-2-7475-6642-1, lire en ligne)
  23. Gilles Richard (dir.) et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis à l'épreuve de 68, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 282 p. (lire en ligne)
  24. José Bidegain, « Faire vite », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. Gilles Morin, « DELORS Jacques, Lucien, Jean. Pseudonyme : JACQUES, Le Maîtron »,
  26. Bernard Mazières, « Les 12 apôtres de Jacques Delors », L'Express,‎ (lire en ligne)
  27. Sylvie Brunel, La Faim dans le monde: Comprendre pour agir, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-13-068407-7, lire en ligne)
  28. « Arrêté du 5 décembre 1996 portant nomination à la Commission nationale consultative des droits de l'homme », sur Légifrance, (consulté le )
  29. Frédéric Lemaître, « José Bidegain », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès libre)
  30. « José Bidegain, la mort d'un grand patron », La Croix,‎ (lire en ligne)
  31. « José Bidegain, industriel français et président d' Action contre la faim », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  32. Serge July, « La mort de Porthos (José Bidegain) », Libération,‎ (lire en ligne)
  33. « Cannes : Thomas Bidegain, un accent basco-béarnais pour la palme d’or », La République des Pyrénées,‎ (lire en ligne)
  34. « Le Football à Pau », La République des Pyrénées,‎ (lire en ligne)
  35. « L'assemblée générale du. F. C. PAU a été dominée par l'unité du Club », La République des Pyrénées,‎ (lire en ligne)
  36. « Après avoir risqué sa vie pendant 20h, Bidegain éclate en sanglots », sur Gallica, Paris-presse, L'Intransigeant, (consulté le )
  37. Jacques Labeyrie, Les découvreurs du Gouffre de la Pierre Saint-Martin, Éditions Cairn, (ISBN 978-2-35068-537-3, lire en ligne)
  38. Haroun Tazieff, Le gouffre de La Pierre Saint-Martin, Grenoble, Arthaud, , 188 p. (ISBN 2-7003-0175-7, lire en ligne), p. 190
  39. « Le drame du gouffre de la Pierre-Saint-Martin », sur LEFIGARO, (consulté le )
  40. Frédéric Lemaitre, « José Bidegain », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  41. « Légion d'honneur », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  42. « Georges Bidegain, Chevalier de l'Ordre du Mérite National » », La République des Pyrénées,‎ (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]