Louis Odier
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Parentèle | Jacques-Louis Soret (petit-fils) Charles Soret (arrière-petit-fils) Christian Dominicé (d) (arrière-arrière-arrière-petit-fils) Gédéon Le Cointe (d) (beau-père) |
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Louis Odier, né le à Genève et mort dans la même ville le , est un médecin suisse, traducteur et éditeur, via la Bibliothèque britannique, d'ouvrages et d'essais médicaux anglais pour la plupart, qui fut une figure majeure de la médecine européenne à la fin du XVIIIe siècle. Il a œuvré à la vaccination contre la variole et s'occupa constamment, « avec une sorte de passion », de tout ce qui concernait l'espérance de vie[1].
Biographie
[modifier | modifier le code]Descendant d'une famille de huguenots réfugiés à Genève[2], Louis Odier est le fils d'Antoine Odier et de Louise de Villas. Il est le frère de Jacques-Antoine Odier, qui a épousé Marie Cazenove, et l'oncle de l'industriel, banquier et homme politique français Antoine Odier, né à Genève. Lorsqu'il est étudiant genevois en philosophie, avec trois amis, il fonde une « Société littéraire » et une « Société philosophique ».
Voyages en Europe
[modifier | modifier le code]Puis il fait sa médecine à Édimbourg, où il séjourne de 1767 à 1772 et où il devient l'ami proche de François-Étienne de La Roche, un autre médecin suisse. Élu président la Société de médecine de la ville écossaise[3], il décroche un doctorat en 1770. À Londres, il suivit à l'hôpital Saint-Thomas les cours de Mackenzie, George Fordyce, et William Hunter. À l'université de Leyde, il suivit ceux de Van Doweren et Hieronymus David Gaubius et à Paris, il fut assidu aux cours de Pierre Joseph Macquer et de Guillaume-François Rouelle.
Il retourna ensuite à Genève en 1772 en passant par Londres et Paris, où il eut l'occasion d'observer en détail la variole et les effets de l'inoculation. Il apprend que les partisans de l'inoculation innovent malgré les critiques. En 1769, le docteur Jobst Bose, un fonctionnaire du Holstein vivant à Gottingen, avait montré qu'une protection contre la variole peut être acquise via le lait de vaches malades[4], et en 1774, c'est l'éleveur Benjamin Jesty a réussi à induire une immunité artificielle chez sa femme et ses deux fils avec la vaccine, au cours d'une épidémie de variole, en lui transférant une petite quantité prélevée sur une de ses vaches malade.
Louis Odier discuta alors des objections élevées en Europe contre cette pratique, dans quatre lettres adressées au docteur Anton de Haen (1704 – 1776), et qu'il inséra dans le Journal de médecine (tome 40). La quatrième lettre est publiée dans le Journal de médecine d'avril 1777. Le but était d'apprécier quelle part l'inoculation avait eue dans l'accroissement observé à Londres du nombre de décès causés par la variole, d'après les tables de mortalité, qu'il s'est procuré à partir de données remontant à 1661: il reconnaît la réalité de l'accroissement, qui pourrait se chiffrer à 31 000 décès pour la seule ville de Londres, mais tente de démontrer qu'il ne peut être attribué à l'inoculation.
Retour à Genève
[modifier | modifier le code]Louis Odier pratiqua ensuite la médecine à Genève entre 1773 et 1817. Il a commencé sa carrière par un cours public de chimie, dans lequel il développa la théorie de la chaleur latente, récemment découverte par le chimiste écossais Joseph Black (1728-1799) et encore peu connue sur le continent[5].
En 1780, l'année où Necker recourut à un emprunt de 530 millions de livres, remboursable principalement en viagères, Louis Odier publie dans les Mémoires de la Société genevoise pour l'encouragement des Arts et de l'agriculture, un recueil de statistiques mortuaires à Genève, pour les années 1777 et 1778[6], comportant « des sortes de Tables pour le calcul de la probabilité de vie », en précisant que l'une de ces tables sera surtout utile aux économistes et financiers. « Personne n'ignore que parti on peut tirer de l'usage de ces sortes de table pour le calcul de la probabilité de vie, pour celui des rentes viagères sur une ou plusieurs têtes, évaluer les différences de population, déterminer la marche des épidémies, apprécier les diverses causes de mortalité »[7], écrit-il. Son ami François-Étienne de La Roche, devient deux ans plus tard le médecin des gardes suisses à Paris. Louis Odier est parallèlement le disciple du médecin suisse Théodore Tronchin[8], l'un des premiers promoteurs de la vaccination contre la variole.
Par ailleurs secrétaire de l'université de Genève, il pose sa candidature à la chaire vacante de médecine en 1789, après être devenu le médecin-conseil des banquiers qui mettent en place des rentes viagères avec pour but de prolonger l'espérance de vie. L'une des Trente immortelles de Genève[9] n'est autre que sa fille[10].
Dans un Tableau général de la mortalité, de la probabilité de vie et de la vie moyenne à Genève depuis 1560 jusqu’à 1760, publié d'abord dans le Journal de Genève du et dans la revue parisienne La Médecine éclairée, il récapitule les meilleurs conseils pour choisir les personnes les plus aptes à porter ces rentes viagères. Le même tableau est publié six ans plus tard dans une revue de vulgarisation scientifique, éditée à Genève, la Bibliothèque britannique, au cours de l'année 1797.
La diffusion du vaccin contre la variole
[modifier | modifier le code]Louis Odier a fortement contribué à introduire la vaccination en France et en Suisse après la découverte, en 1796, par Edward Jenner d'une méthode permettant de lutter contre la variole par la communication à un patient sain d'une maladie analogue, le cowpox ou variole des vaches. En 1760, Daniel Bernoulli avait déjà démontré que, malgré les risques, la généralisation de la pratique antérieure (et plus dangereuse) de l'inoculation variolique permettrait de gagner un peu plus de trois ans d’espérance de vie à la naissance, mais il avait suscité de nombreux débats en France et ailleurs[11].
Traducteur en français des travaux d'Edward Jenner, Louis Odier désigne le cow pox sous le nom de « variole vaccine », et le terme de vaccin apparaît ainsi pour la première fois dans le vocabulaire français. Dès octobre 1798, une revue de vulgarisation scientifique, éditée à Genève, la Bibliothèque britannique, fit connaître le procédé dans toute l'Europe. Le , grâce à des fils imbibés de variole, un médecin genevois établi à Vienne, Jean de Carro (en) réussit à répéter l'expérience sur le continent. Le procédé est implanté à Paris ensuite, en mai 1800. Napoléon Ier tiendra à ce que son fils, le roi de Rome, reçoive le traitement préventif. Le , Louis Odier s'en prend violemment aux curés savoyards et valaisans qu'il rend responsables des lenteurs de la diffusion de la vaccine aux portes mêmes de Genève[12].
Dès la lettre XI des Lettres philosophiques de Voltaire (1734), l'inoculation apportée de Constantinople à Londres, dans ses bagages d'ambassadrice, par Mary Wortley Montagu, qui l'a testée sur ses enfants, avait été saluée, d'autant que la maladie explique encore le quart des décès en France en 1754, selon un mémoire de Charles Marie de La Condamine. Mais les craintes et résistances du clergé, mené par Armand de Roquelaure(1721 - 1818), commandeur de l'ordre du Saint-Esprit et premier aumônier de Louis XV, puis archevêque de Malines, avaient freiné l'expérimentation.
Un homme du siècle des Lumières
[modifier | modifier le code]Médecin-philosophe nourri par l’esprit du siècle des Lumières[13], Louis Odier a par ailleurs prit part à la rédaction d'une feuille hebdomadaire, publiée sous le titre de Journal de Genève, dans les années 1789, 1790 et 1791. Il fut membre du Conseil des Deux-Cents dès 1788 puis a œuvré à rédiger un projet de code pénal genèvois[14], après l’annexion de Genève à la toute jeune République française en 1798. Il siège dans plusieurs assemblées politiques durant la période française, étant notamment président de l'Assemblée nationale genevoise en 1793, puis au Conseil représentatif de Genève de 1814 à sa mort.
En 1815, il écrit à Charles Aubert, alors associé à Lyon de la maison Odier Juventin & Cie, active sur le négoce de tissus et dans la banque, pour le convaincre de créer ensemble une banque à Marseille.
Il est aussi l'ami de l'économiste Thomas Malthus, qui lui rend hommage dans un de ses livres.
Chronologie
[modifier | modifier le code]- 1635 : les pasteurs de Berlin créent la première caisse des veuves[15]
- 1738 : Daniel Bernoulli énonce le paradoxe de Saint-Pétersbourg
- 1741 : premier traité de démographie de Johann Peter Süssmilch[16]
- 1746 : Antoine Deparcieux (1703-1768) publie ses célèbres Tables de mortalité
- 1746 : à Londres, une association fonde une maison de charité pour traiter les malades de la petite vérole
- 1748 : Théodore Tronchin, inspecteur du collège des Medecins d'Amsterdam, introduit l'inoculation en Hollande[17]
- 1749 : la Tabellverket, "Bureau des Tables", créé par Pehr Wilhelm Wargentin
- 1750 : Leonhard Euler précise comment la croissance géométrique peut s'appliquer à une population structurée en classes d'âges (juvéniles, adultes), ce qui entraîne la multiplication des caisses des veuves[18]
- 1752 : Thomas Simpson publie les premières tables de mortalité différentes pour les hommes et pour les femmes
- 1754 : la variole explique encore le quart des décès en France[19]
- 1756 : une caisse générale des veuves et des orphelins fondée à Stuttgart, pour le grand-duché de Wurtemberg[20]
- 1760 : Daniel Bernoulli évoque ses Tables de mortalité lors d'une conférence
- 1761 : second traité de démographie de Johann Peter Süssmilch, incluant sa "grande table de mortalité"
- 1763 : le Parlement de Paris interdit toute inoculation et accuse le docteur Angelo Gatti, venu l'université de Pise, d'être responsable de l'épidémie[21]
- 1764 : la Faculté de médecine de Paris commande deux rapports contradictoires sur le sujet[22]
- 1765 : Théodore Tronchin rédige le chapitre "Inoculation", dans l'l'Encyclopédie de Diderot, tome VIII[23]
- 1766 : le suédois Pehr Wilhelm Wargentin fournit des tables de mortalité meilleures que celles existantes
- 1766 : Daniel Bernoulli publie à son tour ses Tables de mortalité
- 1766 : Théodore Tronchin ouvre un cabinet à Paris
- 1769 : Jobst Bose, fonctionnaire du Holstein vivant à Gottingen, montre qu'une protection contre la variole peut être acquise via le lait de vaches malades[4]
- années 1770 : création de caisse des veuves en Norvège, au Danemark et à Hambourg[24]
- 1774 : l'éleveur anglais Benjamin Jesty vaccine contre la variole à partir des vaches
- avril 1774 : quatrième lettre à Anton de Haen, publiée dans le Journal de médecine. Il tente de démontrer que le regain de variole à Londres ne peut être attribué à l'inoculation.
- 1779 : création de la caisse des veuves et orphelins du duché de Lubeck
- 1779 : la caisse des veuves du duché de Calenberg (3 700 souscripteurs, aux 723 veuves) fait faillite[24]
- 1780 : Necker recourt au plus grand de ses emprunts remboursables principalement en viagères
- 1780 : Louis Odier publie[25] un recueil de statistiques mortuaires à Genève, pour les années 1778 et 1778[6]
- 1796 : Edward Jenner découvre une méthode contre la variole
Références
[modifier | modifier le code]- Biographie universelle ancienne et moderne, volume 31, sous la direction de Louis-Gabriel Michaud, 1854, page 165 [1]
- Odier, dans le Dictionnaire historique de la Suisse.
- Daniela Vaj, Médecins voyageurs: théorie et pratique du voyage médical au début du XIXe siècle, d'après deux textes genevois inédits, les mémoires sur les voyages médicaux 1806-1810 de Louis Odier et les carnets du voyage médical en Europe 1817-1820 de Louis-André Gosse, 2002, p. 105
- The Greatest Killer: Smallpox in History, par Donald R. Hopkins, page 80 [2]
- "Prévost, Notice sur la vie et les écrits de L.Odier; - Bibliothèque universelle (Sciences et Arts, 1817) ; - Biographie universelle" [3]
- Mémoire de la Société établie à Genève pour l'encouragement des arts et de l'agriculture [4]
- Mémoire de la Société établie à Genève pour l'encouragement des arts et de l'agriculture, page 144 [5]
- « Rousseau, une histoire genevoise », par Guillaume Chenevière, page 194 [6]
- Les Trente Têtes genevoises et les billets solidaires, par Marc CRAMER, dans la Revue suisse d'économie politique et de statistique, no 82 (1946)
- Famille, parenté et réseaux en Occident: XVIIe-XXe siècles : mélanges offerts à Alfred Perrenoud, page VII, par Anne-Lise Head-König, Luigi Lorenzetti, Béatrice Veyrassat, Alfred Perrenoud Librairie Droz, 2001 [7]
- Les rois aussi en mouraient : Les Lumières en lutte contre la petite vérole, par Catriona Seth, Paris, Desjonquères, 2008.
- "Le clergé et la diffusion de la vaccination" par Yves-Marie Bercé, Revue d'histoire de l'Église de France 1983 [8]
- Les Honoraires médicaux et autres mémoires d'éthique médicale par Louis Odier, étude de Micheline Louis-Courvoisier et Philip Rieder, professeure et maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’éthique biomédicale, Éditions Classiques Garnier, 2011 [9]
- La Médecine légale après Beccaria, par Vincent Barras, dans Beccaria et la culture juridique des Lumières : (actes du colloque européen de Genève, 25-26 novembre 1994), sous la direction de Michel Porret, Librairie Droz, 1997 [10]
- De la bienfaisance publique par Joseph Marie de Gérando, page 82
- Johann Peter Süssmilch (1707-1767) aux origines de la démographie : l'« ordre divin ». Présentation d'un ouvrage historique de l'INED Jacqueline Hecht 1980 [11]
- "Article INOCULATION de l'Encyclopédie" par le Dr Théodore Tronchin [12]
- De la bienfaisance publique, par Joseph Marie de Gérando, page 82
- , selon un mémoire de Charles Marie de La Condamine
- De la bienfaisance publique, par Joseph Marie de Gérando, page 34
- L'Histoire des vaccinations par Hervé Bazin, page 40
- "L'histoire des vaccinations Par Hervé Bazin, page 40
- L'Histoire des vaccinations par Hervé Bazin, page 40
- L'Ordre divin, volume 1, par Johann Peter Süssmilch et Jaqueline Hecht, page 147 [13]
- dans les Mémoires de la Société genevoise pour l'encouragement des Arts et de l'agriculture
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Vincent Barras, « Odier, Louis » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .