Pierre Overney
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Nom de naissance | Pierre Maxime Élie Overney |
Pseudonyme | Pierrot |
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Pierre Overney, dit Pierrot, né le à Montcornet et mort le à Billancourt, est un militant ouvrier maoïste, de la tendance mao-spontex. Membre de la Gauche prolétarienne, installé à Flins et Billancourt, il est tué par un vigile de Renault.
Biographie
[modifier | modifier le code]Circonstances de sa mort
[modifier | modifier le code]Licencié par la direction de l'usine Renault où il est entré pour faire du militantisme maoïste en milieu ouvrier, Pierre Overney participe à une action de la Gauche Prolétarienne (GP) à la sortie de l'usine de Billancourt. Il s'agit d'inciter les ouvriers à commémorer le massacre de la station de métro Charonne de février 1962.
Dans un contexte de violence et de tension, il est abattu par Jean-Antoine Tramoni[1], agent de sécurité de Renault, le à 14 h 30, devant les grilles de l'avenue Émile-Zola, alors qu'il cherchait à entrer dans l'usine avec un groupe de militants. L'événement eut lieu en présence de plusieurs personnes venues accompagner les maoïstes dans leurs opérations dont le journaliste Claude-François Jullien du Nouvel Observateur et Christophe Schimmel[2], un photographe de l'APL[3] qui prend des photographies, dont celles du meurtre[4].
Pierre Overney est enterré au cimetière du Père-Lachaise (59e division).
Réactions
[modifier | modifier le code]Georges Marchais, secrétaire général du PCF, suivi de la CGT, critique sévèrement non seulement le pouvoir, mais les gauchistes dans les jours suivants[5], bloquant même un meeting de protestation tenu le lundi suivant dans l'usine par la CFDT[5].
- Dans les jours suivants, le groupe gay des Gazolines renverse un car de police lors d'une émeute provoquée par la mort du militant maoïste.
- Nuit du mardi au mercredi , cinq véhicules sont incendiés par cocktail Molotov au dépôt régional Renault de Caen. L'action est ensuite revendiquée par un tract non signé « La Régie [Renault] a payé pour le meurtre de Pierre Overney »[6].
- Le samedi , jour de ses obsèques, une grande manifestation rassemble 200 000 personnes[7], dans un cortège de 7 km. Jean-Paul Sartre est près du cercueil, et le philosophe Michel Foucault est dans la foule.
Le , en représailles au meurtre, la NRP (Nouvelle résistance populaire), organisation de choc de la GP, dirigée par Olivier Rolin, kidnappe Robert Nogrette, chef-adjoint chargé des relations sociales à Billancourt, puis le libère unilatéralement deux jours plus tard, sur décision de Benny Lévy (connu sous le pseudonyme de Pierre Victor)[5]. Entré en 1935 à Renault comme ajusteur, Nogrette avait été notamment chargé d'annoncer leur licenciement à deux militants de la GP, Sadock Ben Mabrouk et José Duarte[5]. L'action est critiquée aussi bien par le PCF que le PS, le PSU, ou la LC[5]. Sartre et Maurice Clavel déclarent ensemble :
« Nous considérons qu'après la mort de Pierre Overney, étant donné que l'usine Renault-Billancourt est quasiment en état de siège, entièrement fermée par les CRS, et qu'on a licencié onze ouvriers dont cinq ont été arrêtés et inculpés, des événements tels que l'enlèvement de Robert Nogrette étaient prévisibles à brève échéance, et que ceux qui l'ont accompli ont certainement conçu leur acte comme une riposte normale à la répression qui sévit chez Renault[5]. »
Raymond Barillon, dans Le Monde, écrit quant à lui :
« Le meurtre du et le rapt du ne sont que deux illustrations parmi des centaines de la fameuse crise de civilisation dont la réalité nous a explosé au visage il y a bientôt quatre ans, et qui a suscité depuis lors bien des discours et des gémissements, mais n'a provoqué aucune prise de conscience globale ni, surtout, aucune initiative fondamentale dans les milieux dirigeants, qu'il s'agisse du pouvoir en place, du patronat, du PCF ou de la CGT[5]. »
- Le , le groupe Pour une critique révolutionnaire diffuse à Paris et dans la région parisienne plusieurs milliers d'exemplaires d'une affiche intitulée « Ni de votre mort, ni de votre survie »[8].
- Le , le nom de Pierre Overney réapparaît, repris par Action directe lors de l'assassinat de Georges Besse, le patron de la Régie Renault.
Procès et assassinat de Tramoni
[modifier | modifier le code]Le , soit huit mois après son acte, la chambre d'accusation de Paris rendra un arrêt accordant la liberté à Jean-Antoine Tramoni[9].
Le procès du meurtrier a lieu en et met en lumière l'existence au sein de la Régie Renault d'une sorte de milice. À la suite de l’examen des photos prises le jour du meurtre, l’hypothèse d’un acte de légitime défense de la part de Tramoni est écartée[10]. Ce dernier est condamné à quatre ans de prison par la cour d'assises de Paris. Il bénéficie d'une libération conditionnelle en [11].
Le , vers 19 heures, Jean-Antoine Tramoni est assassiné à Limeil-Brévannes par deux tueurs à moto. Le crime est revendiqué par les NAPAP (Noyaux armés pour l'autonomie populaire), composés pour partie d'anciens militants de la Gauche prolétarienne[12]. Les assassins ne seront jamais retrouvés[10].
Hommages
[modifier | modifier le code]Dominique Grange, au début du siècle suivant, lui dédiera une de ses compositions, la chanson : Pierrot est tombé reprise plus tard dans l'album : 1968 - 2008... N’effacez pas nos traces ! (le récit du meurtre, ses causes et suites y sont relatées).
Le suicide de Nicolas Boulte, critique des méthodes de la GP
[modifier | modifier le code]Après Mai 68, Nicolas Boulte rejoint la Gauche prolétarienne et « s'établit » comme ouvrier chez Renault à l'usine de Boulogne-Billancourt[13],[14]. Il est alors actif dans une structure créée par la GP dans l'usine, le Comité de lutte Renault.
Très critique par rapport aux pratiques de ce comité, Nicolas Boulte rédige, sous le pseudonyme de Baruch Zorobabel, au printemps 1972, une Tentative de bilan du Comité de lutte Renault qui est publiée en octobre par la revue conseilliste Informations et correspondances ouvrières[15],[16],[17].
Dans ce mémoire, l'auteur analyse une « idéologie de l'activisme coupée de la réalité quotidienne » : par manque d'implantation réelle chez les ouvriers, les maos sont contraints pour exister de mettre en œuvre une stratégie « militariste » de surenchère permanente dans l'affrontement avec les agents de maîtrise aux portes de l'usine. C'est, d'après l'auteur, ce type d'action qui est à l'origine du meurtre de Pierre Overney par un vigile de Renault[18]. Nicolas Boulte sera ensuite tabassé par des militants de la GP[19] puis se suicidera en 1975[19], après avoir envoyé au journal Le Monde sa notice nécrologique[20].
En 2008, Morgan Sportès reprend cette trame dans son enquête Ils ont tué Pierre Overney[21],[22].
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Mao-spontex
- Le journal La Cause du peuple (CdP)
- Le groupe La Gauche prolétarienne (GP)
- Gilles Tautin
- Nicolas Boulte
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Pierre Barou, Luttes actuelles : de la liberté de la presse à la presse de la liberté, Éditions La Taupe, 1970
- Baruch Zorobabel / Nicolas Boulte, Tentative de bilan du Comité de lutte Renault, Paris, [lire en ligne].
- Michèle Manceaux, Les maos en France, préface de Jean-Paul Sartre, Éditions Gallimard, 1972
- Philippe Gavi, Jean-Paul Sartre et Pierre Victor, On a raison de se révolter, Éditions Gallimard, 1974
- Marc Jarrel, Éléments pour une histoire de l’ex-gauche prolétarienne, Éditions France1/nbe, 1974
- Jean-Pierre Le Dantec, Les dangers du soleil, Éditions Presse d’aujourd’hui, 1978
- Virginie Linhart, Volontaires pour l’usine, Éditions du Seuil, 1994
- Michel Le Bris, Fragment du royaume, Éditions Paroles de l’Aube, 1995
- Jean Rolin, L’organisation, Éditions Gallimard, 1996
- Olivier Rolin, Tigre en papier, Éditions du Seuil, 2002
- Jean-Pierre Le Dantec, L’étourdissement, Éditions du Seuil, 2003
- Jean-Pierre Barou, Sartre, le temps des révoltes, Éditions Stock, 2006
- Virginie Linhart, Le jour où mon père s’est tu, Éditions du Seuil, 2008
- Morgan Sportès, Ils ont tué Pierre Overney, Grasset, 2008 (ISBN 9782246712015)
- Christian Beuvain, Florent Schoumacher, Chronologie des maoïsmes en France, des années 1930 à 2010, revue électronique Dissidences, n°3, printemps 2012, texte intégral.
Filmographie
[modifier | modifier le code]- Gérald Mury et Christian Mottier, Les Maoïstes, Temps présent, Radio télévision suisse, 1972, [voir en ligne]
- Anne Argouse et Hugues Peyret, Mort pour la cause du peuple, 52 minutes, FR3 Haute-Normandie, 2012 [voir en ligne]
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Ressource relative à la vie publique :
- Le récit et les photos de Christophe Schimmel, témoin des faits
Sources
[modifier | modifier le code]- Récit sur les événements ayant entraîné sa mort
- Archives Morlock film 8 mm Les Funérailles de Pierre Overney, , boulevard Magenta (10e)
- Michel Puech, « 40 ans après, Pierre Overney », sur blog de Michel Puech sur le Club de Mediapart,
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Ancien adjudant-chef parachutiste de Massu, qui invoquera à son procès la notion de « guerre » pour justifier son geste.
- « Tombés pour les maos », Libération, 18 novembre 2008.
- A.P.L. : Agence de Presse Libération, ayant porté en germe le futur quotidien, Libération.
- Photos APL de l'incident.
- Hervé Hamon et Patrick Rotman, Générations, t. II, 1988, p. 400 sq.
- Paris Normandie, édition Calvados, daté du 3 mars 1972.
- Mort pour la cause du peuple, un documentaire d'Anne Argouse et Hugues Peyret, France 3, 1 décembre 2012 : Le 5 mars 1972, plus de 200 000 personnes forment un cortège funéraire qui accompagne dans les rues de Paris le cercueil d'un jeune inconnu, Pierre Overney. Dans la foule certains ont le poing levé et crient « Nous vengerons Pierrot !» haute-normandie.france3.fr.
- Cf. Informations Correspondance Ouvrières (I.C.O.), n°118, juin 1972 ; Bulletin du C.I.R.A., n°25, novembre 1972, p. 17.
- "Sartre, le temps des révoltes", par Jean-Pierre Barou, Editions Stock, 2006 [1].
- Voir : Anne Argouse, Hugues Peyret, Mort pour la cause du peuple, 52 minutes, FR3 Haute-Normandie, 1er décembre 2012.
- Journal télévisé de 13h du 04/12/1977 consulté sur le site de l'INA.
- Hubert Artus, « Les fantômes de la Gauche Prolétarienne revisités », Rue89, 30 mars 2008.
- Morgan Sportès, Ils ont tué Pierre Overney : roman, Grasset & Fasquelle, 2008, page 158.
- Denis Pelletier, Religion et politique autour de Mai 68, Socio, 10|2018, lire en ligne, DOI 10.4000/socio.3128.
- Christian Beuvain, Florent Schoumacher, Chronologie des maoïsmes en France, des années 1930 à 2010, revue électronique Dissidences, no 3, printemps 2012, lire en ligne.
- Centre International de Recherches sur l'Anarchisme (Lausanne) : notice.
- Baruch Zorobabel / Nicolas Boulte, Tentative de bilan du Comité de lutte Renault, Paris, 5 juillet 1972, Informations et correspondances ouvrières, supplément au no 120, octobre 1972, [lire en ligne].
- Rémi Hess, Le maoïsme, l'analyse et les analyseurs, L'Homme et la société, no 29-30, 1973, Analyse institutionnelle et socianalyse, DOI 10.3406/homso.1973.1832, page 41.
- Génération, par Hervé Hamon et Patrick Rotman, 1987.
- Ils ont tué Pierre Overney, Morgan Sportès 2008.
- Edouard Launet, Maoschisme, liberation.fr, 13 mai 2008.
- Retour sur l'épisode maoïste, humanite.fr, 24 avril 2008.