Question jurassienne
Autre nom | Problème jurassien Conflit jurassien Révolution jurassienne |
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Date | Depuis le |
Lieu | Suisse : |
Cause |
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Résultat |
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Résolutions du Congrès de Vienne relatives à la Suisse | |
Signature de l'Acte de réunion | |
Rattachement de l'ancienne République rauracienne au canton de Berne | |
Serment de Morimont | |
- | Luttes pour l'autonomie du Jura |
- | Kulturkampf |
Fin de l'individualité politico-juridique pour les Jurassiens | |
- | Fondations de plusieurs mouvements séparatistes |
9- | « Affaire Moeckli » |
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Création du Mouvement séparatiste jurassien | |
- | Reconnaissance constitutionnelle d’un «peuple jurassien de langue française» et d'un drapeau pour la région |
Création de l’Union des patriotes jurassiens | |
Première « Affaire de la place d'armes des Franches-Montagnes » | |
Rejet par la votation populaire bernoise de l'organisation d'une consultation sur l'autonomie du Jura |
Création du Groupe Bélier | |
Deuxième « Affaire de la place d'armes des Franches-Montagnes » | |
- | Attentats du Front de libération jurassien |
Manifestation aux Rangiers | |
Création du Laufen zu Basel | |
Rapport de la « Commission des Vingt-quatre » | |
Rapport de la « Commission des bons offices » | |
Acceptation, par la votation populaire bernoise, de l'additif constitutionnel concernant l'organisation d'un plébiscite jurassien |
1er Plébiscite : approbation de la création du canton du Jura | |
& | 2e Plébiscite : Quatre districts confirment leur appartenance au canton de Berne |
- | 3e Plébiscite : dix communes modifient leur appartenance cantonale |
Inauguration de l'Assemblée constituante jurassienne | |
Approbation de la Constitution jurassienne par votation populaire | |
Approbation, par votation populaire fédérale, de l'accession du canton du Jura au statut de 23e canton | |
La République et canton de Jura accède à la souveraineté |
Demande du district de Laufon, par votation populaire, de changer de canton | |
- | Demande du Laufonnais, par consultations populaires, de rejoindre le canton de Bâle-Campagne |
Refus, par votation populaire laufonnaise, de rejoindre Bâle-Campagne, maintenant ainsi son appartenance au canton de Berne | |
- | Scandale des « Caisses Noires bernoises » |
- | Recours du gouvernement jurassien auprès du Tribunal fédéral concernant l'organisation du plébiscite jurassien |
Annulation de la votation Laufonnaise du 11 septembre 1983 | |
Le Laufonnais vote en faveur de son intégration au canton de Bâle-Campagne | |
Acceptation, par votation populaire fédérale, du changement de canton du district de Laufon | |
Le district de Laufon intègre le canton de Bâle-Campagne |
Rapport de la « Commission Widmer » | |
« Accord Berne-Jura » & création de l'Assemblée interjurassienne | |
- | Acceptation par votes dans les cantons de Berne et du Jura de l'appartenance cantonale de Vellerat |
Approbation, par votation populaire fédérale, du changement de canton pour Vellerat | |
Vellerat intègre le canton du Jura | |
Rapport de l’Assemblée interjurassienne | |
Refus, par votation bicantonale, de la création d'un nouveau canton englobant le Jura et le Jura bernois | |
& | Moutier vote en faveur de son changement de canton |
Acceptation par votation dans les cantons de Berne et du Jura du changement d'appartenance cantonale de Moutier | |
Date prévue du changement de canton pour la ville de Moutier |
En Suisse, la Question jurassienne désigne un conflit politique en cours entre une partie du peuple jurassien et le canton de Berne.
Elle se manifeste par de nombreux événements conflictuels tant culturels, religieux que sociaux depuis la réunion de l'ancien évêché de Bâle, décidée au Congrès de Vienne, au canton de Berne. Ces événements prennent une intensité exceptionnelle dans la seconde moitié du XXe siècle et débouchent notamment sur la création en de la République et Canton du Jura par la séparation du canton de Berne.
Les milieux séparatistes, partisans du rattachement du Jura bernois au canton du Jura, estiment que le conflit n'est pas résolu pour autant. La Question jurassienne tourne depuis autour des possibles rattachements des communes du Jura bernois au canton du Jura.
Chronologie
[modifier | modifier le code]Antécédents
[modifier | modifier le code]De 999 à 1792
[modifier | modifier le code]En l'an , Rodolphe III de Bourgogne fait don de l'abbaye de Moutier-Grandval et de ses dépendances à l'Évêché de Bâle[1]. Jusqu'au début du XIIIe siècle, les princes-évêques de Bâle exercent à la fois un pouvoir temporel et spirituel sur ces régions, bien qu'ils n'aient jamais réussi à maintenir une unité solide sur l'ensemble de leurs terres. Entre le XIIIe et le XVe siècle, la ville de Berne, dans le cadre de sa politique expansionniste, forge des alliances avec les bourgeoisies de plusieurs villes du sud de l'évêché, alliances qui évoluent par la suite en traités de combourgeoisie. Ces traités assurent un engagement militaire réciproque entre les parties en cas de conflit[1]. Ces alliances affaiblissent alors le pouvoir temporel des princes-évêques sur plusieurs villes. Berne conclut des traités de combourgeoisie avec Bienne en , La Neuveville en et Moutier en , à la suite de conflits religieux qui introduisent la Réforme dans ces localités[2],[3],[4],[N 1].
La Réforme s'étend dans ces régions parallèlement à son essor dans le reste de la Suisse. En , elle triomphe à Bâle, forçant le prince-évêque, Jacques-Philippe de Gundelsheim, à se réfugier au château de Porrentruy. Deux ans plus tard, Guillaume Farel se rend à Tavannes, où il entreprend d'y instaurer le protestantisme, rapidement adopté par les paroisses de la vallée[5].
Le , Jacques Christophe Blarer de Wartensee est élu prince-évêque de Bâle. Entre et , il entreprend une rénovation complète du château de Porrentruy. Il fonde également le Collège des Jésuites dans la ville et soutient l'établissement d'une imprimerie, inaugurant ainsi une période de prospérité pour Porrentruy[6]. Par ailleurs, il initie une politique de contre-réforme visant à restaurer l'unité politique et religieuse de son évêché[7],[8]. Pour contrer les effets de la Réforme protestante dans son diocèse, et conformément aux condamnations émises par le concile de Trente, Jacques Christophe Blarer de Wartensee, avec l'appui des Capucins et des Jésuites, scelle une alliance avec les cantons catholiques. Cette alliance prend la forme d'un traité d'assistance mutuelle, officiellement signé à Lucerne le et solennellement juré à Porrentruy le [9]. Après avoir récupéré les seigneuries hypothéquées ainsi que les biens du chapitre dans la ville de Bâle, il entreprend la recatholicisation de Porrentruy et des différents bailliages. En réponse aux protestations de la ville de Bâle, un arbitrage fédéral est convoqué, donnant raison au prince-évêque. Celui-ci voit les combourgeoisies des vallées de Laufon, Delémont et des Franches-Montagnes annulées, et la ville de Bâle condamnée à lui verser 200 000 florins en dédommagement, un acte qui mènera à la guerre du Rappen quelques années plus tard[9]. En , il cherche à établir un accord similaire avec Berne, proposant que la ville de Bienne passe sous contrôle bernois en échange de la prévôté de Moutier-Grandval, afin d'y réintroduire le catholicisme[10]. Cependant, Bienne, tout comme les cantons catholiques, réagit avec véhémence en apprenant cette négociation[N 2]. Ce n'est qu'en qu'un traité permet de résoudre la question où Bienne confirme son allégeance au prince[9]. Néanmoins, dans les bailliages du sud, les tentatives de reconquête catholique s'avèrent infructueuses[10].
Sous l'autorité du prince-évêque de Bâle, une division nette entre les régions nord et sud du Jura s'est établie. Sur le plan religieux, le nord a été recatholicisé, tandis que le sud est demeuré protestant, bien que toujours rattaché à l'évêché de Bâle. Cette distinction religieuse s'accompagne également d'une divergence politique : les régions méridionales, tout en conservant leurs liens avec le prince-évêque, ont acquis leur indépendance vis-à-vis du Saint-Empire romain germanique, alors que les régions septentrionales y sont restées intégrées[11]. Ainsi, l'évêché de Bâle se compose de douze bailliages, dont neuf au nord demeurent sous la juridiction du Saint-Empire, tandis que les trois autres, situés au sud, sont alliés à la Confédération. La prévôté de Moutier-Grandval, quant à elle, est liée à Berne par une combourgeoisie depuis [11].
De 1792 à 1815
[modifier | modifier le code]En , la Principauté épiscopale de Bâle, vassale du Saint-Empire romain germanique, s'effondre face aux troupes de la Révolution française. La République française s'empare alors de son territoire. Le de la même année, les autorités françaises proclament la République rauracienne, qualifiée de « République sœur ». Cette dernière regroupe uniquement les actuels districts de Delémont, Porrentruy, Franches-Montagnes, Laufon, ainsi que les régions de La Courtine et du Birseck[12].
La France vise, cependant, l'annexion de l'ancien Évêché dans son ensemble[11]. Le , la République rauracienne est dissoute et annexée au territoire français le pour former le département du Mont-Terrible, à l'exception du bailliage de Schliengen, situé de l'autre côté du Rhin[12]. Les régions protestantes du sud, comprenant les actuels districts de Courtelary, La Neuveville et Bienne ainsi que la prévôté de Moutier-Grandval, abrite une majorité d'anabaptistes avait fui les persécutions des villes et des régions du Plateau suisse. Formant ainsi une minorité alémanique significative, ceux-ci bénéficient de l'épargnement grâce à leurs alliances avec la Confédération suisse, notamment avec Berne et Fribourg. Cependant, cette neutralité prend fin avec l'invasion de la Suisse par Napoléon en [13],[14]. Ces régions, ainsi que la ville de Bienne, sont alors intégrées au département du Mont-Terrible. Le , le Mont-Terrible est dissous et ses territoires sont rattachés au département du Haut-Rhin[15].
XIXe siècle
[modifier | modifier le code]De 1815 à 1900
[modifier | modifier le code]Congrès de Vienne et rattachement à Berne
[modifier | modifier le code]La défaite de Napoléon entraîne une redistribution des territoires européens[15]. Lors des négociations du Congrès de Vienne, le territoire jurassien, désigné comme la « Principauté de Porrentruy », est représenté par Melchior Delfils et Conrad de Billeux. Ces derniers, aux côtés des représentants de la ville de Bienne et des grandes familles de Delémont et de Courtelary, revendiquent la création d'un canton indépendant, idéalement dirigé par le prince-évêque de Bâle. Toutefois, les délégations suisses ne tiennent pas compte de cette demande, étant particulièrement préoccupées par le sentiment revanchard du canton de Berne, qui a perdu le Pays de Vaud et la Basse-Argovie, récemment devenus indépendants en [16]. Après neuf mois de négociations, le Congrès de Vienne annonce ses décisions concernant la Suisse le . En plus de la proclamation de la neutralité perpétuelle de la Suisse, il est décidé d'intégrer la République de Genève, la Principauté de Neuchâtel et l'ancienne République rhodanienne sous forme de cantons. La « Principauté de Porrentruy » est finalement rattachée au canton de Berne, tandis que les territoires de Birseck et Pfeffingen sont annexés au canton de Bâle[N 3],[17].
Accompagnant l'annexion des territoires, un Acte de réunion est élaboré pour chacun des deux cantons. Concernant Berne, l'Acte comprend vingt-cinq articles. Neuf d'entre eux portent sur la garantie de la religion catholique comme culte public dans les communes où elle était établie, abordant des questions telles que l'évêché, l'enseignement religieux, le choix et la rémunération des curés, ainsi que la pension du prince-évêque. D'autres articles traitent de la situation juridique des Jurassiens, de la liberté de religion pour les anabaptistes, du maintien ou de l'abolition des codes civil et pénal français, des questions fiscales, du rétablissement des bourgeoisies et du régime particulier de la ville de Bienne[18].
Cependant, le canton de Berne exprime certaines réticences face à cette annexion, en raison de la diversité des traditions locales, de l'absence d'unité entre un Nord catholique et un Sud réformé, ainsi que de l'influence d'anciennes coutumes et d'une législation française moderne. Néanmoins, le canton finit par accepter l'annexion et signe l'Acte de Réunion le à Bienne, intégrant le Jura à son territoire le [19]. Certains hommes politiques bernois, cependant, considèrent cette compensation pour la perte du Pays de Vaud et de la Basse-Argovie comme peu satisfaisante, évoquant, selon une formule devenue célèbre, « un méchant grenier à la place d'une cave et d'une grange »[20].
Première Question jurassienne
[modifier | modifier le code]À partir du rattachement du Jura au canton de Berne, la cohabitation entre les Jurassiens et Berne ne pose pas de problèmes majeurs. Cependant, de profondes divergences émergent après les révolutions de 1830[16]. L'origine de ces mécontentements réside en partie dans des divergences culturelles, linguistiques, juridiques et religieuses[20].
Le , Xavier Stockmar, Olivier Seuret, Auguste Quiquerez et Louis Quiquerez se réunissent au château de Morimont pour prêter le « Serment de Morimont », dans le but de « délivrer le Jura de l'oligarchie bernoise »[N 4]. Par ce serment, les quatre protagonistes fondent le premier mouvement de séparatisme[21]. Xavier Stockmar compose alors un chant populaire intitulé la Rauracienne. Un second mouvement séparatiste émerge en réponse à la volonté des autorités bernoises et d'autres cantons réformés de soumettre l'Église catholique à l'autorité de l'État, à l'instar de ce qui est déjà en vigueur pour l'Église réformée[20].
En , Xavier Stockmar publie une proclamation réclamant l'autonomie du Jura par rapport à l'Ancien canton. Parallèlement, dans le vallon de Saint-Imier, le pasteur Charles-Ferdinand Morel accuse le Conseil-exécutif bernois de chercher à « germaniser les districts jurassiens du sud ». En réaction, le Grand Conseil bernois émet un appel à dénoncer tous les groupes aux idées séparatistes, un appel que les communes jurassiennes refusent d'afficher. Les manifestations en faveur du séparatisme se multiplient, incitant le Conseil-exécutif bernois à ordonner l'arrestation de Xavier Stockmar, qui, en , a levé une troupe de patriotes, occupé Delémont et renversé le bailli de Moutier. C'est en 1833 que le terme de « Question jurassienne » apparaît[20] ; le Conseil-exécutif bernois demande alors aux préfets jurassiens de dénoncer tout groupe aux aspirations séparatistes. En , Xavier Stockmar est révoqué du Grand Conseil bernois et se voit contraint de s'exiler en France l'année suivante. Les députés sympathisants, réunis à Glovelier, renouvellent leur demande d'autonomie pour le Jura et érigent plusieurs arbres de la liberté dans la région de Courtelary[22].
Entre et , plusieurs troubles éclatent dans les districts jurassiens. Le Jura est alors occupé à plusieurs reprises par des troupes bernoises, qui emprisonnent et imposent des amendes aux manifestants[N 5]. Le , la Société jurassienne d'émulation est fondée à Porrentruy par Xavier Stockmar et douze autres personnes[N 6]. Cette société, apolitique et interjurassienne, a pour objectif de promouvoir et de valoriser le patrimoine historique du Jura, de soutenir la création artistique et d'encourager la recherche dans divers domaines culturels. En , les députés bernois d'origine jurassienne parviennent à démontrer que, depuis , leurs concitoyens paient proportionnellement plus d'impôts que les contribuables de l'ancien canton, avant de quitter la salle du Grand Conseil bernois[23].
Bien que l'Acte de réunion de reconnaisse la liberté de conscience, le Kulturkampf sévit dans le Jura, majoritairement catholique. En , le Grand Conseil bernois supprime un certain nombre de fêtes catholiques, tandis que le Conseil-exécutif bernois interdit aux religieuses d'enseigner dans les écoles publiques. En , l'évêque de Bâle est destitué de ses fonctions. Par la suite, trente-sept prêtres et deux cent vingt-six laïcs sont incarcérés, et plusieurs personnes se réfugient en France. La population jurassienne résiste en faisant revenir secrètement les prêtres, qui célèbrent la messe clandestinement dans des granges. Ce n'est qu'en , avec l'adoption de la nouvelle Constitution fédérale, que les tensions religieuses commencent à s'atténuer. La Confédération ordonne au canton de Berne d'annuler les mesures discriminatoires. De ces années difficiles pour la communauté catholique naîtra une volonté d'indépendance[24],[25].
Néanmoins, l'Acte de réunion imposé à Berne en est progressivement démantelé par ce dernier. En , une réforme fiscale est imposée aux Jurassiens, suivie de l'instauration du code civil bernois, qui remplace le Code civil français établi en [N 7]. Enfin, le référendum de soumet le Jura à « la loi du nombre d'électeurs alémaniques »[26]. Les autorités bernoises entament alors un processus de germanisation de la région en créant une soixantaine d'écoles de langue allemande. En réaction, les Jurassiens expriment leur mécontentement par les urnes : en , ils rejettent le projet de révision de la Constitution bernoise de . En , ils s'opposent au projet de Constitution révisée par 15 715 voix contre 4 581. Un troisième refus a lieu en , avec un vote de 9 781 voix contre 2 167. Le , la population bernoise approuve la nouvelle Constitution bernoise par 56 424 voix pour et 15 565 contre. Toutefois, le Jura la rejette avec 9 984 voix contre 2 189. Cette nouvelle Constitution néanmoins adoptée supprime toute individualité politico-juridique pour les citoyens jurassiens, entraînant l'abrogation de tous les articles de l'Acte de réunion[27].
En , le Conseil-exécutif bernois, dans le but d'éviter l'émergence d'un culte du passé jurassien distinct de celui du canton de Berne, décide de transférer à Berne les archives de l'ancienne principauté jurassienne ainsi que celles de la période française, auparavant conservées à Porrentruy[23].
XXe siècle
[modifier | modifier le code]De 1900 à 1940
[modifier | modifier le code]Dès , les implantations d'écoles de langue allemande deviennent plus significatives. Les débats au Grand Conseil bernois et au Conseil national à ce sujet s'avèrent particulièrement virulents. Les Jurassiens accusent les autorités bernoises de tenter de germaniser la région. Certains députés bernois évoquent même la possibilité d'une séparation du territoire et du transfert du district de Laufon au demi-canton de Bâle-Campagne[20]. Trois ans plus tard, en , Albert Joray fonde la Société jurassienne de développement, renommée Pro Jura en . Cette société a pour objectif de promouvoir l'attrait touristique et culturel de la région jurassienne[28].
En , le Conseil-exécutif bernois exprime son souhait d'organiser une manifestation en pour célébrer le centenaire du rattachement du Jura au canton de Berne. Cependant, les réactions défavorables et l'opinion publique jurassienne font échouer ce projet[20].
Dès , à la demande des autorités bernoises, le Bureau topographique fédéral procède à la germanisation des noms des villages d'Elay, qui devient Seehof, et de La Scheulte, qui devient Schelten[29]. Suite à cette décision, Léon Froidevaux publie un article séparatiste dans le journal Petit Jurassien[30]. Prenant en considération une requête du Conseil communal de La Scheulte et de la Société jurassienne d'Émulation, le Conseil-exécutif bernois décide de réexaminer sa décision. Il invite alors les communes d'Elay et de La Scheulte à choisir entre la dénomination française ou allemande. Par votation, les deux communes optent toutefois pour la dénomination allemande[20].
Le , une assemblée de notables réunie à Delémont accepte de déterrer l'idée d'organiser la célébration du centième anniversaire du rattachement du Jura au canton de Berne. Alfred Ribeaud, vice-président de la Société jurassienne d'Émulation, propose alors de créer un drapeau pour le Jura[31]. Celui-ci est conçu par l'héraldiste neuchâtelois Jean Grellet, qui élabore un drapeau arborant la crosse de Bâle et un faisceau, accompagné de la devise « Vivre libre ou mourir »[32],[33]. Cependant, ce drapeau tombe rapidement dans l'oubli. Avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale et les tensions croissantes entre les communautés romandes et alémaniques, la célébration du centenaire est reportée à une date ultérieure, qui ne sera finalement jamais fixée[20]. C'est dans ce contexte que Léon Froidevaux exprime à nouveau, dans le Petit Jurassien du , son souhait de séparation entre le Jura et Berne. Il écrit, sous le titre « Autonomie jurassienne », que « le Jura est l'Alsace-Lorraine des Bernois »[20]. Le , son journal est suspendu par le Conseil fédéral, mais il réapparaît sous un autre nom six jours plus tard : Le Drapeau jurassien. Léon Froidevaux y dénonce la germanophilie des officiers supérieurs de l'armée suisse et, le , il est condamné à quatorze jours de prison par la justice militaire[30].
Le , le premier Mouvement séparatiste jurassien est fondé sous la présidence d'Albert Eberhardt, qui, confronté à des menaces, doit démissionner. Il est alors remplacé par Louis Merlin. Alfred Ribeaud, devenant l'animateur principal du mouvement, s'emploie à faire connaître la problématique jurassienne à l'ensemble de la Suisse et propose la création d'un canton du Jura : « Nous voulons rompre la chaîne qui nous lie...et rien ne saurait nous en empêcher, ni les chevaliers de l'assiette au beurre, ni la fosse aux ours tout entière. Nous sommes prêts ! »[20]. Il publie plusieurs écrits, tels que Introduction à l'étude de la Question jurassienne, Au temps des cerises, La Question jurassienne et Nous voulons l'autonomie. Le Mouvement séparatiste jurassien s'engage également dans la constitution d'un Comité pour la création d'un canton du Jura, comprenant une commission exécutive. Toutefois, ce projet demeure à l'état de latence[20].
La grande crise économique des années 1930 touche profondément les ouvriers jurassiens, suscitant un fort ressentiment à leur égard envers Berne. Se plaignant tantôt de l'insuffisance des aides, tantôt des retards dans l'octroi de secours, ou encore des humiliations infligées aux chômeurs, ils organisent une marche en grand nombre sur la préfecture de Courtelary[23].
De 1940 à 1970
[modifier | modifier le code]Les historiens situent généralement l'émergence de la Question jurassienne sous sa forme actuelle dans les années 1940. En effet, dès , la Société jurassienne d’Émulation et Pro Jura adressent plusieurs requêtes au Conseil-exécutif bernois concernant le « problème jurassien »[20]. Cependant, en , le Conseil-exécutif bernois entreprend une germanisation administrative de la commune du Mont-Tramelan, avec l'intention d'étendre cette démarche à d'autres communes environnantes à majorité germanophone. Par ailleurs, de nombreuses écoles primaires de langue allemande continuent de s'ouvrir[34]. Ces actions, qui portent atteinte au principe de territorialité des langues, suscitent une vive indignation parmi les Jurassiens et exacerbent considérablement les tensions[35].
« Affaire Moeckli »
[modifier | modifier le code]Pour apaiser les tensions croissantes, le Conseil-exécutif bernois propose au Grand Conseil bernois, le , d'attribuer à Georges Moeckli, conseiller d'État socialiste, la direction du Département des travaux publics et des chemins de fer, un poste stratégique en raison du développement des transports après la Seconde Guerre mondiale[N 8]. Cependant, sous l'impulsion du député PAB Hans Tschumi, le Grand Conseil bernois rejette cette proposition par 92 voix contre et 62 pour, arguant que la maîtrise insuffisante du dialecte bernois par Moeckli pourrait poser des problèmes de communication : « Je m'oppose à ce changement car la majorité des habitants du canton de Berne ne peuvent pas s'adresser en français à monsieur Moeckli »[36]. Finalement, c'est le socialiste Samuel Brawand (de) qui obtient ce poste. Cette décision suscite indignation et révolte dans le Jura, et dès le , l'Association pour la défense des intérêts du Jura, rejointe par la Société jurassienne d’Émulation, proteste contre l'éviction de Moeckli. Les députés jurassiens et ceux de la Bienne romande, réunis au sein de la « Députation jurassienne » pour défendre les intérêts de la région, demandent un réexamen de cette décision. Le , le Grand Conseil bernois refuse cette requête par 68 voix contre et 66 pour[20],[37]. Le président du parlement de l'époque déclare : « J'espère que cette décision ne laissera pas de sentiments d'amertume »[36].
Lutte des idées
[modifier | modifier le code]Le , sous l'initiative de René Fell, une manifestation regroupant 2 000 personnes se tient devant l'Hôtel de Ville de Delémont. Lors de cet événement, plusieurs intervenants, dont Pierre Marti, Arthur Juillerat, Daniel Charpilloz, Joseph Chételat, Émile Giroud, Virgile Moine, Jean Gressot et Georges Diacon, prennent la parole pour revendiquer la « libération du Jura »[N 9].
« Le Jura peut et doit former un canton »
— Daniel Charpilloz, industriel et directeur de Malleray Watch
En conséquence, un Comité d'action pour la défense des droits du Jura, qui sera ultérieurement renommé « Comité de Moutier », est constitué à Delémont le par Louis Bueche et René Steiner, rassemblant 23 membres. Ce comité a pour mission d'établir un catalogue de revendications et de mener des « études juridiques, constitutionnelles, économiques et financières sur la question d'une éventuelle autonomie jurassienne »[38],[39]. En réponse à ces initiatives, le Conseil-exécutif bernois informe le Grand Conseil bernois de la résurgence des idées séparatistes dans le Jura, affirmant son intention de ne jamais accorder l'indépendance à ce territoire, en soulignant l'existence d'autres cantons bilingues au sein de la Confédération. Sous l'impulsion de Daniel Charpilloz, le deuxième Mouvement séparatiste jurassien (MSJ) est fondé le à Moutier, avec la participation de Roland Béguelin, Roger Schaffter et 19 autres personnes. Ce groupe réclame la séparation du territoire jurassien du canton de Berne afin de créer un nouveau canton au sein de la Confédération, englobant les sept districts de Delémont, Porrentruy, Les Franches-Montagnes, Moutier, Courtelary, La Neuveville et Laufon[40],[41]. Toutefois, une difficulté particulière se pose : celle du district de Laufon, à majorité germanophone. Pour répondre à cette situation, le Mouvement séparatiste jurassien envisage d'accorder un statut spécial à ce district dans la perspective de la création d'un futur canton[42].
À la fin de l'année, à la demande de Pro Jura, un nouveau drapeau identitaire au peuple jurassien est conçu par Paul Boesch et adopté par les mouvements séparatistes[43]. Le , la société coopérative du Jura Libre est fondée par Roland Béguelin, Roger Schaffter et Roger Chatelain[44]. Cette société d'édition publiera leur nouveau journal de propagande séparatiste, Le Jura Libre. Finalement, le de la même année, le « Comité de Moutier » remet aux autorités bernoises une brochure intitulée La Question jurassienne présentée au Gouvernement du Canton de Berne, qui énonce ses revendications économiques, culturelles et politiques. Ce document se conclut par une demande d'un système fédéraliste et bicaméral au sein de l'État de Berne, ainsi que l'octroi de garanties constitutionnelles pour la minorité linguistique[38]. En ne réclamant pas une séparation nette du territoire, le Mouvement séparatiste jurassien considère que le rapport est peu concluant et juge le « Comité de Moutier » insuffisamment combatif. Cependant, il insiste sur l'importance de faire reconnaître le peuple jurassien vivant dans le canton de Berne dans la Constitution bernoise comme première étape. À partir de ce moment, le Mouvement séparatiste jurassien s'engage à diffuser cet objectif de séparation cantonale à l'ensemble de la population jurassienne, en multipliant tracts, démarchages et manifestations. De son côté, le Conseil-exécutif bernois rejette toutes les revendications formulées dans le rapport du « Comité de Moutier ».
Le , en commémoration de l'« Affaire Moeckli », la première Fête du peuple jurassien est organisée, s'étalant sur trois jours[45]. Cet événement est désormais célébré chaque année.
À partir du , plusieurs associations jurassiennes sollicitent l'homologation du drapeau jurassien auprès des autorités bernoises[20].
Reconnaissance
[modifier | modifier le code]Redoutant une aggravation de la situation, les autorités bernoises soumettent, le , plusieurs propositions d'articles à intégrer à la Constitution bernoise, dans le but de répondre à la question jurassienne et aux revendications émergentes (répertoriées sous le nom de Livre blanc). Ces propositions incluent la reconnaissance d’un « peuple jurassien », le respect de la parité linguistique dans les actes administratifs, la représentation du Jura au sein du Conseil exécutif bernois, ainsi que des mesures constitutionnelles de protection en faveur de cette région. Soumises au vote de l'ensemble de la population bernoise le , ces modifications sont adoptées par 69 089 voix contre 7 289[N 10],[46].
Bien que largement soutenues, ces réformes apparaissent insuffisantes aux yeux du Mouvement séparatiste jurassien. Afin de fédérer l’ensemble des Jurassiens autour de l’objectif commun de l’indépendance, Roland Béguelin lance une campagne de ralliement. Avec la collaboration de Roger Schaffter, il revisite le chant populaire ajoulot La Rauracienne, en en modifiant les paroles, et le rebaptise La Nouvelle Rauracienne, qui devient l’hymne des séparatistes[47],[48]. Le , soucieux d’affirmer son caractère apolitique et non confessionnel, le Mouvement séparatiste jurassien se rebaptise Rassemblement jurassien (RJ)[40]. Trois jours plus tard, le Conseil exécutif bernois publie un arrêté officialisant la reconnaissance d’un drapeau jurassien pour la région[20].
Les revendications séparatistes ne faiblissant pas et suite à la dissolution du « Comité de Moutier », le Conseil exécutif bernois envisage la création d'un organisme pro-bernois. Ainsi, le , Eric Dellenbach, René Gagnebin, René Vuilleumier, Philippe Monnier et Roland Stähli fondent l’Union des patriotes jurassiens (UPJ) à Reconvilier. Cet organisme, fermement pro-bernois et opposé à toute velléité de séparation, défend les nouveaux articles constitutionnels bernois récemment adoptés et s’oppose à toute idée de scission du territoire jurassien[49]. En , l’Union des patriotes jurassiens lance son journal de propagande, Le Jurassien.
Parallèlement, les mouvements séparatistes réclament que la Confédération organise rapidement un plébiscite d’autodétermination pour le Jura. Le Conseil exécutif bernois rétorque que l'organisation d'un tel plébiscite relève non de la Confédération, mais du canton concerné, conformément aux dispositions de la Constitution fédérale qui garantit l'intégrité territoriale des cantons[20].
Tout au long de l'année, le Rassemblement jurassien multiplie les manifestations et actions dans diverses villes et villages du Jura. Les milieux antiséparatistes, de leur côté, s’organisent également et engagent la lutte. L’Union des patriotes jurassiens publie une pétition contre la séparation du Jura et des contre-manifestations sont organisées dans les localités jurassiennes[20]. Des sections locales des deux camps, tant du Rassemblement jurassien que de l’Union des patriotes jurassiens, se forment dans les différents districts et villages clés.
Face à cette montée des tensions, les autorités bernoises déclarent leur ferme intention de « s'opposer par tous les moyens à la séparation » tout en appelant à la modération et à une compréhension mutuelle[20]. À partir de , le Rassemblement jurassien évoque l’idée de lancer une initiative, qu’elle soit fédérale ou cantonale, portant sur l’autodétermination des sept districts jurassiens[20].
Première place d'armes
[modifier | modifier le code]L'affaire de la « la place d'armes des Franches-Montagnes » jouera un rôle de catalyseur dans la Question jurassienne. En , le Département militaire de la Confédération, qui s'intéressait déjà à cette région depuis les années , engage secrètement des démarches en vue d'acquérir environ 350 hectares de terres agricoles pour y implanter une place d'armes destinée aux blindés[50]. Une fois informée, la population des vingt communes concernées exprime fermement son opposition, soutenue par une majorité des Jurassiens. Face à cette vive contestation et au contexte délicat dans la région, la Confédération décide de renoncer au projet et revend les terres acquises au canton de Berne, tout en conservant un droit de préemption[51]. Le canton de Berne justifie alors cet achat en déclarant avoir acquis ces terrains afin « d'empêcher une affectation de ces immeubles contraire aux vœux de l'opinion publique de la région »[52].
Première votation
[modifier | modifier le code]Le , le Rassemblement jurassien annonce le lancement d'une initiative cantonale « en vue d'organiser dans le Jura une consultation populaire sur le problème de l'autonomie ». Si cette votation aboutit favorablement, une initiative fédérale sera déposée en vue de demander la reconnaissance du Jura en tant que canton à part entière[53]. L'initiative cantonale est officiellement lancée le et recueille 23 336 signatures ou 24 007 signatures (Seules 23 336 signatures sont acceptées par la Chancellerie bernoise)[54]. Elle est déposée à la Chancellerie bernoise le . Les autorités bernoises jugent l'initiative irrecevable. En effet, la demande consiste en l'organisation d'un plébiscite exclusivement dans le Jura, soit une consultation populaire sans valeur juridique et limitée à une seule partie du canton, ce qui contrevient à la Constitution. Cependant, en raison de l'importance de la question soulevée, les autorités bernoises décident malgré tout d'accepter l'initiative en se fondant sur le principe du droit à l'initiative[54].Elle est finalement soumise à votation cantonale le [N 11],[56]. Le Rassemblement jurassien subit alors un revers, la population bernoise rejeté l'incitative à un peu moins de 80 %; dans le Jura même, l'initiative est rejetée par 16 355 voix contre 15 159, soit 51,9 % de non contre 48,1 % pour le oui[57],[58]. Le oui l'emporte néanmoins dans trois des sept districts jurassiens[36]. Ce refus marqué dans quatre des sept districts jurassiens reflète la crainte de devenir minoritaire sur le plan religieux dans un nouveau canton à légère majorité catholique. De plus, sur le plan économique, le contexte est celui d'une crise préoccupante[53].
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (blancs & nuls) | Statistiques | Résultat | Carte | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | |||||||||||||||||
« Souhaitez-vous qu'une consultation populaire soit organisée dans le Jura afin de sonder l'opinion des Jurassiens quant à une séparation du Jura d'avec Berne ? » | Aarberg | 106 | 4,6 % | 2 221 | 95,4 % | 9 | 2 336 | 36,2 % | Rejetée | |||||||||||||
Aarwangen | 257 | 6,8 % | 3 495 | 93,2 % | 22 | 3 774 | 36,2 % | Rejetée | ||||||||||||||
Berne | 2 869 | 13,5 % | 18 314 | 86,5 % | 203 | 21 386 | 33,3 % | Rejetée | ||||||||||||||
Bienne | 1 992 | 24,8 % | 6 048 | 75,2 % | 171 | 8 211 | 47,9 % | Rejetée | ||||||||||||||
Büren | 115 | 5,9 % | 1 834 | 94,1 % | 12 | 1 961 | 39,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
Berthoud | 391 | 9,6 % | 3 668 | 90,4 % | 26 | 4 085 | 37 % | Rejetée | ||||||||||||||
Cerlier | 58 | 5,9 % | 919 | 94,1 % | 6 | 983 | 39,7 % | Rejetée | ||||||||||||||
Courtelary | 1 532 | 23,8 % | 4 911 | 76,2 % | 102 | 6 445 | 85,5 % | Rejetée | ||||||||||||||
Delémont | 4 131 | 71,9 % | 1 614 | 28,1 % | 108 | 5 853 | 86,5 % | Acceptée | ||||||||||||||
Franches-Montagnes | 1 794 | 76 % | 568 | 24 % | 37 | 2 399 | 92,6 % | Acceptée | ||||||||||||||
Fraubrunnen | 136 | 6,4 % | 1 990 | 93,6 % | 26 | 2 152 | 41,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
Frutigen | 61 | 7,4 % | 765 | 92,6 % | 4 | 830 | 19,2 % | Rejetée | ||||||||||||||
Gessenay | 36 | 10,1 % | 321 | 89,9 % | 5 | 362 | 15,9 % | Rejetée | ||||||||||||||
Interlaken | 254 | 9,1 % | 2 541 | 90,9 % | 28 | 2 823 | 29,8 % | Rejetée | ||||||||||||||
Konolfingen | 194 | 5,5 % | 3 338 | 94,5 % | 9 | 3 541 | 33,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
La Neuveville | 364 | 34,5 % | 691 | 65,5 % | 18 | 1 073 | 81,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
Laupen | 53 | 4,7 % | 1 065 | 95,3 % | 6 | 1 124 | 37,8 % | Rejetée | ||||||||||||||
Laufon | 533 | 26,9 % | 1 450 | 73,1 % | 44 | 2 027 | 62,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
Moutier | 2 566 | 34,3 % | 4 912 | 65,7 % | 126 | 7 604 | 88,7 % | Rejetée | ||||||||||||||
Nidau | 181 | 8 % | 2 077 | 92 % | 17 | 2 275 | 36,9 % | Rejetée | ||||||||||||||
Niedersimmental | 122 | 9,1 % | 1 215 | 90,9 % | 13 | 1 350 | 27,6 % | Rejetée | ||||||||||||||
Oberhasli | 38 | 8,4 % | 412 | 91,6 % | 5 | 455 | 20,6 % | Rejetée | ||||||||||||||
Obersimmental | 47 | 9,5 % | 448 | 90,5 % | 7 | 502 | 21,6 % | Rejetée | ||||||||||||||
Porrentruy | 4 239 | 65,7 % | 2 209 | 34,3 % | 100 | 6 548 | 88,2 % | Acceptée | ||||||||||||||
Schwarzenburg | 31 | 5,4 % | 543 | 94,6 % | 5 | 579 | 20,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
Seftigen | 161 | 7,9 % | 1 866 | 92,1 % | 9 | 2 036 | 30,4 % | Rejetée | ||||||||||||||
Signau | 71 | 3,8 % | 1 776 | 96,2 % | 5 | 1 852 | 24,5 % | Rejetée | ||||||||||||||
Thoune | 522 | 10 % | 4 713 | 90 % | 37 | 5 272 | 28,6 % | Rejetée | ||||||||||||||
Trachselwald | 104 | 4,9 % | 2 018 | 95,1 % | 20 | 2 142 | 29,3 % | Rejetée | ||||||||||||||
Wangen | 163 | 7 % | 2 173 | 93 % | 17 | 2 353 | 36,2 % | Rejetée | ||||||||||||||
Personnel militaire | 9 | 25,7 % | 26 | 74,3 % | 1 | 36 | ø | Rejetée | ||||||||||||||
Sous-total | Jura bernois | 15 159 | 48,1 % | 16 355 | 51,9 % | 535 | 32 049 | 85,3 % | Rejetée | |||||||||||||
Reste du canton | 7 971 | 11,1 % | 63 786 | 77,6 % | 663 | 72 420 | 32,9 % | Rejetée | ||||||||||||||
Total | Canton de Berne | 23 130 | 22,4 % | 80 141 | 77,6 % | 1 198 | 104 469 | 41,2 % | Rejetée | |||||||||||||
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Source : Gazette de Lausanne, Journal de Genève et Archives d'État du canton de Berne[59],[60],[61],[62] Note : Plusieurs sources rapportent des chiffres divergents. Les nombres indiqués ici sont ceux qui reviennent le plus fréquemment[63]. |
Le Rassemblement jurassien attribue cet échec à l'immigration massive d'Alémaniques dans la partie méridional du Jura au cours du XIXe siècle, qu'il accuse d'avoir influencé le résultat du scrutin[20]. Selon l'association, ce résultat illustre clairement une « colonisation germanophone ayant été trop loin et ayant rongé le Jura industriel du Sud »[53]. En outre, il critique l’organisation de cette votation, estimant que les lois bernoises en vigueur désavantagent le peuple jurassien.
Malgré cet échec, le Rassemblement jurassien ne se résigne pas. Sous la direction de ses leaders, notamment Roland Béguelin, l'association entreprend une restructuration en profondeur. Les membres du Rassemblement jurassien décident d’intensifier les manifestations et actions militantes, tout en misant résolument sur la mobilisation de la jeunesse[64]. Dès , l'association projette de lancer quatre nouvelles initiatives cantonales afin d’améliorer les conditions des Jurassiens[20]. Béguelin abandonne le discours géographique du Jura historique au profit d'une approche axée sur le Jura ethnique. Selon lui, la question ne relève plus d'une délimitation territoriale, mais d'une question d'identité. Le peuple jurassien représente les francophones, tandis que les germanophones et les immigrants d'origine bernoise ne devraient pas avoir voix au chapitre sur ce sujet. C'est dans ce contexte qu'une difficulté se pose : le cas particulier du district de Laufon. Bien qu'historiquement jurassien, ce district, majoritairement germanophone, est exclu du projet d'intégration au futur canton du Jura. Le Rassemblement jurassien admet alors la possibilité d'un canton du Jura composé de six districts francophones.
La même année, le député PDC au Grand Conseil bernois, Jean Wilhelm, issu du courant séparatiste, critique les deux représentants du Jura au Conseil exécutif bernois, Virgile Moine et Henri Huber, ce qui lui vaut une suspension de la Députation jurassienne. Cette décision suscite de nombreuses manifestations de protestation. Par ailleurs, le député PAB au Grand Conseil bernois, Hans Tschumi, représentant le courant antiséparatiste, et le président du Rassemblement jurassien, André Francillon, se portent candidats à l'élection du siège jurassien au Conseil exécutif bernois. Les partisans des deux camps lancent alors une campagne en faveur de leurs candidats respectifs. Finalement, Hans Tschumi est élu le , bien qu'il exprime des regrets d'avoir été à l'origine de « l'Affaire Moeckli » en [20].
Sous l'impulsion de Roland Béguelin, l'Association suisse des Amis du Jura Libre (SAJL) est fondée le . Cette association regroupe des membres non jurassiens de l'arc lémanique et vise à sensibiliser les personnalités et les intellectuels romands à la Question jurassienne à travers des conférences et des initiatives diverses[65].
Le , sous l'initiative de Marcel Brêchet et Michel Gury, se constitue un groupe issu de la jeunesse séparatiste du Rassemblement jurassien : le Groupe Bélier[66],[67].
« Les années de braises »
[modifier | modifier le code]L'expression « Les années de braises » désigne la période allant de à , durant laquelle les tensions entre les séparatistes jurassiens et les pro-bernois atteignent leur paroxysme. Cette époque se caractérise par des échauffourées, des menaces envers des élus politiques, des boycotts de commerces et restaurants appartenant aux adversaires, des actes de vandalisme, des dégradations de drapeaux, ainsi que des protestations et des attentats visant des infrastructures[68].
Deuxième place d'armes
[modifier | modifier le code]En , le Département militaire de la Confédération relance son projet d'implantation dans les Franches-Montagnes, cette fois avec l'intention d'y établir un centre militaire pour les chevaux ainsi qu'une place d'armes pour la cavalerie. Pour ce faire, le canton de Berne revend les terres concernées à la Confédération. La population locale, qui s'était déjà fermement opposée à la création d'une place d'armes six ans auparavant, se sent trahie par les autorités fédérales et par le Conseil-exécutif bernois[69],[51]. Les séparatistes saisissent cette affaire pour illustrer l'inaction du canton de Berne face à la Confédération et son incapacité à défendre la volonté des Jurassiens[N 12]. C'est dans ce climat de tensions que le Front de Libération Jurassien (FLJ) voit le jour. Les 2 et , les premiers tags du « FLJ », peints en rouge, apparaissent sur trois écussons bernois ainsi que sur plusieurs grands panneaux de signalisation à Aesch, Brislach, Lucelle (de), sur la sentinelle des Rangiers, et sur deux panneaux de chantier à Moutier[70],[71],[72].
« Affaire Berberat », attentats et actions
[modifier | modifier le code]Le Conseil-exécutif bernois, considérant la question du séparatisme jurassien comme réglée, décide de prendre des mesures à l'encontre de toute personne suspectée de sympathie pour l'autonomie du Jura. En , le premier-lieutenant de l'armée suisse, Romain Berberat, prononce un discours en civil lors de la Fête du peuple jurassien, en tant que porte-parole des Jurassiens vivant à l'extérieur. Le , il est démis de son grade militaire par le Département fédéral militaire en raison de ses prises de position. Le Rassemblement jurassien dénonce cette décision, la qualifiant « d'illégal et contraire à la Constitution », et dépose plusieurs pétitions réclamant la réhabilitation de Romain Berberat ainsi que la démission de Virgile Moine[73],[74].
Dans la même période, Jean Wilhelm, député d'origine jurassienne au Grand Conseil bernois, est exclu de la Députation jurassienne pour « manque de respect à un membre jurassien du gouvernement bernois »[52]. De plus, le gendarme Robert Fleury est contraint de démissionner, accusé de sympathie à l'égard du mouvement séparatiste[52].
Ces événements attisent les tensions. Le , le Front de Libération Jurassien incendie la baraque militaire de Goumois, où des inscriptions « FLJ » et « Vive Berberaz » sont retrouvées sur les murs de soubassement[75].
Entre le et le , l'Association des Jurassiens de l'extérieur est fondée, regroupant les sections cantonales des Jurassiens établis hors du canton[76]. En réaction, les antiséparatistes créent l'Association des Jurassiens bernois de l'extérieur l'année suivante. Le de la même année, l'Association féminine pour la défense du Jura voit également le jour[77].
Le , le Front de Libération Jurassien incendie le baraquement militaire de Bourrignon, suivi, un mois plus tard, par l’incendie de la ferme des « Joux Derrière » à Montfaucon, située sur les terres prévues pour la future place d’armes[78],[79]. Le , la ferme « Sous-la-Côte » subit le même sort[80]. Face à ces actions, le , le Comité jurassien de vigilance démocratique est créé[81]. Ce comité, bien que ses dirigeants soient tous membres de l'Union des Patriotes Jurassiens, se revendique indépendant. Il soutient la création de la nouvelle place d’armes dans les Franches-Montagnes et affirme que les actes du Front de Libération Jurassien sont orchestrés par le Rassemblement Jurassien[82]. Le Front de Libération Jurassien intensifie alors ses actions avec une série d'attentats à l'explosif: l’explosion du chalet du Mont-Soleil le , celle de la scierie de Marc Houmard le , des voies CFF à Studen le , et enfin de la Banque cantonale bernoise à Delémont le [83],[84]. Ces actes sont unanimement condamnés par plusieurs associations séparatistes, antiséparatistes et le Conseil-exécutif bernois[20]. Fin , la police arrête les principaux membres du Front de Libération Jurassien : Jean-Marie Joset, Marcel Boillat et Pierre Dériaz[85],[86].
Les jeunes membres du Groupe Bélier intensifient également leurs actions. Dans la nuit du 8 au , 60 militants distribuent 300 000 tracts rédigés en allemand dans les villages du canton de Berne. Le , 10 000 autres tracts sont diffusés dans la ville de Berne, invitant les Bernois à répondre favorablement à l'appel du conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen, qui souhaitait l'ouverture de négociations entre Berne et le Jura[87].
Le , lors de la commémoration des anciens mobilisés des guerres de 1914-1918 et 1939-1945, au pied de la statue de la Sentinelle des Rangiers, près de 6 000 à 7 000 manifestants séparatistes interrompent la cérémonie au col des Rangiers[88]. Le conseiller fédéral Paul Chaudet et le conseiller d'État bernois Virgile Moine sont hués et ne peuvent terminer leurs discours. Cette même année, la Députation jurassienne réclame l'organisation d'un plébiscite sur la séparation du Jura, afin de mettre un terme à la question jurassienne[89]. Depuis le début des années 1960, la Députation jurassienne plaide pour l'organisation d'un plébiscite sur l'autonomie du Jura. Cependant, en , le Rassemblement jurassien annonce s'y opposer, estimant que l'organisation d'un tel scrutin ne devrait pas être confiée au canton de Berne, contre lequel les séparatistes luttent, mais à la Confédération. Le mouvement réclame également le droit de vote pour tous les Jurassiens établis à l'extérieur de la région. Selon le Rassemblement jurassien, un plébiscite orchestré par le canton de Berne ne serait qu'une répétition de la consultation populaire du , et ils prévoient d’appeler au boycott de ce vote, rejetant par avance ses résultats[20].
Le 13 septembre de cette même année, le Mouvement universitaire jurassien (MUJ) voit le jour. Fondé en réaction au refus du Conseil d'État vaudois de permettre aux séparatistes jurassiens de participer à l'Exposition nationale de 1964, ce mouvement regroupe les étudiants jurassiens séparatistes des universités romandes[90].
Dès le printemps , une nouvelle vague d'attentats, revendiqués par le Front de libération jurassien, secoue le Jura. Bien que les membres fondateurs du mouvement soient incarcérés, la police poursuit activement les responsables de ces actes[91]. Jean-Baptiste Hennin et Imier Cattin sont arrêtés en [92]. Le de la même année, la cour pénale fédérale condamne les trois premiers membres du Front de libération jurassien[93],[94],[95]. Bien que le Rassemblement jurassien n'ait jamais approuvé ces actes, ses membres tiennent néanmoins à exprimer leur solidarité envers les trois condamnés. Ils organisent des manifestations devant le Tribunal fédéral à Lausanne et lancent une collecte de fonds destinée à régler leurs amendes.
Parallèlement, l'Europe célèbre le 150e anniversaire du Congrès de Vienne, mais les milieux séparatistes jurassiens organisent des contre-manifestations face aux festivités bernoises dans diverses localités[20]. C’est dans ce climat de tension que Paul Gehler fonde un groupe de jeunes antiséparatistes, les Jeunesses civiques du Jura[96].
À la fin de l'année, plusieurs voix, tant au sein des milieux séparatistes que dans les cercles politiques, appellent à une médiation fédérale pour résoudre la Question jurassienne. Cependant, les autorités bernoises estiment que cette question relève de la compétence cantonale, et non de la Confédération[20]. En , deux nouvelles personnalités rejoignent le Conseil-exécutif bernois: Simon Kohler, ancien maire de Courgenay, et Ernst Jaberg, juge, tous deux fervents partisans de la création d'un nouveau canton jurassien. Le , le Conseil-exécutif bernois présente un plan pour résoudre la Question jurassienne. Celui-ci prévoit que, si les négociations sur un statut d'autonomie échouent, un plébiscite pourrait être organisé, permettant aux Jurassiens de se prononcer clairement sur leur souhait de rester dans le canton de Berne ou de former un nouveau canton. À la suite de cette annonce, l'Union des patriotes jurassiens se désolidarise de la Députation jurassienne et se déclare prête à s'opposer à tout plébiscite. De leur côté, les milieux séparatistes jugent qu'un plébiscite ne saurait résoudre la Question jurassienne et réitèrent leur demande d'une médiation fédérale[20].
Avec l'éventuelle organisation d'un plébiscite, les habitants du district germanophone de Laufon décident de saisir cette opportunité. Un mouvement séparatiste, Laufen zu Basel, est ainsi créé, visant à obtenir le rattachement de ce district au canton voisin de Bâle-Campagne. Face à cette situation, le Rassemblement jurassien réévalue ses objectifs. Il reconnaît le droit à l'autodétermination des habitants de ce district germanophone et souhaite qu'ils puissent également s'exprimer en faveur de leur propre avenir[55].
Finalement, la même année, le Département fédéral militaire abandonne tout projet d'implantation d'une place d'armes dans les Franches-Montagnes. Les terrains concernés sont restitués aux communes de Lajoux, des Genevez et de Montfaucon[69]. Le Département fédéral militaire se tourne alors vers un autre site situé en Ajoie, sur le territoire de la commune de Bure. Contrairement à la controverse suscitée par la place d'armes des Franches-Montagnes, celle de Bure est acceptée par la population locale, qui demeure encore relativement indécise sur la question du séparatisme jurassien[51].
Rapports des deux commissions
[modifier | modifier le code]Les négociations s'ouvrent donc sur l'instauration d'un statut d'autonomie pour le Jura au sein du canton de Berne. Le , le Conseil exécutif bernois établit la « Commission des Vingt-quatre », composée de douze membres bernois et de douze jurassiens, sous la présidence de Robert Bauder, conseiller d'État bernois et directeur de la police. Cette Commission a pour mission d'élaborer une liste des revendications jurassiennes. Son rapport, intitulé « Les données actuelles du problème jurassien , est présenté le . La première partie s'efforce de « démontrer que la minorité jurassienne bénéficie d'une situation tout à fait enviable au sein du canton de Berne »[N 13]. La seconde partie retrace « les contacts pris entre la Commission et les différents acteurs jurassiens dans le but de présenter un état des lieux des différentes positions face à la Question jurassienne ». Cette démarche inclut notamment des discussions avec le RJ, l'UPJ et le GIPUC, ainsi qu'avec les préfets du Jura et de Bienne, les communes de Bienne et Laufon, des associations économiques, des établissements universitaires, des associations culturelles, ainsi que les Églises. Toutefois, avant sa publication, le rapport fait l'objet de vives discussions au sein de la Délégation du Conseil exécutif pour les Affaires jurassiennes (DCEAJ), qui veille attentivement sur la situation. La « Commission des Vingt-quatre » ne dispose donc pas d'une pleine autonomie vis-à-vis du Conseil exécutif bernois[97]. En conséquence, les mouvements séparatistes, demeurant méfiants, choisissent d'ignorer ce rapport et poursuivent leurs actions. Dans le contexte de Mai 68, les confrontations entre groupes séparatistes et antiséparatistes s'intensifient. Le Groupe Bélier mène plusieurs actions emblématiques, notamment l'irruption au Palais fédéral lors de l'élection de Ludwig von Moos à la présidence de la Confédération, ainsi que la barricade de 120 jeunes membres dans la préfecture de Delémont le , armés de vivres, de matériel de transmission, de haut-parleurs et de drapeaux jurassiens. Cette occupation dure environ vingt heures et mobilise plus d'un millier de militants, qui bloquent l'accès au bâtiment, empêchant ainsi toute intervention policière. Face à cette situation, le Conseil exécutif bernois se voit contraint de soumettre, le , une proposition de disposition constitutionnelle au Grand Conseil bernois, permettant d'organiser un éventuel plébiscite dans le Jura. Parallèlement, le Conseil fédéral, en proie à la panique et craignant une montée de la violence, décide le de déployer l'armée dans le Jura pour protéger, à titre préventif, les installations militaires[98]. De son côté, le RJ dénonce cette occupation militaire du territoire. Ces mesures prennent fin le [99].
Parallèlement, convaincu qu'un statut d'autonomie constitue la solution adéquate pour résoudre la Question jurassienne, le Conseil exécutif bernois sollicite l'assistance de la Confédération. Sur proposition du Conseil fédéral, il établit, le , la « Commission confédérée de bons offices pour le Jura (CBO) » (également désignée sous le nom de « Commission Petitpierre »), chargée de traiter ce problème. Cette Commission est composée de deux anciens conseillers fédéraux, Max Petitpierre et Friedrich Traugott Wahlen, ainsi que de deux conseillers nationaux, Pierre Graber et Raymond Broger. Les discussions entre la Commission et le Conseil exécutif bernois portent sur la question cruciale de choisir entre l'organisation d'un plébiscite ou l'élaboration d'un nouveau statut pour le Jura. Pour la Commission, deux éléments revêtent une importance particulière. D'une part, il est essentiel que les Jurassiens puissent choisir entre la séparation et un nouveau statut, ce dernier devant être élaboré avant toute organisation de plébiscite. D'autre part, compte tenu des trois entités que compose le Jura (Nord, Sud, Laufonnais), il est impératif d'offrir aux Jurassiens la possibilité, après la votation populaire sur la séparation, d'organiser d'autres référendums dans les districts où la majorité des électeurs s'opposent au résultat du premier vote. C'est ainsi que se dessine le concept de « plébiscites en cascade »[100]. Le premier rapport de la Commission est publié le , et évoque la nécessité du « rassemblement des Jurassiens de toutes tendances, à un large statut d'autonomie qui serait obtenu, voir imposé au canton de Berne »[N 14],[101].
Face à l'évolution des événements, de plus en plus de personnes perçoivent le risque d'un éclatement du Jura comme une réalité imminente. Dans ce contexte de tensions croissantes entre les milieux séparatistes et antiséparatistes, le Mouvement pour l'Unité du Jura (MUJ), un parti neutre, voit le jour durant l'été . Cette « Troisième Force » s'oppose à toute partition du Jura qui pourrait résulter d'un éventuel plébiscite et plaide pour l'octroi d'un large statut d'autonomie pour le Jura au sein du canton de Berne. Toutefois, le MUJ exerce un impact limité durant cette période, et la plupart de ses membres sont souvent dénigrés par l'une ou l'autre des parties en conflit, étant qualifiés de « traîtres »[102],[20].
Dispositions constitutionnelles relatives au Jura
[modifier | modifier le code]Sous la pression de divers milieux, y compris celle de la Confédération, le Conseil exécutif bernois présente, le , son projet de « nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura ». Ce projet propose soit un statut d'autonomie spécial pour la région jurassienne au sein du canton de Berne, soit l'option de l'indépendance. Contrairement aux attentes de la Commission confédérée de bons offices, le Conseil exécutif bernois informe la population que les plébiscites, susceptibles de conduire à une éventuelle indépendance du Jura, ne pourront avoir lieu tant que l'additif concernant les « nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura » n'aura pas été définitivement approuvé, invoquant des « raisons de délai ». Le projet est adopté à l'unanimité par le Grand Conseil bernois le , et il est donc soumis à votation populaire dans l'ensemble du canton l'année suivante[103].
Le Rassemblement jurassien annonce son refus des « nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura » et appelle ses adhérents à voter contre cette proposition lors de la votation populaire. Il craint que les résultats ne soient davantage favorables au Conseil exécutif bernois qu'aux séparatistes. Bien que l'adoption de ces dispositions puisse permettre l'organisation d'un plébiscite jurassien — qui constitue l'objectif principal des séparatistes — le RJ redoute que ce plébiscite, orchestré par le canton de Berne, mène à une partition du territoire jurassien[N 15]. En effet, le RJ exige que les règles internationales relatives à l'organisation des plébiscites soient respectées, notamment le droit à l'autodétermination, ce qui implique que le peuple jurassien, tant les Jurassiens résidant sur le territoire que ceux vivant dans d'autres cantons, puisse s'exprimer[104]. Cependant, le canton de Berne se réfère à la Constitution fédérale, qui, en son article 43, stipule que « tous habitants d'un canton ou d'une commune qui y résident depuis au moins trois mois peut prendre part à un vote »[105]. Le RJ accuse ainsi les autorités bernoises de permettre le vote de personnes d'origine alémanique afin de garantir un résultat favorable au canton de Berne.
Contre toute attente, à la fin de l'année , le Rassemblement jurassien modifie sa position et approuve l'additif constitutionnel tel que proposé par le Conseil exécutif bernois[103]. Ce revirement s'explique par la conviction que le plébiscite offre aux Jurassiens une occasion à ne pas manquer d'exercer leur droit à l'autodétermination, même au prix de la perte d'une partie de leur territoire historique :
« Le plan bernois doit être approuvé malgré tout, car il donne aux Jurassiens le droit de libre disposition. C'est une étape à ne pas manquer, même si nous ne sommes pas d'accord avec les modalités d'application du scrutin d'autodétermination. »
— Roland Béguelin, secrétaire général du Rassemblement jurassien
L'additif constitutionnel est alors soumis à la votation populaire dans le canton et est approuvé le , entrant en vigueur le suivant[N 16].
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (blancs & nuls) | Statistiques | Résultat | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | ||||||||||||||||
« Acceptez-vous l'additif relatif aux nouvelles dispositions constitutionnelles concernant le Jura ? » | Aarberg | 2 515 | 85,7 % | 418 | 14,3 % | 25 | 2 958 | 40,9 % | Acceptée | ||||||||||||
Aarwangen | 3 365 | 84 % | 642 | 16 % | 23 | 4 030 | 36,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Berne | 23 003 | 86,7 % | 3 478 | 13,3 % | 244 | 26 725 | 37,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Bienne | 4 646 | 83,6 % | 912 | 16,4 % | 48 | 5 606 | 32,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Büren | 1 549 | 79,3 % | 405 | 20,7 % | 9 | 1 963 | 34,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Berthoud | 3 519 | 84 % | 671 | 16 % | 27 | 4 217 | 35,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Cerlier | 927 | 85 % | 163 | 15 % | 9 | 1 099 | 43,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Courtelary | 3 681 | 89,1 % | 452 | 10,9 % | 41 | 4 174 | 56,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Delémont | 4 110 | 89,9 % | 460 | 10,1 % | 47 | 4 617 | 62,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Franches-Montagnes | 1 579 | 91,1 % | 154 | 8,9 % | 11 | 1 744 | 69 % | Acceptée | |||||||||||||
Fraubrunnen | 2 317 | 84,8 % | 415 | 15,2 % | 22 | 2 754 | 39,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Frutigen | 1 044 | 86,9 % | 157 | 13,1 % | 9 | 1 210 | 26 % | Acceptée | |||||||||||||
Gessenay | 381 | 90,5 % | 40 | 9,5 % | 0 | 421 | 20,7 % | Acceptée | |||||||||||||
Interlaken | 2 474 | 85 % | 437 | 15 % | 25 | 2 936 | 29,7 % | Acceptée | |||||||||||||
Konolfingen | 3 619 | 86,6 % | 558 | 13,4 % | 35 | 4 212 | 33,8 % | Acceptée | |||||||||||||
La Neuveville | 586 | 84,1 % | 111 | 15,9 % | 6 | 703 | 49,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Laufon | 1 562 | 88,7 % | 199 | 11,3 % | 8 | 1 769 | 48,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Laupen | 1 149 | 87,8 % | 160 | 12,2 % | 5 | 1 314 | 37,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Moutier | 4 382 | 90,4 % | 465 | 9,6 % | 33 | 4 880 | 56,5 % | Acceptée | |||||||||||||
Nidau | 2 379 | 83,1 % | 485 | 16,9 % | 17 | 2 881 | 33,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Niedersimmental | 1 499 | 88 % | 204 | 12 % | 4 | 1 707 | 31,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Oberhasli | 584 | 88,4 % | 77 | 11,6 % | 1 | 662 | 28,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Obersimmental | 544 | 89,6 % | 63 | 10,4 % | 6 | 613 | 25,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Porrentruy | 4 521 | 91,5 % | 418 | 8,5 % | 47 | 4 988 | 67,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Schwarzenburg | 676 | 83,5 % | 134 | 16,5 % | 1 | 811 | 29 % | Acceptée | |||||||||||||
Seftigen | 2 069 | 84,2 % | 389 | 15,8 % | 21 | 2 479 | 30,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Signau | 1 670 | 84 % | 319 | 16 % | 12 | 2 001 | 26,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Thoune | 5 914 | 85,9 % | 969 | 14,1 % | 44 | 6 927 | 31,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Trachselwald | 2 176 | 86 % | 353 | 14 % | 12 | 2 541 | 34,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Wangen | 1 904 | 81,8 % | 424 | 18,2 % | 18 | 2 346 | 34 % | Acceptée | |||||||||||||
Personnel militaire | 14 | 93,3 % | 1 | 6,7 % | 0 | 15 | ø | Acceptée | |||||||||||||
Sous-total | Jura bernois | 20 421 | 90 % | 2 259 | 10 % | 193 | 22 873 | 59,5 % | Acceptée | ||||||||||||
Reste du canton | 69 937 | 85,5 % | 11 874 | 14,5 % | 617 | 82 428 | 34,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Total | Canton de Berne | 90 358 | 86,47 % | 14 133 | 13,53 % | 810 | 105 301 | 37,8 % | Acceptée | ||||||||||||
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Source : Tribunal fédéral & Archives d'État du canton de Berne[106],[107],[108],[109] |
De 1970 à 1979
[modifier | modifier le code]Le , la « Commission confédérée de bons offices pour le Jura » (CBO) publie son deuxième rapport, proposant un statut d'autonomie pour le Jura. Ce rapport marque un brusque retour en arrière par rapport au premier rapport de , notamment en ce qui concerne l'organisation d'un plébiscite, ce qui détériore les relations avec le Rassemblement jurassien, qui demande la dissolution de la commission[N 17],[110].
Naturellement opposé à l'indépendance du Jura, le Conseil exécutif bernois présente, en , son « Rapport du Conseil-exécutif au Grand Conseil sur la création de régions et l'aménagement du statut du Jura », qui propose une régionalisation de l'ensemble du canton et envisage un statut d'autonomie spécial pour la région jurassienne au sein du canton de Berne. Le Rassemblement jurassien et le Mouvement pour l'Unité du Jura s'opposent à ce projet, tandis que l'Union des Patriotes jurassiens y est favorable. En novembre, ce projet est débattu au sein du Grand Conseil bernois, bien que les députés séparatistes refusent de participer aux discussions. Toutefois, dès décembre, la date du est fixée pour le premier plébiscite, ce qui signifie que le peuple jurassien n’aura pas l’occasion de se prononcer sur le projet de nouveau statut du Jura présenté[100].
Le , le Conseil exécutif bernois met en œuvre les dispositions constitutionnelles définissant les modalités d'une procédure d'autodétermination pour le Jura, structurée en trois étapes de « votation en cascade », désignées sous le nom de « plébiscites jurassiens »[107],[20]:
Additif sur les nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura
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Au début de l'année , de nouveaux projets de construction des routes nationales sont publiés. Alors que le peuple jurassien réclame depuis près de 30 ans la construction d'une autoroute « Transjurane » traversant le Jura, cette région est une fois de plus mise à l'écart[111]. Le , 2 000 séparatistes manifestent à Berne contre cette décision, allant jusqu'à couler du goudron dans les rails des trams de la vieille ville[36]. Le de la même année, une trentaine de jeunes membres du Groupe Bélier occupent l'ambassade de Suisse à Paris[N 18].
Le , les délégués du Rassemblement jurassien refusent d'examiner le projet bernois de statut d'autonomie spécial pour la région jurassienne au sein du canton de Berne. Ils confient à Roland Béguelin, Roger Schaffter et Roger Jardin la mission de constituer un gouvernement jurassien d'opposition. Ce gouvernement est officiellement établi le et compte 24 membres[112].
Le , les Jeunesses civiques du Jura bernois changent de nom pour devenir le Groupe Sanglier, dans le but de s'élargir à l'ensemble des jeunes antiséparatistes du Jura[96]. Le , l'Union des Patriotes jurassiens se renomme Force démocratique et rassemble tous les groupes et organisations antiséparatistes[N 19],[113].
Dans la nuit du au , trois jeunes élèvent un drapeau jurassien près de la route cantonale à Boncourt. Un voisin antiséparatiste tire alors au pistolet dans le dos de l'un des jeunes, Maurice Wicht, qui décède à l'âge de 25 ans[N 20],[115].
Les mouvements séparatistes appellent à voter oui, tandis que les mouvements antiséparatistes prônent le non. Les mouvements de la troisième force recommandent, quant à eux, de voter blanc.
Plébiscite jurassien
[modifier | modifier le code]Premier plébiscite
[modifier | modifier le code]- Affiche en faveur du oui (créer un nouveau canton).
Le premier plébiscite, portant sur la création d'un nouveau canton, est programmé pour les et . Les vagues d'intimidation, tant séparatistes qu'antiséparatistes, sont contenues lors de ce vote[116]. Le dimanche soir, une majorité se prononce en faveur de la création d'un nouveau canton[117].
Dans les trois districts du nord — Delémont, Porrentruy et les Franches-Montagnes — le oui obtient une large majorité, tandis que la situation est inversée dans les trois districts du sud, à savoir Moutier, Courtelary et La Neuveville, ainsi que dans le Laufonnais[N 21].
Question | Districts concernés | Nombres d'électeurs | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés | Statistiques | Résultat | Carte | ||||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Blancs | Nuls | Bulletins rentrés | Participation | |||||||||||||||||
« Voulez-vous former un nouveau canton ? » | Courtelary | 15 187 | 3 123 | 23 % | 10 260 | 77 % | 262 | 26 | 13 671 | 90,03 % | Refusée | |||||||||||||
Delémont | 15 725 | 11 070 | 79 % | 2 948 | 21 % | 509 | 19 | 14 546 | 92,50 % | Acceptée | ||||||||||||||
Franches-Montagnes | 5 046 | 3 573 | 77 % | 1 058 | 23 % | 76 | 10 | 4 717 | 93,48 % | Acceptée | ||||||||||||||
La Neuveville | 3 178 | 931 | 34 % | 1 776 | 66 % | 41 | 1 | 2 749 | 86,47 % | Refusée | ||||||||||||||
Laufon | 7 666 | 1 433 | 26 % | 4 119 | 74 % | 51 | 5 | 5 608 | 73,16 % | Refusée | ||||||||||||||
Moutier | 18 366 | 7 069 | 43 % | 9 330 | 57 % | 383 | 20 | 16 802 | 91,48 % | Refusée | ||||||||||||||
Porrentruy | 15 615 | 9 603 | 68 % | 4 566 | 32 % | 404 | 34 | 14 607 | 93,62 % | Acceptée | ||||||||||||||
Total | Jura bernois | 80 783 | 36 802 | 51,94 % | 34 057 | 48,06 % | 1 726 | 115 | 72 700 | 88,67 % | Acceptée | |||||||||||||
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Source : Feuille officielle des résultats du premier plébiscite () & Archives d'État du canton de Berne[118] |
Lors du premier plébiscite, sur un total d'ayants droit de 80 783, 72 700 citoyens ont voté. Vellerat est la commune ou le taux de participation est au plus haut avec 100%. À contrario, les communes où le scrutin a le moins passionné sont Duggingen avec 63% de taux de participation ainsi que La Scheulte (67,7%) et Roggenbourg (72,4%). Toutes les communes des Franches-Montagnes ont votées oui. Dans le district de Porrentruy, le non a été majoritaire à Asuel et Roche-d'Or. Dans celui de Delémont, les deux localités germanophones de Roggenbourg et Ederswiler ont dit non, ainsi qu'à Rebévelier. Dans les communes des districts du sud, toutes les communes ont voté non sauf celles situées au nord du district de Moutier[119].
Les séparatistes tempèrent la situation dans l'espoir que les pro-bernois accepteront de collaborer à la création du nouveau canton. Toutefois, dès le lendemain, les opposants à la séparation entament des démarches visant à organiser, par voie d'initiatives, un second plébiscite dans les districts méridionaux où le non à la séparation avait dominé (Moutier, Courtelary et La Neuveville)[20]. Parallèlement, le groupe Action pour un Laufonnais indépendant et fort affirme que le rejet de la séparation dans le Laufonnais ne saurait être interprété comme une preuve de loyauté envers Berne. Le , ils fondent l'Association pour un Laufonnais indépendant, avec pour objectif de lancer une initiative visant à rejoindre un autre canton alémanique et éviter ainsi de demeurer une enclave bernoise[120].
Le , dans le but de mobiliser les femmes opposées à la séparation, Geneviève Aubry fonde à Reconvilier le Groupement Féminin de Force Démocratique (GFFD)[121].
Commission laufonnaise
[modifier | modifier le code]Sous l'impulsion de Jacques Gubler, préfet du district de Laufon, une commission volontaire du district (de) a été constituée le à Laufon. Son objectif était de mener toutes les clarifications politiques et juridiques nécessaires en vue d'élaborer les fondements d'une décision populaire concernant l'avenir politique du Laufonnais, dans le cadre du droit à l'autodétermination. Composée de vingt-quatre membres, cette commission a d'abord agi sans base légale[N 22],[122].
La Commission a trois missions afin de réfléchir à l'avenir du district :
- Réfléchir et examiner des bases nécessaires à la création d'un statut particulier pour le district de Laufon au sein du canton de Berne;
- Préparation des bases juridiques en vue de la mise en place d'une commission de district représentative élue officiellement et informer la population;
- Effectuer une étude comparative entre les cantons voisins et le canton de Berne; établir des contacts avec les cantons limitrophes et assurer la communication auprès de la population; sonder l'opinion public et élaborer des bases décisionnelles destinées aux électeurs à l'éventuel rattachement à un canton voisin[122].
Deuxième plébiscite
[modifier | modifier le code]Le , l'organisation antiséparatiste Force démocratique dépose une initiative, forte de 16 067 signatures[N 23], visant à organiser un second plébiscite. Celui-ci doit déterminer si les trois districts francophones ayant voté contre la séparation resteront dans le canton de Berne ou se rallieront aux trois districts du nord pour former le nouveau canton du Jura. Soucieux de clore au plus vite la Question jurassienne, le Grand Conseil bernois décide de fixer la date de ce second plébiscite au de la même année. Cette décision suscite l'opposition des mouvements séparatistes, qui la jugent trop précipitée[20]. Toutefois, le , le Tribunal fédéral annule la décision du Grand Conseil de fixer cette date[20]. Néanmoins, Le , l'organisation Force démocratique dépose à nouveau une nouvelle initiative, soutenue par 19 761 signatures[N 24], visant à organiser un second plébiscite dans les districts de Moutier, Courtelary et La Neuveville[123]. En réponse, le Grand Conseil bernois fixe la date de la votation au [20].
Le , un groupe de jeunes séparatistes issus des districts du sud du Jura fonde le Groupement autonomiste Jeunesse-Sud. Trois jours plus tard, une nouvelle initiative, soutenue par 28 501 signatures, est déposée, proposant la création d'un demi-canton constitué du Jura-Sud[123],[124].
Le , le groupe Jura-Sud autonome est fondé, avec pour objectif la création d'un demi-canton constitué du Jura-Sud. Ce mouvement bénéficie du soutien du Rassemblement jurassien, qui annonce publiquement que si les trois districts concernés par le second plébiscite demeurent bernois, il s'engage, par acte notarié, à faire inscrire dans la Constitution du futur canton du Jura le droit pour le Jura-Sud de se constituer en demi-canton, ainsi que le droit pour le Laufonnais de rejoindre le canton alémanique de son choix[20]. Par ailleurs, le la Commission du district de Laufon dépose une initiative, accompagnée de 3 312 signatures, en vue d'organiser une votation sur cette question[55].
Une nouvelle vague de violence accompagne l'organisation du second plébiscite, marquée par des manifestations, rassemblements et attentats. Les actions des séparatistes se concentrent notamment sur des saccages de domiciles et des attaques à l'explosif.
Les mouvements séparatistes et de la troisième force appellent à voter non, tandis que les mouvements antiséparatistes prônent le oui.
Lors du plébiscite du , les districts de Moutier, Courtelary et La Neuveville décident de rester au sein du canton de Berne. Dès lors, le futur canton du Jura sera constitué uniquement des trois districts du nord : Delémont, Porrentruy et les Franches-Montagnes.
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | Carte | |||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | |||||
« Voulez-vous continuer à faire partie du canton de Berne ? » | Courtelary | 10 802 | 76 % | 3 268 | 24 % | 115 | 14 185 | 93,13 % (ou 92,5 %) | Acceptée | |
La Neuveville | 1 927 | 65 % | 997 | 35 % | 28 | 2 952 | 91,48 % | Acceptée | ||
Moutier | 9 947 | 56 % | 7 740 | 44 % | 113 | 17 800 | 96,02 % | Acceptée | ||
Source : Chronologie jurassienne & Archives d'État du canton de Berne[20],[118] |
Au lendemain de la votation, plusieurs manifestations de protestation et incidents entre séparatistes et antiséparatistes éclatèrent à la suite des résultats. Le Rassemblement jurassien qualifie le second plébiscite de « système criminel de plébiscites en cascade » et annonce son intention de reprendre le combat. Par ailleurs, le groupement dépose des recours contre le second plébiscite, lesquels seront toutefois rejetés par le Conseil fédéral[123].
« La Suisse a réussi ce tour de force de créer le Canton du Jura sans résoudre la Question jurassienne »
— Roland Béguelin, secrétaire général du Rassemblement jurassien, Rapport de la 4e Conférence des communautés ethniques de langue française (1979)
Le Mouvement pour l'Unité du Jura, qui avait appelé en à rejeter les initiatives antiséparatistes afin de s’opposer à sa division, est désormais définitivement marginalisé et privé d'influence. L'organisation se dissout l'année suivante[102].
Les antiséparatistes, ainsi que Force démocratique, annoncent qu'ils ne se démobiliseront pas et appellent les séparatistes à reconnaître les résultats du plébiscite. De son côté, le Mouvement pour l'Unité du Jura déclare que « l'heure n'est pas aux règlements de comptes »[20]. Le , le Conseil exécutif bernois, en raison des résultats du second plébiscite, décide de ne pas soumettre à votation l'idée de créer un demi-canton constitué du Jura méridional[124].
Le , Georges Droz réunit 300 personnes à Tavannes dans le but de rassembler toutes les forces autonomistes du sud, baptisées Unité jurassienne (UJ). Un comité provisoire est constitué, présidé par Paul Hammel. L'UJ est officiellement fondée à Moutier le , avec Alain Charpilloz comme premier président[125]. Son objectif est de rassembler les séparatistes restant dans le Jura méridional à la suite des deux plébiscites de et [126].
Les tensions sont particulièrement vives durant cette période, notamment à Moutier, où, le , quatre-vingts grenadiers de la police bernoise sont appelés en renfort pour faire face à la présence massive de séparatistes dans les rues. Ces affrontements entraînent seize blessés et occasionnent des dégâts considérables[20].
Troisième plébiscite
[modifier | modifier le code]Tout au long de l'année , de nombreuses manifestations, affrontements, attentats et autres actions menées par des séparatistes et des antiséparatistes se produisent sur l'ensemble du territoire du sud du Jura, entraînant souvent des incidents graves et de nombreux blessés[20]. Par la suite, conformément à l'additif sur les nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura, les séparatistes engagent les procédures nécessaires pour organiser, par le biais de référendums, un troisième plébiscite dans les communes bernoises concernées. En réponse, les antiséparatistes initient également des démarches en vue d'un troisième plébiscite dans les communes où une majorité est favorable à Berne. En effet, selon les modalités de l'additif constitutionnel du , un troisième plébiscite ne peut être organisé que dans les communes situées le long de la nouvelle frontière cantonale entre le futur canton du Jura et celui de Berne. Celles-ci, par référendum, peuvent choisir de rester ou non dans le canton de Berne, tandis que les communes des trois districts séparatistes limitrophes du canton de Berne pourront également décider de leur appartenance[127]. Huit communes sollicitent la possibilité de revoter sur leur appartenance cantonale : Châtillon, Corban, Courchapoix, Les Genevez, Lajoux, Mervelier, Rossemaison et Vellerat[N 25]. Le vote est fixé au . À cette date, toutes les huit communes se prononcent en faveur de leur rattachement au canton du Jura[N 26]. Toutefois, au lendemain de la votation, le Conseil fédéral informe les communes concernées que la votation devra être répétée[pourquoi ?],[128].
Le , le Rassemblement jurassien organise une votation non officielle, dite « sauvage », dans la commune de Bellelay, qui se solde par un résultat favorable au Jura à hauteur de 51,39 %.
Le , les huit communes précédentes, ainsi que celles de Courrendlin, Moutier, Perrefitte, Grandval, La Scheulte, Roches, Roggenbourg et Ederswiler[N 27], demandent à nouveau la possibilité de revoter sur leur appartenance cantonale. Les votations sont programmées pour les et , ainsi que pour le [129]. Parmi ces seize communes, deux posent problème : Vellerat, qui possède une population majoritairement séparatiste, et Ederswiler, dont la population est majoritairement germanophone. Ne se trouvant pas le long de la future frontière cantonale, leurs demandes sont donc rejetées. Cependant, ces deux communes décident d'organiser malgré tout une votation non officielle, dite « sauvage »[130].
Des échauffourées éclatent à Moutier durant le troisième plébiscite, entre séparatistes et forces de l'ordre, événements qui seront par la suite qualifiés des « évènements de Moutier », et ce, entre le 1er et le [N 28]. Pendant cette période, la ville est pratiquement occupée par les séparatistes, qui finissent par être délogés de manière violente par les forces de l'ordre[N 29]. Certains comparent alors Moutier à Belfast, en référence aux émeutes entre catholiques et protestants en Irlande du Nord[68].
Le , dix communes, à savoir Châtillon, Corban, Courchapoix, Courrendlin, Les Genevez, Grandval, Moutier, Perrefitte, Rossemaison et Rebévelier, votent sur leur appartenance cantonale. Le , trois autres communes, Lajoux, Mervelier et La Scheulte, se prononcent également, tandis que la commune de Vellerat effectue un vote inofficiel[131]. Le , Roggenbourg vote à son tour, suivi le par Ederswiler, qui organise également un vote non officiel[132],[133].
Finalement, huit communes ont voté pour leur rattachement au nouveau canton du Jura : Châtillon, Corban, Courchapoix, Courrendlin, Mervelier et Rossemaison quittent le district de Moutier pour rejoindre celui de Delémont, tandis que Lajoux et Les Genevez s’intègrent au district des Franches-Montagnes. Deux autres communes, quant à elles, choisissent de rejoindre le canton de Berne en se séparant du district de Delémont : Rebévelier est rattachée au district de Moutier et Roggenbourg à celui de Laufon. Par ailleurs, quatre communes confirment leur appartenance au canton de Berne et demeurent dans le district de Moutier : Grandval, Moutier, Perrefitte et La Scheulte. Enfin, les résultats des communes de Vellerat, favorable à un rattachement au canton du Jura, et d'Ederswiler, en faveur d'une intégration au district de Laufon, ne sont pas pris en compte, car ces votations, qualifiées de « sauvages », n'avaient pas de caractère officiel[127]. Ces changements de districts prennent effet officiellement le .
Question | Dates | Communes concernées | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | Carte | |||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | ||||||
« Voulez-vous continuer à faire partie du canton de Berne ? » | Châtillon | 16 | 9,8 % | 148 | 90,2 % | 3 | 167 | 89,3 % | Refusée | ||
Corban | 6 | 3,1 % | 193 | 96,9 % | 1 | 206 | 83,1 % | Refusée | |||
Courchapoix | 0 | 0 % | 179 | 100 % | 3 | 182 | 85 % | Refusée | |||
Courrendlin | 563 | 38,9 % | 881 | 61,1 % | 4 | 1 448 | 96,7 % | Refusée | |||
Grandval | 151 | 99,3 % | 1 | 0,7 % | 0 | 152 | 61 % | Acceptée | |||
Les Genevez | 6 | 2,6 % | 223 | 97,4 % | 2 | 231 | 73,1 % | Refusée | |||
Moutier | 2 540 | 54,1 % | 2 151 | 45,9 % | 34 | 4 725 | 95,1 % | Acceptée | |||
Perrefitte | 167 | 99,4 % | 1 | 0,6 % | 2 | 170 | 58,2 % | Acceptée | |||
Rossemaison | 6 | 3,3 % | 177 | 96,7 % | 1 | 184 | 78,6 % | Refusée | |||
Rebévelier | 19 | 82,6 % | 4 | 17,4 % | 0 | 23 | 88,5 % | Acceptée | |||
Lajoux | 11 | 4,2 % | 251 | 95,8 % | 2 | 264 | 74,8 % | Refusée | |||
Mervelier | 19 | 7,3 % | 243 | 92,7 % | 2 | 264 | 81 % | Refusée | |||
La Scheulte | 20 | 74,1 % | 7 | 25,9 % | 2 | 29 | 93,5 % | Acceptée | |||
Roggenbourg | 97 | 90,7 % | 10 | 9,3 % | 0 | 107 | 75,4 % | Acceptée | |||
Source : Chronologie jurassienne & Archives d'État du canton de Berne[128],[118] |
Question | Dates | Communes concernées | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | |||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | |||||
« Voulez-vous continuer à faire partie du canton de Berne ? » | Vellerat | 0 | 0 % | 29 | 100 % | 1 | 29 | 70,7 % | Refusée | |
Ederswiler | 78 | 89,7 % | 9 | 10,3 % | 2 | 87 | 88,9 % | Acceptée | ||
Source : Chronologie jurassienne & Archives d'État du canton de Berne[128],[118] |
Deuxième plébiscite laufonnais et son avenir
[modifier | modifier le code]Toujours dans le cadre du deuxième plébiscite, le , les habitants du district de Laufon se prononcent, par votation populaire, pour le maintien dans le canton de Berne, tout en initiant les démarches en vue d'un rattachement ultérieur à un autre canton[120].
Question | Communes concernées | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | Carte | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | |||||||||||||||||
« Voulez-vous que le district de Laufon - sous réserve de rattachement à un canton voisin - continue à faire partie du canton de Berne ? » | Blauen | 126 | 92,6 % | 10 | 7,4 % | 1 | 137 | 52,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Brislach | 325 | 93,7 % | 22 | 6,3 % | 2 | 349 | 63,9 % | Acceptée | ||||||||||||||
La Bourg | 87 | 100 % | 0 | 0 % | 0 | 87 | 70,7 % | Acceptée | ||||||||||||||
Dittingen | 181 | 85,4 % | 31 | 14,6 % | 1 | 213 | 59,8 % | Acceptée | ||||||||||||||
Duggingen | 206 | 96,7 % | 7 | 3,3 % | 4 | 217 | 50,3 % | Acceptée | ||||||||||||||
Grellingen | 334 | 96,5 % | 12 | 3,5 % | 9 | 355 | 48,9 % | Acceptée | ||||||||||||||
Laufon | 1 498 | 95,8 % | 65 | 4,2 % | 10 | 1 573 | 64 % | Acceptée | ||||||||||||||
Liesberg | 343 | 86,8 % | 52 | 13,2 % | 7 | 359 | 57,1 % | Acceptée | ||||||||||||||
Nenzlingen | 97 | 89,8 % | 11 | 10,2 % | 1 | 109 | 64,9 % | Acceptée | ||||||||||||||
Röschenz | 334 | 95,4 % | 16 | 4,6 % | 1 | 351 | 49,6 % | Acceptée | ||||||||||||||
Wahlen | 321 | 97,6 % | 8 | 2,4 % | 2 | 331 | 58,4 % | Acceptée | ||||||||||||||
Zwingen | 364 | 92,4 % | 30 | 7,6 % | 1 | 395 | 49,3 % | Acceptée | ||||||||||||||
Total | District de Laufon | 4 216 | 94,6 % | 264 | 5,4 % | 39 | 4 519 | 57,6 % | Acceptée | |||||||||||||
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Source : Archives d'État du canton de Berne[118],[128] |
S'appuyant sur la « loi sur l'introduction et la mise en œuvre de la procédure de rattachement du Laufonnais à un canton voisin », adoptée par le Grand Conseil bernois le , la commission volontaire du district (de) devient un organe officiel. Celle-ci acquiert le statut unique en Suisse de collectivité territoriale de droit public[134]. Cette nouvelle qualification lui confère le pouvoir de négocier et de prendre des décisions de manière autonome concernant un éventuel changement de canton. À cette fin, la commission de district a été transformée en un organe démocratiquement légitimé[122]. Le , les citoyens du Laufonnais procèdent pour la première fois à l'élection directe des vingt-six membres de la Commission du district de Laufon. Celle-ci se compose désormais de douze démocrates-chrétien, huit radicaux, deux socialistes, deux indépendants et deux représentants de mouvements locaux[N 30],[135]. Les membres sont élus par les communes, chaque commune disposant d'un nombre de sièges proportionnel à sa population. Élus pour un mandat de six ans, les membres de la Commission ont poursuivi l’accomplissement de nombreuses missions, notamment l’information sur les objets de votation, la conduite de négociations, l'exercice du droit de participation auprès des autorités cantonales, ainsi que l'information et la consultation de la population. Elle a également œuvré à l’élaboration de bases décisionnelles. En vue de la votation du , qui portait sur la demande populaire de lancement de la procédure de rattachement à un canton voisin, 19 des 26 membres se sont prononcés en faveur du oui.
Dans un premier temps, seul le canton de Bâle-Ville manifeste un réel intérêt pour accueillir le district de Laufon. Cette position incite alors les deux autres cantons à se prononcer également en faveur d'un rattachement. Bâle-Campagne se déclare favorable par crainte que l'union du Laufonnais avec Bâle-Ville ne ravive la question d'une fusion entre les deux Bâle, tandis que Soleure redoute que cette situation n'encourage ses propres enclaves, situées à la frontière française, à envisager un changement de canton[136].
Réorganisation constitutionnelle du canton de Berne
[modifier | modifier le code]Une fois la future frontière cantonale déterminée, le canton de Berne nécessitait, selon l’avis des autorités bernoises, une réorganisation en vue de la période postérieure à la séparation, ce qui impliquait une modification de la Constitution cantonale bernoise. Pour les affaires cantonales relatives exclusivement à la période suivant la séparation des districts du Jura septentrional, seuls les citoyens domiciliés dans la région demeurant dans le canton de Berne après la séparation devaient être habilités à voter. De même, les députés au Grand Conseil bernois des trois districts du Jura septentrional ne devaient plus être autorisés à délibérer ni à prendre des décisions sur des questions concernant exclusivement cette période. Le projet passe en votation populaire le et a été approuvé par 76,2 % des votants, bien que les trois districts de Delémont, des Franches-Montagnes et de Porrentruy aient exprimé de nettes majorités de non[137].
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (blancs & nuls) | Statistiques | Résultat | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | ||||||||||||||||
« Acceptez-vous la modification de la base constitutionnelle pour le canton de Berne dans ses nouvelles frontières ? » | Aarberg | 5 532 | 77,2 % | 1 634 | 22,8 % | 245 | 7 411 | 45,7 % | Acceptée | ||||||||||||
Aarwangen | 6 749 | 72,6 % | 2 549 | 27,4 % | 493 | 9 746 | 40 % | Acceptée | |||||||||||||
Berne | 64 228 | 86,7 % | 9 852 | 13,3 % | 2 784 | 76 864 | 46,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Bienne | 10 969 | 78,3 % | 2 436 | 21,7 % | 687 | 14 092 | 38,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Büren | 3 568 | 75,7 % | 1 143 | 24,3 % | 232 | 4 943 | 40,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Berthoud | 9 212 | 73,2 % | 3 272 | 26,8 % | 590 | 13 074 | 49,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Cerlier | 1 669 | 76,6 % | 509 | 23,4 % | 90 | 2 268 | 41,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Courtelary | 5 695 | 76,8 % | 1 722 | 23,2 % | 366 | 7 783 | 52 % | Acceptée | |||||||||||||
Delémont | 3 155 | 37,6 % | 5 235 | 62,4 % | 2 094 | 10 484 | 56,2 % | Refusée | |||||||||||||
Franches-Montagnes | 718 | 33,7 % | 1 413 | 66,3 % | 639 | 2 770 | 48,6 % | Refusée | |||||||||||||
Fraubrunnen | 5 462 | 77,4 % | 1 598 | 22,6 % | 301 | 7 361 | 41,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Frutigen | 2 261 | 63,7 % | 1 287 | 36,3 % | 178 | 3 726 | 37,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Gessenay | 910 | 75,8 % | 290 | 24,2 % | 77 | 1 277 | 28,5 % | Acceptée | |||||||||||||
Interlaken | 6 810 | 73,7 % | 2 431 | 26,3 % | 521 | 9 762 | 44,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Konolfingen | 9 879 | 45 % | 2 730 | 55 % | 508 | 13 117 | ? | Acceptée | |||||||||||||
La Neuveville | 1 324 | 72,2 % | 511 | 27,8 % | 132 | 1 967 | 60,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Laufon | 2 400 | 74,7 % | 812 | 25,3 % | 166 | 3 378 | 41,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Laupen | 2 597 | 77,2 % | 769 | 22,8 % | 151 | 3 517 | 45,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Moutier | 7 986 | 67,3 % | 3 884 | 32,7 % | 490 | 12 360 | 82 % | Acceptée | |||||||||||||
Nidau | 7 098 | 80,4 % | 1 732 | 19,6 % | 380 | 9 210 | 42,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Niedersimmental | 3 366 | 77,6 % | 973 | 22,4 % | 150 | 4 489 | 37,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Oberhasli | 1 182 | 74 % | 415 | 26 % | 56 | 1 653 | 33,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Obersimmental | 911 | 72 % | 354 | 28 % | 60 | 1 325 | 26,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Porrentruy | 2 042 | 38,6 % | 3 255 | 61,4 % | 969 | 6 266 | 39,8 | Refusée | |||||||||||||
Schwarzenburg | 1 113 | 72,3 % | 426 | 27,7 % | 72 | 1 611 | 28,4 % | Acceptée | |||||||||||||
Seftigen | 5 659 | 74,5 % | 1 937 | 25,5 % | 321 | 7 917 | 42,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Signau | 3 700 | 71,1 % | 1 502 | 28,9 % | 175 | 5 377 | 35,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Thoune | 16 287 | 78 % | 4 591 | 22 % | 857 | 21 735 | 42,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Trachselwald | 3 822 | 71,2 % | 1 548 | 28,8 % | 179 | 5 549 | 36,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Wangen | 4 295 | 70,1 % | 1 832 | 29,9 % | 227 | 6 354 | 43,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Personnel militaire | 1 | 100 % | 0 | 0 % | 1 | ø | ø | Acceptée | |||||||||||||
Total | Canton de Berne | 200 600 | 76,2 % | 62 597 | 23,8 % | 14 190 | 277 387 | 44,4 % | Acceptée | ||||||||||||
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Source : Archives d'État du canton de Berne[138] |
Les Constitutions cantonales
[modifier | modifier le code]La Constitution jurassienne
[modifier | modifier le code]À la suite des résultats favorables à la création d'une République et canton du Jura, l'Assemblée constituante jurassienne est établie afin d'élaborer la Constitution du nouveau canton. Élue par la population jurassienne le , cette assemblée se compose de cinquante députés[N 31]. La séance inaugurale se tient le à l'église Saint-Marcel de Delémont. Le lendemain, la session constitutive a lieu dans l’aula du lycée cantonal de Porrentruy. Au cours de cette séance, François Lachat est élu président, tandis que Roland Béguelin et Gabriel Roy sont désignés vice-présidents[139],[140],[141].
Le , l'Assemblée constituante jurassienne présente le projet de Constitution pour la République et Canton du Jura, composée de cent trente-huit articles. Parmi ceux-ci, l'article 138 revêt une importance particulière, stipulant que « La République et Canton du Jura peut accueillir toute partie du territoire jurassien directement concerné par le scrutin du 23 juin 1974 si cette partie s'est régulièrement séparée au regard du droit fédéral et du droit du canton intéressé »[142]. Cet article, vivement critiqué par les antiséparatistes et le Conseil exécutif bernois, entraînera une rupture des relations entre les autorités bernoises et l'Assemblée constituante jurassienne.
La Constitution jurassienne est finalement acceptée par la population jurassienne lors d'une votation le , avec 27 062 voix en faveur et 5 749 contre. Ce même jour, le peuple jurassien confie également à l'Assemblée constituante jurassienne le mandat de créer la législation cantonale, dans la mesure où les lois héritées du canton de Berne étaient en contradiction avec la Constitution, et de veiller aux intérêts du canton en formation, avec 26 941 voix pour et 5 880 contre[143]. Le , les deux chambres fédérales acceptent la nouvelle Constitution du canton du Jura, à l'exception de l'article 138, qui ne bénéficie pas de la garantie fédérale en raison de son « incompatibilité avec l'esprit de solidarité fédérale »[144]. Une votation fédérale peut alors être organisée. L'arrêté fédéral concernant la création d'un canton du Jura est publié le [20],[145],[146].
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | ||||||||||||||||
« Acceptez-vous la nouvelle Constitution de la future République et canton du Jura ? » | Delémont | 13 184 | 87,9 % | 1 822 | 12,1 % | 331 | 15 337 | 78,1 % | Acceptée | ||||||||||||
Franches-Montagnes | 4 103 | 86,7 % | 629 | 13,3 % | 154 | 4 886 | 81 % | Acceptée | |||||||||||||
Porrentruy | 9 775 | 74,8 % | 3 298 | 25,2 % | 329 | 13 402 | 81,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Total | Futur canton du Jura | 27 062 | 82,5 % | 5 749 | 17,5 % | 814 | 33 625 | 79,7 % | Acceptée | ||||||||||||
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Source : Archives d'État du canton de Berne[118] |
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | ||||||||||||||||
« Acceptez-vous d'accorder le mandat à l'Assemblée constituante de créer la législation cantonale et de veiller aux intérêts du futur canton ? » | Delémont | 13 122 | 87,4 % | 1 888 | 12,6 % | 327 | 15 337 | 78,1 % | Acceptée | ||||||||||||
Franches-Montagnes | 4 080 | 86,1 % | 657 | 13,9 % | 149 | 4 886 | 81 % | Acceptée | |||||||||||||
Porrentruy | 9 739 | 74,5 % | 3 335 | 25,5 % | 328 | 13 402 | 81,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Total | Futur canton du Jura | 26 941 | 82,1 % | 5 880 | 17,9 % | 804 | 33 625 | 79,7 % | Acceptée | ||||||||||||
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Source : Archives d'État du canton de Berne[118] |
La Constitution bernoise
[modifier | modifier le code]Au cours du mois de , le Conseil exécutif bernois informe le Grand Conseil bernois de son intention de supprimer la notion de « peuple jurassien » de la Constitution bernoise. En réaction à cette décision, plusieurs séparatistes manifestent à Moutier le [20],[63]. Les 1 000 personnes présentes à la manifestation sont repoussées par les grenadiers bernois[147]. Finalement, le , le Grand Conseil bernois adopte la décision de supprimer la référence au « peuple jurassien » dans sa constitution[148].
L'adoption de la réorganisation constitutionnelle du canton de Berne le a permis d'introduire d'autres ajustements en vue de la période postérieure à la séparation. Le « Conseil des 187 » (soit le Grand Conseil bernois sans les treize députés des districts du Jura septentrional) a décidé plusieurs modifications. En premier lieu, il a renforcé les droits de participation du Jura bernois et du Laufonnais, qui étaient particulièrement concernés. La minorité francophone, dont les effectifs avaient été réduits de près de moitié, n'avait désormais droit qu'à un seul siège au Conseil-exécutif bernois, contre deux auparavant. Les nouveaux députés et conseillers d'État, élus en , devaient mener leur mandat jusqu'en , malgré la séparation du Jura septentrional, le Grand Conseil bernois se voyant réduit des membres des districts séparés après la date de la scission. Un article de la Constitution prévoyait de prendre en compte « les besoins spécifiques du Jura bernois et, en matière linguistique et culturelle, de la population francophone du district bilingue de Bienne d'une part et du Laufonnais d'autre part ». Par conséquent, les habitants de ces régions devaient bénéficier de droits particuliers de proposition et de consultation dans les affaires les concernant. En outre, un autre article accordait aux députés de la minorité francophone et du Laufonnais le droit de demander un second vote au Grand Conseil bernois, dans les cas où ils auraient voté majoritairement en désaccord avec le reste des députés sur une question les touchant directement[149].La notion de « peuple jurassien » est également supprimée indirectement de la Constitution bernoise.
Le projet est soumis à votation le , et plus de 80 % de la population approuve la Constitution révisée. Toutefois, les résultats de Moutier ont initialement fait défaut, en raison du vol de cinq urnes par le Groupe Bélier pendant la nuit. Cette action visait à protester contre la suppression du terme « peuple jurassien » dans la Constitution bernoise. Le scrutin a dû être réorganisé une semaine plus tard dans cette localité, sans pour autant affecter le résultat global[150].
Question | Districts concernés | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (blancs & nuls) | Statistiques | Résultat | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | ||||||||||||||||
« Acceptez-vous la modification de la base constitutionnelle pour le canton de Berne dans ses nouvelles frontières ? » | Aarberg | 6 247 | 83 % | 1 281 | 17 % | 209 | 7 737 | 46,7 % | Acceptée | ||||||||||||
Aarwangen | 9 072 | 76,4 % | 2 802 | 23,6 % | 427 | 12 728 | 50,2 % | Acceptée | |||||||||||||
Berne | 65 251 | 86,8 % | 9 903 | 13,2 % | 2 639 | 77 793 | 46,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Bienne | 12 683 | 81,5 % | 2 877 | 18,5 % | 640 | 16 200 | 44,7 % | Acceptée | |||||||||||||
Büren | 4 263 | 77,7 % | 1 223 | 22,3 % | 194 | 5 680 | 45,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Berthoud | 9 834 | 78,4 % | 2 703 | 21,6 % | 458 | 12 995 | 48,7 % | Acceptée | |||||||||||||
Cerlier | 2 008 | 81,5 % | 456 | 18,5 % | 74 | 2 538 | 45,5 % | Acceptée | |||||||||||||
Courtelary | 6 733 | 78,4 % | 1 858 | 21,6 % | 148 | 8 739 | 58,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Delémont | n'est pas en mesure de participer[N 32] | ||||||||||||||||||||
Franches-Montagnes | n'est pas en mesure de participer[N 33] | ||||||||||||||||||||
Fraubrunnen | 6 816 | 81,6 % | 1 533 | 18,4 % | 265 | 8 614 | 47,3 % | Acceptée | |||||||||||||
Frutigen | 2 525 | 70 % | 1 084 | 30 % | 165 | 3 774 | 36,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Gessenay | 1 103 | 77,7 % | 317 | 22,3 % | 78 | 1 498 | 32,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Interlaken | 7 298 | 79,5 % | 1 877 | 20,5 % | 365 | 9 540 | 42,7 % | Acceptée | |||||||||||||
Konolfingen | 10 370 | 82,2 % | 2 242 | 17,8 % | 336 | 12 948 | 43,6 % | Acceptée | |||||||||||||
La Neuveville | 1 201 | 72,6 % | 454 | 27,4 % | 42 | 1 697 | 52,9 % | Acceptée | |||||||||||||
Laufon | 2 655 | 79,9 % | 668 | 20,1 % | 94 | 3 417 | 42 % | Acceptée | |||||||||||||
Laupen | 2 884 | 81,8 % | 641 | 18,2 % | 119 | 3 644 | 46,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Moutier | 7 306 | 67,9 % | 3 448 | 32,1 % | 155 | 10 909 | 72,5 % | Acceptée | |||||||||||||
Nidau | 7 676 | 82,8 % | 1 598 | 17,2 % | 321 | 9 595 | 43,5 % | Acceptée | |||||||||||||
Niedersimmental | 4 405 | 78,7 % | 1 189 | 21,3 % | 173 | 5 767 | 47,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Oberhasli | 1 428 | 77,7 % | 409 | 22,3 % | 88 | 1 925 | 38 % | Acceptée | |||||||||||||
Obersimmental | 1 508 | 77,5 % | 438 | 22,5 % | 97 | 2 043 | 39,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Porrentruy | n'est pas en mesure de participer[N 34] | ||||||||||||||||||||
Schwarzenburg | 1 455 | 73,7 % | 520 | 26,3 % | 73 | 2 048 | 35,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Seftigen | 6 577 | 80,1 % | 1 639 | 19,9 % | 302 | 8 518 | 45,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Signau | 4 056 | 74,7 % | 1 376 | 25,3 % | 186 | 5 618 | 36,8 % | Acceptée | |||||||||||||
Thoune | 18 884 | 79 % | 5 016 | 21 % | 856 | 24 756 | 47,6 % | Acceptée | |||||||||||||
Trachselwald | 4 662 | 75,2 % | 1 540 | 24,8 % | 163 | 6 365 | 42,1 % | Acceptée | |||||||||||||
Wangen | 5 271 | 75,5 % | 1 711 | 24,5 % | 200 | 7 182 | 48,5 % | Acceptée | |||||||||||||
Personnel militaire | 7 | 100 % | 0 | 0 % | 1 | 7 | ø | Acceptée | |||||||||||||
Total | Canton de Berne | 214 178 | 80,8 % | 50 803 | 19,2 % | 8 867 | 273 848 | 46,3 % | Acceptée | ||||||||||||
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Source : Archives d'État du canton de Berne[151] |
Première votation de Laufon
[modifier | modifier le code]À la suite des discussions avec les différents cantons et sur la base de l'amendement constitutionnel de , la Commission de district de Laufon décide de soumettre la question au corps électoral[136]. Pour ce faire, le comité Ja zur besten Lösung (Oui à la meilleure solution) lance une initiative populaire intitulé « initiative populaire pour l'introduction de la procédure de rattachement à un canton voisin ». Cette initiative est déposée à la chancellerie cantonale bernoise le , accompagnée de 4 960 signatures, représentant 61,3 % du corps électoral de Laufon[152]. Elle est validée par le Grand Conseil bernois le , avec 141 voix en faveur et aucune opposition[153]. Les électeurs du Laufonnais acceptent l'initiative le [154],[120].
Question | Communes concernées | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | Carte | |||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Bulletins rentrés | Participation | |||||||||||||||||
« Voulez-vous engager la procédure de rattachement du district de Laufon à un canton voisin ? » | Blauen | 173 | 79 % | 46 | 21 % | ? | 219 | 81,7 % | Acceptée | |||||||||||||
Brislach | 229 | 56,4 % | 177 | 43,6 % | ? | 406 | 74,1 % | Acceptée | ||||||||||||||
La Bourg | 62 | 62 % | 38 | 38 % | ? | 100 | 79,4 % | Acceptée | ||||||||||||||
Dittingen | 247 | 77,2 % | 73 | 22,8 % | ? | 320 | 86,7 % | Acceptée | ||||||||||||||
Duggingen | 212 | 61,1 % | 135 | 38,9 % | ? | 347 | 77,3 % | Acceptée | ||||||||||||||
Grellingen | 429 | 76,7 % | 130 | 23,3 % | 2 | 561 | 78 % | Acceptée | ||||||||||||||
Laufon | 1 219 | 61,4 % | 767 | 38,6 % | 6 | 1 992 | 80,3 % | Acceptée | ||||||||||||||
Liesberg | 352 | 68 % | 166 | 32 % | 1 | 519 | 73,2 % | Acceptée | ||||||||||||||
Nenzlingen | 93 | 63,7 % | 53 | 36,3 % | ? | 146 | 91,3 % | Acceptée | ||||||||||||||
Roggenburg | 42 | 40,8 % | 61 | 59,2 % | 1 | 104 | 74,3 % | Refusée | ||||||||||||||
Röschenz | 375 | 66,8 % | 186 | 33,2 % | 3 | 564 | 78,8 % | Acceptée | ||||||||||||||
Wahlen | 326 | 78,6 % | 158 | 21,4 % | ? | 484 | 83,2 % | Acceptée | ||||||||||||||
Zwingen | 405 | 65,1 % | 244 | 37,6 % | ? | 649 | 78,6 % | Acceptée | ||||||||||||||
Total | District de Laufon | 4 164 | 65,08 % | 2 234 | 34,92 % | 13 | 6 411 | 79,2 % | Acceptée | |||||||||||||
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Source : Journal de Genève & Archives d'État du canton de Berne[154],[118] |
Votation fédérale
[modifier | modifier le code]Le , un accord de répartition des biens est signé par le Conseil fédéral, représenté par Kurt Furgler, le Conseil exécutif bernois, représenté par Ernst Jaberg, ainsi que par l'Assemblée constituante jurassienne, représentée par François Lachat[155].
Pour accueillir un nouveau canton au sein de la Confédération, il est nécessaire de modifier l'article premier de la Constitution fédérale, qui énumère les cantons suisses, ainsi que l'article 80 concernant le nombre de conseillers aux États. le Conseil fédéral présente, le , un arrêté fédéral visant à modifier la Constitution fédérale. Le , le Conseil national approuve cette modification par 135 voix contre 8, tandis que le Conseil des États l'adopta à l'unanimité, avec 37 voix favorables[156]. Le référendum obligatoire fut précédé d'une vaste campagne menée par les partisans de la création du canton, campagne soutenue par l'ensemble des partis politique du pays, à l'exception des petits partis d'extrême droite, qui s'y opposèrent. L'argument principal en faveur de cette initiative reposait sur le droit à l'autodétermination des Jurassiens. Les rares opposants critiquaient quant à eux les méthodes du Rassemblement jurassien et jugeaient la Constitution cantonale jurassienne partiellement non conventionnelle. Ainsi, le référendum constitutionnel obligatoire est organisé le , requérant l'approbation de la majorité du peuple et des cantons suisses[157],[158]. Lors de ce référendum no 288, 82,3 % des électeurs de tous les cantons se prononcent en faveur de la création du nouveau canton du Jura, et tous les 22 cantons (soit 100 %) l'acceptent également[159].
Question | Nombre d'électeurs | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés | Cantons pour(oui) | Cantons contre(non) | Statistiques | Résultat | ||||||||||||||||||
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Votes | Pourcentage | Votes | Pourcentage | Blancs | Nuls | Entiers | Demi | Entiers | Demi | Bulletins rentrés | Participation | |||||||||||||||
« Acceptez-vous l'arrête fédéral du sur la modification constitutionnelle fédérale sur création d'une République et Canton du Jura ? » | 3 848 961 | 1 309 841 | 82,29 % | 281 873 | 17,71 % | 24 377 | 2 372 | 19 | 6 | 0 | 0 | 1 618 463 | 42,04 % | Acceptée | ||||||||||||
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Source : Chancellerie fédérale[160],[161],[162] |
Cantons | Nombre d'électeurs | Pour (oui) | Contre (non) | Non comptabilisés (Blancs/Nuls) | Statistiques | Résultat | ||||
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Votes | Pourcentages | Votes | Pourcentages | Bulletins rentrés | Participation | |||||
Zurich | 687 667 | 267 680 | 82,4 % | 57 112 | 17,6 % | 5 390 | 330 182 | 48 % | Acceptée | |
Berne | 636 686 | 187 581 | 69,6 % | 82 050 | 30,4 % | 6 472 | 276 103 | 43,4 % | Acceptée | |
Lucerne | 179 896 | 65 451 | 88,5 % | 8 501 | 11,5 % | 634 | 74 586 | 41,5 % | Acceptée | |
Uri | 21 338 | 8 023 | 85,4 % | 1 367 | 14,6 % | 260 | 9 650 | 45,2 % | Acceptée | |
Schwytz | 57 010 | 19 897 | 85,9 % | 3 279 | 14,1 % | 223 | 23 399 | 41 % | Acceptée | |
Obwald | 15 753 | 5 038 | 89,3 % | 603 | 10,7 % | 82 | 5 723 | 36,3 % | Acceptée | |
Nidwald | 17 876 | 6 446 | 86,5 % | 1 005 | 13,5 % | 109 | 7 560 | 42,3 % | Acceptée | |
Glaris | 22 725 | 6 488 | 80,6 % | 1 557 | 19,4 % | 64 | 8 109 | 35,7 % | Acceptée | |
Zoug | 43 275 | 19 270 | 87,1 % | 2 863 | 12,9 % | 267 | 22 400 | 51,8 % | Acceptée | |
Fribourg | 113 701 | 38 648 | 90,1 % | 4 228 | 9,9 % | 385 | 43 261 | 38,1 % | Acceptée | |
Soleure | 136 520 | 49 930 | 80,1 % | 12 378 | 19,9 % | 1 587 | 63 895 | 46,8 % | Acceptée | |
Bâle-Ville | 141 098 | 42 697 | 86 % | 6 976 | 14 % | 626 | 50 299 | 35,7 % | Acceptée | |
Bâle-Campagne | 132 478 | 50 942 | 85 % | 9 025 | 15 % | 1 097 | 61 064 | 46,1 % | Acceptée | |
Schaffhouse | 42 525 | 22 951 | 79,2 % | 6 024 | 20,8 % | 1 498 | 30 473 | 71,7 % | Acceptée | |
Appenzell Rhodes-Extérieures | 29 941 | 9 442 | 73,1 % | 3 480 | 26,9 % | 268 | 13 190 | 44,1 % | Acceptée | |
Appenzell Rhodes-Intérieures | 8 085 | 2 551 | 87 % | 380 | 13 % | 21 | 2 952 | 36,5 % | Acceptée | |
Saint-Gall | 228 869 | 74 632 | 83 % | 15 300 | 17 % | 1 197 | 91 129 | 39,8 % | Acceptée | |
Grisons | 99 160 | 28 811 | 82,9 % | 5 941 | 17,1 % | 759 | 35 511 | 35,8 % | Acceptée | |
Argovie | 263 771 | 79 475 | 80,2 % | 19 566 | 19,8 % | 1 271 | 100 312 | 38 % | Acceptée | |
Thurgovie | 105 443 | 41 059 | 81,1 % | 9 551 | 18,9 % | 1 001 | 51 611 | 49 % | Acceptée | |
Tessin | 147 208 | 50 956 | 95,1 % | 2 651 | 4,9 % | 502 | 54 109 | 36,8 % | Acceptée | |
Vaud | 307 227 | 94 660 | 88,6 % | 12 174 | 11,4 % | 1 161 | 107 995 | 35,2 % | Acceptée | |
Valais | 132 345 | 41 254 | 91,9 % | 3 643 | 8,1 % | 461 | 45 358 | 34,3 % | Acceptée | |
Neuchâtel | 97 214 | 35 098 | 84,7 % | 6 343 | 15,3 % | 612 | 42 053 | 43,3 % | Acceptée | |
Genève | 181 150 | 60 681 | 91,2 % | 5 576 | 8,8 % | 1 282 | 67 539 | 37,3 % | Acceptée | |
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