Werner Herzog

Werner Herzog
Biographie
Naissance
Nom de naissance
Werner Herzog StipetićVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Domiciles
Munich (), Sachrang (en) (depuis ), Pittsburgh, Los Angeles, WüstenrotVoir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Maximiliansgymnasium München (d) (Abitur) (jusqu'en )
Université Louis-et-Maximilien de Munich
Theodor-Heuss-Gymnasium Heilbronn (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Période d'activité
Depuis Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Sigrid Herzog (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Lena Herzog (en) (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Rudolf Herzog (d) (grand-père paternel)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
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Distinctions
Films notables
Enregistrement vocal
Prononciation
signature de Werner Herzog
Signature

Werner Herzog est un réalisateur, acteur, metteur en scène et écrivain allemand né le à Munich. Considéré comme l'un des pionniers du nouveau cinéma allemand des années 1960-1970, ses films mettent souvent en scène des protagonistes ambitieux aux rêves impossibles[1], des personnes aux talents inhabituels dans des domaines obscurs ou des individus en conflit avec la nature[2]. Son style consiste à éviter les storyboards, à mettre l'accent sur l'improvisation et à placer ses acteurs et son équipe dans des situations réelles similaires à celles du film sur lequel ils travaillent.

En 1961, à 19 ans, il commence à travailler sur son premier film intitulé Herakles (en). Depuis, il a produit, écrit et réalisé plus de 60 films et documentaires tels que Aguirre, la colère de Dieu (1972), L'Énigme de Kaspar Hauser (1974), Cœur de verre (1976), La Ballade de Bruno (1977), Nosferatu, fantôme de la nuit (1979), Fitzcarraldo (1982), Cobra Verde (1987), Leçons de ténèbre (1992), Petit Dieter doit voler (1997), Ennemis intimes (1999), Invincible (2001), Grizzly Man (2005), Rencontres au bout du monde (2007), Bad Lieutenant : Escale à La Nouvelle-Orléans (2009), et La Grotte des rêves perdus (2010). Il a également publié plus de 12 livres en prose et mis en scène de nombreux opéras.

Le cinéaste français François Truffaut a un jour qualifié Herzog de « réalisateur le plus important du monde[3] ». Le critique de film américain Roger Ebert a déclaré que Herzog « n'a jamais créé un seul film compromis, honteux, réalisé pour des raisons pragmatiques ou inintéressant. Même ses échecs sont spectaculaires[4] ». Il est cité comme l'une des 100 personnes les plus influentes au monde par le Time en 2009[5].

En 2024, Werner Herzog déclare qu'il est « un écrivain qui accessoirement fait des films »[6].

Werner Herzog est né à Munich, en Allemagne, le . Sa mère, Elisabeth Stipetić, est autrichienne d'origine croate, et son père, Dietrich Herzog, allemand. Il est déclaré à l’état civil avec les noms de ses deux parents[7]. Sa mère était une militante nazie à Vienne, avant l'Anschluss dans sa jeunesse, son père avait adhéré à l'idéologie de manière enthousiaste, ils étaient tous deux « relativement tôt des nationaux socialistes convaincus. ». Ils furent dénazifiés, mais le père de Werner Herzog, déplorait toujours la défaite[8].

Issu d'une lignée d'universitaires du côté paternel, son grand-père est le philologue, archéologue et historien, Rudolf Herzog (de)(1871-1953), famille originaire de Souabe, protestante d'ascendance française huguenote, les Neufville et lié au mathématicien Gauss. La famille maternelle est, quant à elle, originaire de Split en Dalmatie,le grand-père de Werner Herzog était chef de bataillon de l'armée des Augsbourg, sa grand-mère était originaire de Vienne.

Alors qu’il est âgé de deux semaines, sa mère se réfugie dans le village bavarois isolé de Sachrang, dans les Alpes du Chiemgau, fuyant Munich après que la maison voisine de la leur ait été détruite lors d'un des bombardements alliés de la Seconde Guerre mondiale[9]. Son père abandonne la famille après avoir été fait prisonnier de guerre. À Sachrang, il grandit dans un environnement rustique, sans eau courante, ni toilettes à chasse d'eau ou téléphone. Il raconte : « nous n'avions pas de jouets, nous n'avions pas d'outils », et décrira plus tard un sentiment d'anarchie, car tous les pères des enfants étaient absents[10]. Il grandit entouré de soldats allemands en déroute, en fuite, cachés, ou recherchés[11]. Son père divorce et fonde une nouvelle famille. Werner Herzog et son frère sont élevés par leur mère seule.

A l'âge de 11 ans, il voit son premier film, un documentaire sur les Inuits, projeté à l'école du village par un projectionniste itinérant[12]. Il a 12 ans lorsqu'il voit sa première voiture, et attendra d’avoir 17 ans pour utiliser un téléphone pour la première fois.

Âgé de 12 ans, il retourne à Munich avec sa mère et ses deux frères, pour poursuivre sa scolarité. Ils logent durant un certain temps dans une pension de famille sur Elisabethstraße, dans les murs de laquelle il rencontre l'acteur Klaus Kinski, qui l’impressionne énormément par son comportement fou[13]. Kinski deviendra son acteur fétiche, jouant dans cinq de ses films, et Herzog réalisera sur leur collaboration houleuse le documentaire Ennemis intimes. Le réalisateur dira plus tard en parlant de cette période « j'ai appris à ce moment-là que je deviendrais réalisateur, et que je dirigerais Kinski ».

Il est marqué, à l’âge de 13 ans, par un incident scolaire : un professeur de musique, dans le but de le brimer, lui ordonne de chanter devant toute sa classe. Il refuse catégoriquement et manque de se faire renvoyer. Il n’écoute plus de musique et ne chante ni ne joue d’aucun instrument, jusqu’à ses 18 ans, où il se replonge dans la musique avec une avidité particulière[10]. C’est à cette période qu’il s'inspire de la lecture d'une entrée d'encyclopédie sur la réalisation de films, qui lui donne, selon lui, tout ce dont il a besoin pour se lancer dans le cinéma – sauf une caméra 35 mm qu'il vole à l'école de cinéma de Munich[14]. Dans le commentaire d'Aguirre, la Colère de Dieu , il déclare : « Je ne considère pas cela comme du vol. C'était juste une nécessité. J'avais une sorte de droit naturel pour un appareil photo, un outil avec lequel travailler ».

C’est également durant ses années de jeunesse qu’il devient très proche de la religion, jusqu'à ce qu'il se convertisse au catholicisme à l'âge de quatorze ans, ce qui provoque des disputes avec certains proches athées. C'est également à cette période qu'il entreprend ses premiers longs voyages à pied, une passion qui durera toute sa vie, à tel point qu'à l'âge de 15 ans, il marche de Monaco à l'Albanie. Dans sa « déclaration de Minnesota », au Walker Art Center de Minneapolis, en 1999, il déclare « le tourisme est un péché et voyager à pied est une vertu »[15].

Débuts cinématographiques

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Il choisit d’utiliser le nom de son père, qui signifie « duc », en allemand, qu’il juge plus impressionnant pour un cinéaste[16]. Herzog dit que lorsqu'il rencontra finalement son père, "assez tard dans la vie", sa mère dut traduire l'allemand de Werner dans le dialecte bavarois que son père parlait pour que les deux puissent communiquer[17].

En 1962, durant ses dernières années de lycée, il commence à travailler sur son premier film, Herakles[10]. Aucune société de production n'étant disposée à prendre en charge ses projets, il travaille de nuit comme soudeur dans une aciérie[18],[19]ou gardien de parking pour les financer. En 1963, il fonde sa propre société de production à Munich, la Werner Herzog Filmproduktion[20], qu'il dirige pendant de nombreuses années seul depuis son appartement, avec un téléphone et une machine à écrire.

À la fin de ses études, mais avant d'avoir officiellement obtenu son diplôme, il suit sa petite amie à Manchester, en Angleterre, où il passe plusieurs mois et apprend à parler anglais. Il trouve les cours de langue inutiles et s’en va[12]. Après avoir obtenu son diplôme d'études secondaires, il est intrigué par le Congo post-indépendance, mais en tentant de s'y rendre il n’atteint que le sud du Soudan avant de tomber gravement malade[21]. Tout en faisant déjà des films, il fait un bref passage à l'université de Munich, où il étudie le théâtre, l'histoire et la littérature. En 1964, il remporte le prix Carl Mayer pour le scénario d'un film qu'il réalisera en 1967, Signes de vie, écrit à partir d'une anecdote historique sur un soldat fou retranché dans un fort[22], et avec les dix mille marks du prix il réalise son deuxième court métrage, La défense sans pareil de la forteresse de Deutschkreutz . Il obtient ensuite une bourse pour partir à Pittsburgh, en Pennsylvanie, pour étudier à l'université Duquesne, mais abandonne après quelques jours[19]. De la période suivante, il raconte avoir été impliqué dans un projet de film pour la NASA (auquel il n'a pas pu participer), et avoir vécu parmi les sans-abris à New York , dormant dans une voiture, puis s’être dirigé vers le Mexique, où il apprend l'espagnol et gagne sa vie en faisant de la contrebande de marchandises à travers la frontière américaine[12].

Rentrant en Allemagne en 1967, il parvient à réaliser Signs of Life, son premier long métrage, grâce au soutien financier de l'Institut allemand du cinéma. Le film, tourné sur l'île de Kos, en Grèce, sort l'année suivante, remporte l'Ours d'argent au Festival de Berlin et est également primé au Deutscher Filmpreis. La même année il épouse Martje Grohmann. Vers la fin de 1968, il part en Afrique avec une équipe de tournage et y passe presque toute l'année 1969. Malgré diverses vicissitudes (malaria, tempêtes de sable et arrestations), il rassemble de la matière pour trois films : le documentaire télévisé Les Docteurs volants de l'Afrique de l'Est, le « documentaire surréaliste » Fata Morgana et le film Les nains aussi ont commencé petits.

Durant ces années, Werner Herzog, avec Rainer Werner Fassbinder, Wim Wenders et Volker Schlöndorff, fait partie de la première génération du nouveau cinéma allemand[20], groupe de réalisateurs tournant avec de faibles moyens économiques des films tirant le plus grand effet esthétique possible et la plus grande authenticité de leurs lieux de tournages, et des acteurs souvent amateurs ou sans expérience de cinéma[23]. Herzog dit que son influence catholique marque son travail de « quelque chose d'un écho religieux »[12].

Années 1970

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Après Les nains aussi ont commencé petits, le réalisateur s’attelle en 1971 à deux documentaires sur le handicap : d’abord Avenir handicapé, consacré à de jeunes enfants victimes de la thalidomide, un médicament contre les nausées des femmes enceintes qui causa d’importantes lésions aux bras et jambes des enfants qui y furent exposés[24] ; puis Au pays du silence et de l’obscurité, sur la vie des sourds-aveugles, qu’il considère comme l’un de ses films les plus importants[25].

A la fin de l’année 1971, il se rend au Pérou pour réaliser ce qui deviendra une de ses œuvres majeures, Aguirre, la colère de Dieu, film culte sur la recherche de la mythique cité d’Eldorado. Le tournage, étalé sur 7 semaines, s’avère si complexe, périlleux et fourni en anecdotes édifiantes, que son histoire deviendra aussi célèbre que le film lui-même. Tourné avec un budget modeste de 360 000 dollars et des moyens réduits qui ne laissent pas augurer de l’ampleur du film, Aguirre est l'exemple achevé du contraste qui ancrera dans le public l’image d’un réalisateur hors norme et au fort sens de la démesure[26].

Alors qu’il est en repérage pour Aguirre au Pérou, il évite de peu de prendre le vol LANSA 508, qui est ensuite frappé par la foudre et se désintègre en vol, ne laissant qu’une seule survivante, Juliane Koepcke, après une chute de 3000 mètres dans la jungle. Près de 30 ans plus tard il retracera avec elle son périple dans la jungle dans son documentaire Les Ailes de l’espoir[27].

Son premier fils, Rudolph Herzog, naît en 1973.

En 1974, Il réalise le documentaire La Grande Extase du sculpteur sur bois Steiner, sur le champion de saut à ski suisse Walter Steiner. Il y poursuit sa réflexion ouverte dans Aguirre sur le sentiment d’extase[28].

Il fait ensuite la connaissance de Bruno Schleinstein, dit Bruno S., artiste de rue qui a passé son enfance dans des orphelinats, des maisons de correction et des prisons, et qui devient son autre acteur fétiche. Herzog le découvre grâce au documentaire Bruno der Schwarze (1970) de Lutz Eisholz. En 1974, il lui donne le premier rôle du film L'Énigme de Kaspar Hauser (titre original : Jeder für sich und Gott gegen alle, littéralement « Chacun pour soi et Dieu contre tous »). Le film remporte le Grand Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes 1975[29].

À la fin de l’année 1974, Herzog apprend que son amie Lotte Eisner (1896-1983), conservatrice en chef de la Cinémathèque française, historienne d'art et critique de cinéma, née en Allemagne, réfugiée en France et naturalisée française, dont il est extrêmement proche (il lui a par exemple dédié le film L'Énigme de Kaspar Hauser), est sur le point de mourir à Paris.

Il décide de quitter Munich à pied et de marcher vers Paris en suivant un itinéraire aussi proche que possible de la ligne droite, mu par le sentiment que ce périple la maintiendra en vie. Il part le 23 novembre et arrive à Paris le 14 décembre au terme d’un voyage épuisant, retrouvant Eisner en cours de rétablissement ; pendant le voyage, il tient un journal qui sera publié sous le titre Sur le chemin des glaces[30].

En 1976, il réalise Cœur de verre, film pour lequel il travaille pour la première fois avec un co-scénariste, l'écrivain Herbert Achternbusch. L'idée de ce film, dans lequel des villageois qui semblent plongés dans une transe collective se dirigent vers une catastrophe, lui vient après avoir vu Les Maîtres fous, de Jean Rouch, documentaire ethnographique sur une transe traditionnelle pratiquée au Ghana. Pour explorer au mieux ce sujet, qu'il choisit de placer dans les paysages bavarois dans lesquels il a grandi, Herzog filme ses acteurs sous hypnose[31].

La même année, apprenant l'évacuation du sud de l'île de Basse-Terre, en Guadeloupe, menacé par une éruption du volcan de la Soufrière qui, s'il explosait, pourrait en raser une grande partie, il décide de s'y rendre. Arrivés sur place, le réalisateur accompagné des opérateurs Jörg Schmidt-Reitwein et Edward Lachman, filment au péril de leur vie les images qui constituent le court-métrage La Soufrière.

Depuis le tournage de Cœur de verre, Herzog mûrit le projet de tourner une adaptation de Woyzeck, la pièce de Georg Büchner. Il en propose tout d'abord le premier rôle à Bruno S., mais se ravise finalement pour Klaus Kinski. Lorsqu'il annonce la nouvelle à Bruno S., celui-ci est si déçu que le réalisateur lui annonce de but en blanc qu'il lui a écrit un autre film, inspiré de sa vie. C'est ce mensonge qui le pousse à écrire le scénario de La Ballade de Bruno, qui sort en 1977[32].

En 1979, il réalise Nosferatu, fantôme de la nuit avec Isabelle Adjani, Klaus Kinski, Bruno Ganz et Roland Topor, relecture du personnage mis en scène par Murnau dans son Nosferatu. C'est la première fois qu'il tourne avec des acteurs connus. Il enchaîne cinq jours plus tard avec le tournage de Woyzeck, faisant tourner Kinski, qui joue encore le rôle principal, dans un état d'épuisement.

Années 1980 - 1990

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En 1989, il assiste aux derniers instants de l'écrivain-voyageur Bruce Chatwin, atteint du sida, qui lui lègue son sac à dos en cuir. Trente ans plus tard, le réalisateur partira sur les traces de son « âme sœur » dans son documentaire Le Nomade, sur les pas de Bruce Chatwin[33],[34].

Mise en scène d'opèras

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Il débute comme metteur en scène d'opèra pour le Docteur Faust de Ferruccio Busoni en 1985 pour le teatro Communale de Bologne. Suivront les mises en scène des opéras de Wagner, Lohengrin, Le Hollandais volant, Tannhauser de Mozart La flûte enchantée, Fidelio de Beethoven, Norma de Bellini, Jeanne d'Arc et I due Foscari de Verdi, à raison d'un à deux opéras par an jusqu'en 2013.

Depuis 2000

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En 2010, il préside le jury du 60e Festival de Berlin, composé notamment de la comédienne américaine Renée Zellweger.

Son long métrage La Grotte des rêves perdus, un documentaire sur la grotte Chauvet en Ardèche, sort en France le .

En 2019, il rejoint l'univers Star Wars en jouant le rôle du Client dans la série The Mandalorian.

Vie privée

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En 1967, Werner Herzog se marie avec Martje Grohmann — qui jouera ensuite dans Nosferatu, fantôme de la nuit — avec qui il a un fils, Rudolph (en), né en 1973 et lui aussi actif dans le monde du cinéma. Il divorce en 1985. Il a une fille Hanna avec l'actrice Eva Mattes. Il épouse Christine Maria Ebenberger avec qui il a un fils Simon. Ils divorcent en 1997. Il vit depuis 1999, avec la plasticienne et photographe russo-américaine Lena Herzog (en).

Travail de mise en scène

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De nombreux films d'Herzog abordent les thèmes de la folie et de la cruauté de la nature, souvent entremêlés (comme dans Aguirre) : il s'agit pour lui de révéler la part sombre de l'homme comme celle de la nature. Héritier d'un romantisme allemand tardif, Herzog met en scène une nature, humaine comme terrestre, chaotique, menaçante, presque démoniaque[35].

Plastiquement, l'œuvre de Werner Herzog est proche du romantisme de Caspar David Friedrich, de l'expressionnisme allemand et du land art. Bien que profondément allergique à l'art contemporain, Werner Herzog accepte de mettre en espace une installation où étaient projetées les gravures de Hercules Seghers accompagnées d'une musique de Ernst Reijseger, pour la Biennale du Whitney Museum de New York en 2014[36].

Des tournages difficiles

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Dès ses premiers films, Werner Herzog a la réputation d'enchaîner les tournages difficiles, aventureux, voire totalement chaotiques. Cela lui vaut d'être surnommé par certains critiques « le cinéaste de l'impossible ».

Il a, notamment, rencontré de nombreux problèmes sur les tournages de Aguirre, la colère de Dieu et de Fitzcarraldo, que ce soit dans son rapport avec les comédiens, à cause des colères spectaculaires de Klaus Kinski, ou encore à cause d'un environnement hostile (la forêt amazonienne). Certains comédiens ou figurants ont déclaré qu'il prenait souvent des risques (notamment lorsqu'il tournait au milieu des rapides) ou des décisions irresponsables et dangereuses vis-à-vis de l'équipe de tournage.

Ainsi, pendant le tournage d'Aguirre, certains acteurs et membres de l'équipe ont risqué la noyade lors du tournage de la scène où les radeaux de l'expédition franchissent les rapides. Dans la scène d'introduction, on peut voir un canon et des cages tomber le long de la falaise. Ces événements n'étaient pas prévus mais furent finalement gardés au montage final. Herzog, voulant donner au film un aspect documentaire, gardait souvent ce genre d'incidents au montage. Les relations entre Herzog et Klaus Kinski furent tendues tout le long du tournage. Kinski menaçait régulièrement de mort Herzog. Ce dernier enregistrait systématiquement ses disputes avec Kinski sur bande magnétique. Il avait également acheté une arme pour menacer Kinski quand celui-ci ne voulait pas jouer une de ses scènes.

Pour Fitzcarraldo, Herzog avait commencé le tournage avec Jason Robards et Mick Jagger dans les deux rôles principaux. Malheureusement pour lui, Robards craqua nerveusement lors du tournage car il n'en supportait plus les conditions. Herzog engagea alors Kinski pour le remplacer et fut obligé de tout recommencer. Ayant une tournée qui devait débuter avec les Rolling Stones, Jagger ne put recommencer le tournage. Son rôle fut supprimé. De nouvelles disputes violentes eurent lieu entre Herzog et Kinski. Les Amérindiens figurants du film avaient même offert à Herzog de tuer Kinski « gratuitement » s'il le désirait. Les tensions entre Kinski et les autres membres de l'équipe durèrent tout le long de ce tournage difficile.

La scène où Fitzcarraldo fait hisser le bateau le long de la colline ne comporte aucun trucage, Herzog tenant à ce que cette scène soit d'un réalisme absolu. L'opération fut extrêmement périlleuse pour les figurants et l'équipe technique, qui risquaient réellement de se faire écraser à tout instant. Le même bateau subit plusieurs dommages importants lors de la scène des rapides, lorsqu'il dériva totalement sans aucun contrôle. Le documentaire Burden of Dreams de Les Blank (1982) témoigne de ce tournage aux limites du praticable.

Rapport aux acteurs

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À l'image de ses tournages, Werner Herzog aime les personnages et les acteurs excessifs, marginaux, tels que Klaus Kinski, hallucinant dans son rôle de mégalomane illuminé d'Aguirre, ou dans celui du vampire Nosferatu auquel il donne une troublante humanité. Herzog a incontestablement fait de Kinski son acteur fétiche malgré leurs rapports très particuliers et parfois violents, ce qu'il relate dans son documentaire Ennemis intimes.

Il affectionne aussi l'acteur handicapé Bruno S., qui a passé les trente premières années de sa vie entre les hôpitaux psychiatriques et la prison. L'identification sera parfaite pour le rôle de Kaspar Hauser dans L'Énigme de Kaspar Hauser, où Bruno S. joue un personnage qui a réellement existé, enfermé dans une cave les dix-sept premières années de sa vie, totalement coupé du reste du monde. Il joue aussi dans La Ballade de Bruno.

Après avoir vu Les Maîtres fous de Jean Rouch sur une transe religieuse au Ghana, Herzog filme ses acteurs sous hypnose pour le film Cœur de verre[31].

Filmographie

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Werner Herzog à la Mostra de Venise 2009.

Réalisateur et scénariste

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Longs métrages

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Prochainement
Documentaires
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Courts et moyens métrages

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Documentaires
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Téléfilms

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Scénariste

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Distinctions

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Récompenses

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Mises en scène d'opéras

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Il met en scène un à trois opéras par an depuis 1985.

Enseignement et héritage

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Peu convaincu par les écoles de cinéma[41], Werner Herzog est le professeur (principal et unique) de 3 formations qui mettent en avant l'aspect pratique :

  • La « Rogue Film School »[42], qu'il crée en 2009 et interrompt en 2016. De jeunes réalisateurs sont invités à passer quelques jours avec Herzog dans un lieu inspirant. Le principe est de discuter collectivement des règles de cinéma érigées par Herzog lui-même.
  • Sur le site « MasterClass », Werner Herzog présente un cours sur l'apprentissage de la réalisation de films[43].
  • En 2018, « Filming in Peru with Werner Herzog » consiste en un atelier de 12 jours pendant lesquels Werner Herzog supervise la réalisation de courts-métrages tournés en plein cœur de la jungle amazonienne par de jeunes réalisateurs du monde entier[44]. Les lieux de tournage sont proches de ceux affectionnés particulièrement par le réalisateur, notamment pour le film Fitzcarraldo (1982). Enthousiaste, il déclare que « 10 de ces courts-métrages sont meilleurs que les nommés dans la même catégorie aux Oscars »[45]. Le réalisateur français Quentin Lazzarotto fait partie des participants à l'atelier.

Publications

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  • Werner Herzog, Beat Presser: Werner Herzog. Jovis Verlag, Berlin 2003, (ISBN 3-936314-31-4).
  • Die Eroberung des Nutzlosen. Hanser, München 2004, (ISBN 978-3-596-18348-7). et : Fischer, Frankfurt 2009.

Publications traduites en français

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Notes et références

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  1. « 40 Great Actor & Director Partnerships: Klaus Kinski & Werner Herzog » [archive du ], sur Empire (consulté le ).
  2. Jamil Mahmud, « Werner Herzog and his film language », The Daily Star,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  3. Paul Cronin et Werner Herzog, Herzog on Herzog, London, Faber and Faber, , vii–viii (ISBN 978-0-571-20708-4, lire en ligne Inscription nécessaire) :

    « truffaut. »

  4. Roger Ebert, Awake in the Dark: The Best of Roger Ebert, Chicago, University of Chicago Press, , 2nd éd., xxiv-xxv (ISBN 978-0-226-46105-2, lire en ligne [archive du ])
  5. (en) Roger Ebert, « The 2009 TIME 100 », Time Magazine,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  6. in le point culture, France culture, le 11 octobre 2024, à écouter sur https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-point-culture/werner-herzog-je-suis-un-ecrivain-qui-accessoirement-fait-des-films-8579731
  7. commentaires audio du DVD Signes de vie
  8. in Werner Herzog, Mémoires, Chacun pour soi et Dieu contre tous, Séguier éditions, 2024 pp 86-88.
  9. (en) « Werner Herzog on the Story Behind 'Rescue Dawn' ».
  10. a b et c Museum of the Moving Image, « Jonathan Demme interviews Werner Herzog », sur YouTube, .
  11. in Werner Herzog, Mémoirees, Chacun pour soi et Dieu contre tous, Séguier éditions, 2024 pp 33-35.
  12. a b c et d (en) Paul Cronin, Werner Herzog: A Guide for the Perplexed: Conversations with Paul Cronin, Faber and Faber, (ISBN 978-0-571-25977-9)
  13. Roger Ebert, « A conversation with Werner Herzog », sur rogerebert.com, .
  14. Tom Bissell, « The Secret Mainstream: Contemplating the mirages of Werner Herzog », Harper's Magazine,‎
  15. « Werner Herzog - The Minnesota Declaration (Manifesto) », sur YouTube.
  16. (en) Paul Laster, « Werner Herzog Comes Out of the Cave », New York Observer,‎ (lire en ligne)
  17. Université Stanford, « Legendary Werner Herzog talks books with author Robert Pogue Harrison », sur YouTube, .
  18. « Herzog, Werner », sur www.encyclopedia.com/
  19. a et b Joe Donnelly, « Werner Herzog wouldn’t live anyplace other than Los Angeles, ‘the city with the most substance’ », https://www.latimes.com/,‎ (latimes.com/entertainment/la-et-mn-werner-herzog-on-sunset-blvd-20170411-story.html)
  20. a et b Colette Khalaf, « Werner Herzog, retour sur l’œuvre d’un cinéaste allumé », L'Orient-Le Jour,‎ (lire en ligne)
  21. Werner Herzog, « What Was Worst », The Virginia Quarterly Review (VQR), vol. n° 84,‎ (lire en ligne)
  22. « Signes de vie de Werner Herzog », sur dvdclassik.com.
  23. (de) Georg Seeßlen, « WIR FEIERN WERNER HERZOG! FÜNF FILME ZUM 80. GEBURTSTAG », sur Goethe on Demand, la plateforme de streaming du Goethe-Institut.
  24. « Avenir handicapé », L'INTÉGRALE WERNER HERZOG, sur dvdclassik.
  25. « Le Pays du silence et del'obscurité », L'INTÉGRALE WERNER HERZOG, sur dvdclassik.
  26. « Aguirre, la colère de Dieu », L'INTÉGRALE WERNER HERZOG, sur dvdclassik.
  27. « Les ailes de l'espoir », L'INTÉGRALE WERNER HERZOG, sur dvdclassik.
  28. « La Grande Extase du sculpteur sur bois Steiner », L'INTÉGRALE WERNER HERZOG, sur dvdclassik.
  29. « jeder-fur-sich-und-gott-gegen-alle », sur Festival de Cannes.
  30. « Sur le chemin des glaces », sur Éditions P.O.L.
  31. a et b « Coeur de verre de Werner Herzog (1976) - Analyse et critique du film - DVDClassik », sur dvdclassik.com (consulté le ).
  32. « La Ballade de Bruno de Werner Herzog (1977) - Analyse et critique du film - DVDClassik », sur dvdclassik.com (consulté le ).
  33. « Le Nomade sur les pas de Bruce Chatwin (Documentaire société) : la critique Télérama », sur Télérama (consulté le ).
  34. « Le nomade sur les pas de Bruce Chatwin - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le ).
  35. Gabriel Bortzmeyer, « L’écologie démoniaque de Werner Herzog », sur lafuriaumana.it.
  36. in Werner Herzog, Mémoires, Chacun pour soi et Dieu contre tous, Séguier éditions, 2024, pp 291-292.
  37. Littéralement : « Chacun pour soi et Dieu contre tous ».
  38. Bad Lieutenant revisité sur Cinenews.be - Consulté le .
  39. « Mon fils, mon fils, qu'as-tu fait ? »
  40. « Werner Herzog : un regard occidental sur Mikhaïl Gorbatchev », sur France Culture (consulté le ).
  41. (en-US) Emily Yoshida, « Werner Herzog on the future of film school, critical connectivity, and Pokémon Go », sur The Verge, (consulté le ).
  42. « Werner Herzog's Rogue Film School », sur roguefilmschool.com (consulté le ).
  43. (en) « MasterClass | Werner Herzog Teaches Filmmaking », sur MasterClass (consulté le ).
  44. (en) Michael Nordine et Michael Nordine, « Werner Herzog Is Returning to the Amazon, and He’s Bringing 48 Students With Him for a Filmmaking Workshop », sur IndieWire, (consulté le ).
  45. (en) Eric Kohn et Eric Kohn, « Werner Herzog Says He’s Acting in ‘a Big Franchise Film’ and Shot a Secret Movie in Japan — Exclusive », sur IndieWire, (consulté le ).

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Bibliographie

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  • Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau, Werner Herzog pas à pas, Nantes, Éditions Capricci, 2017
  • Werner Herzog, Manuel de survie, entretiens avec Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau, Nantes, Éditions Capricci, 2008
  • Monika Bellan, 100 ans de cinéma allemand (p. 89-91), Paris, Ellipses 2001
  • Hans Günther Pflaum et Hans Helmut Prinzler, Le Cinéma de la république fédérale d'Allemagne (p. 321-325), Bonn, Inter Nationes 1994
  • Radu Gabrea, Werner Herzog et la mystique Rhénane, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1986
  • Emmanuel Carrère, Werner Herzog, Paris, Edilig, 1982
  • Marie-Hélène Quéval, " Bad Leutnant: escale à la Nouvelle-Orléans, de Werner Herzog, une comédie noire", in: Delphine Letort, Panorama mondial du film noir, CinémAction, éd. Charles Corlet, 2014, p. 109-116.

Films sur Werner Herzog

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  • 1978 : Christian Weisenborn et Erwin Keuch - Was ich bin sind meine Filme
  • 1980 : Les Blank - Werner Herzog Eats His Shoe
  • 1982 : Les Blank - Burden of Dreams
  • 2008 : Steve Cole - Imagine : Werner Herzog, Beyond Reason
  • 2018 : Herbert Golder (en) - Ballad of a righteous merchant

Liens externes

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