Wittéric

Wittéric
Illustration.
Représentation de Wittéric (Congrès des députés, Madrid).
Titre
Roi des Wisigoths d'Hispanie

(~7 ans)
Prédécesseur Liuva II
Successeur Gundomar
Biographie
Titre complet Roi des Wisigoths
Date de naissance c.565
Date de décès
Lieu de décès Tolède
Nature du décès Assassinat
Sépulture Sans sépulture (fosse commune)
Enfants Ermenberge
Religion Arianisme
Résidence Tolède

Wittéric[1] (en espagnol Witerico ou Viterico) est roi des Wisigoths d'Hispanie et de Septimanie de 603 à 610.

Pièce d'or frappée à Tarraco durant son règne.

Wittéric est mentionné la première fois au début du règne du roi Récarède (586–601), premier roi wisigoth adepte du christianisme nicéen[2]. En 587, Wittéric, jeune noble wisigoth, participe à une conspiration arienne orchestrée notamment par l'évêque Sunna de Mérida et quelques nobles dont Segga (en), qui s'opposaient vraisemblablement au roi Récarède, tout juste converti au christianisme nicéen ou sur le point de le faire. Wittéric est alors chargé d'assassiner Masona (en), évêque catholique de Mérida, mais au moment de commettre le crime, son épée reste curieusement coincée dans le fourreau[3] et il est pris sur le fait : il dénonce ses complices et est pardonné[4] par les nicéens qui pensent que Masona n'a échappé que par miracle au fer de son assassin.

Au printemps 602, Wittéric reçoit du jeune roi Liuva II, fils et successeur de Récarède, le commandement de l'armée avec comme tâche de repousser les Romains d'Orient qui possédaient encore des territoires dans le sud et l'est de la péninsule Ibérique. À partir de cette position forte à la tête de l'armée, il s'entoure de gens à lui. Quand vient le moment d'expulser les Romains d'Orient, Wittéric préfère utiliser ses troupes contre le roi (printemps 603). Peut-être inspiré par le coup d'État réussi du centurion Phocas qui s'était emparé du pouvoir six mois plus tôt à Byzance, Wittéric entre dans la capitale wisigothe, Tolède, envahit le palais royal et renverse le jeune monarque, comptant probablement sur le soutien d'une partie de la noblesse opposée à la dynastie des descendants de Léovigild, au caractère devenu héréditaire de la royauté[5], et à l'influence croissante des évêques nicéens. Il pouvait espérer l'appui d'une grande partie du peuple wisigoth pour s'opposer à la dynastie régnante. L'historien Franz Görres souligne le caractère anticlérical et aristocratique de la révolution déclenchée par Wittéric, la « réaction des Grands laïcs contre l'épiscopat [devenu] tout-puissant [dans le royaume wisigoth] et son roi des prêtres »[6].

Wittéric fait couper la main droite du roi et, un plus tard, le fait exécuter (été 603). Selon Luc de Tuy, Wittéric voulait restaurer l'arianisme[7].

Au cours de son règne il passe tout de même du temps à lutter contre les Romains d'Orient[8], et ses généraux occupèrent Sagonte, en 605 probablement. Selon certains historiens[9], il s'agirait plutôt de Sagontia, l'actuelle Castillo de Gigonza dans le détroit de Gadès. C'est sans doute sous son règne, également, qu'est prise Bigastrum (près de Carthagène), car son évêque apparaît dans un concile tenu à Tolède en 610.

Concernant la politique extérieure, Wittéric cherche, comme ses prédécesseurs, à nouer des liens avec les Francs. En 606, sa fille Ermenberge fait route vers le nord pour épouser le roi mérovingien de Bourgogne, Thierry II. Elle arrive à Chalon, mais la régente Brunehilde, grand-mère du roi, et Theudilane, sa petite-fille et sœur de Thierry, le montèrent contre son épouse. La reine Brunehilde ne voulait peut-être pas reconnaître le pouvoir de Wittéric, un usurpateur. Thierry alors décida de répudier Ermenberge et de la renvoyer en Hispanie l'année suivante (607), tout en conservant sa dot. Selon la chronique de Frédégaire, Ermenberge, par les intrigues de Brunehaut, ne partagea jamais le lit de Thierry, à qui les discours de Brunehilde et de sa sœur Theudilane la rendirent odieuse. Au bout d'un an, Thierry renvoya dans le royaume wisigoth Ermenberge, dépouillée de ses trésors.

Indigné, Wittéric conclut contre le monarque franc une quadruple alliance à laquelle adhérèrent les rois francs Thibert II d'Austrasie et Clotaire II de Neustrie, et le roi des Lombards d'Italie Agilulf. Cette alliance ne semble pas avoir réussi. On ne sait rien de précis sur la bataille, sauf qu'elle eut lieu vraisemblablement en Septimanie, aux alentours de Narbonne, dans la Gaule gothique (Gothie). Isidore de Séville n'en fait pas mention. Frédégaire dit que « par la volonté divine, le projet de ces rois ne fut pas accompli » et que Thierry, « ayant été informé, ne considéra ces desseins qu'avec un grand mépris ».

Au printemps 610, une faction de la noblesse nicéenne assassine le roi Wittéric au cours d'un banquet. Son corps est traîné ignominieusement à travers les rues de Tolède et les nobles proclament roi Gundomar, duc de Septimanie. Le cadavre de Wittéric, laissé d'abord sans sépulture, fut enseveli sans honneur dans une fosse commune réservée aux criminels[10] « parce qu'il s'était élevé par le glaive », dit Isidore de Séville, « il périt par le glaive »[11]. L'historien arabe Ibn al-Athîr dira à propos de Wittéric : « pécheur, impie et tyrannique, cet homme fut attaqué et tué par l'un de ses familiers »[12].

Selon la chronique des rois wisigoths (Chronica regum Wisigotthorum), Wittéric règna 6 ans et 10 mois.

Notes et références

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  1. Witéric, Wit(t)érich, Vit(t)éric.
  2. Les commentateurs postérieurs à la séparation des Églises d'Orient et d'Occident assimilent rétrospectivement et anachroniquement le christianisme nicéen et le chalcédonisme à l'église catholique romaine.
  3. Patrice Georges Rufino, Clovis contre Alaric : l'histoire de l'Empire wisigoth de Toulouse à Tolède, P. G. Rufino, 1996, p. 123.
  4. Henri Leclercq, L'Espagne chrétienne, V. Lecoffre, 1906, p. 278.
  5. L'aristocratie wisigothique voulait rester fidèle à la monarchie élective, c'est-à-dire l'élection d'un roi parmi les nobles, selon la coutume germanique. Tout au long du VIIe siècle, et jusqu'à la chute du royaume wisigoth, les rois tenteront d'imposer leur dynastie, suscitant de nombreux troubles dans le royaume.
  6. (de) Franz Görres, « Die Religionspolitik des Westgotenkonigs, Witterich (règ. 603–610) », Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie, 41, O. R. Reisland, Leipzig, 1898, p. 102, (lire en ligne).
  7. Louis Bréhier, René Agrain, Grégoire le Grand, les états barbares et la conquête arabe : 590–757, Bloud & Gay, 1947, p. 236.
  8. Dits « Byzantins » depuis le XVIe siècle.
  9. Paul Goubert, « Byzance et l'Espagne wisigothique (554–711) », Études byzantines, tome 2, 1944, note 271.
  10. Olivier Guyotjeannin, Archives de l'Occident, Fayard, 1992, Tome I ; Isidore de Séville, « Historia Gothorum », An 641 de l'ère, p. 134 (ISBN 2213029911).
  11. Isidore reprend ici un proverbe d'origine biblique extrait de l'Évangile selon Saint Matthieu (Matthieu 26.52).
  12. Ibn al-Athîr, Annales du Maghreb et de l'Espagne, (« Conquête de l'Espagne »).

Sources anciennes

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Sources et bibliographie

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  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Witteric » (voir la liste des auteurs).
  • Rafael Altamira, La Spagna sotto i Visigoti, dans « Storia del mondo medievale », vol. I, 1999, p. 743-779.
  • Roger Collins, Visigothic Spain, 409–711, Oxford, Blackwell Publishing, 2004.
  • Edward Arthur Thompson, The Goths in Spain, Oxford, Clarendon Press, 1969.

Articles connexes

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Liens externes

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