La fonction de transfert optique ou FTO d'un système optique est une fonctioncomplexe qui relie la luminance de l'espace objet à l'éclairement de l'espace image. Elle permet de modéliser l'influence du système optique sur la distribution de l'énergie lumineuse dans l'espace image.
La fonction de transfert optique est souvent considérée uniquement dans les plans objets et images conjugués mais est tridimensionnelle dans le cas général. Cette fonction complexe est décomposée en une amplitude dite fonction de transfert de modulation et une phase dite fonction de transfert de phase.
La fonction de transfert de modulation ou FTM est une fonction qui permet de caractériser la capacité du système optique à restituer du contraste en fonction de la finesse des détails de l'objet ; autrement dit, sa capacité à transmettre les fréquences spatiales de l'objet. Elle est utilisée pour évaluer la qualité du système optique, notamment en photographie et cinématographie.
La fonction de transfert de phase caractérise les déphasages introduits par le système optique. Elle intervient surtout en champ proche, dans l'hypothèse d'une diffraction de Fresnel[1].
La notion de fonction de transfert optique possède des analogues dans d'autres domaines de la physique, notamment en électronique et en acoustique.
Le système optique forme l'image d'un objet plan dans le plan image.
On désigne par :
la distribution de l'exitance dans la direction de la pupille d'entrée du système optique dans le plan objet ;
la fonction d'étalement du point (« point spread function » en anglais), ou réponse impulsionnelle spatiale, c'est-à-dire la répartition de l'éclairement pour un point lumineux objet située en ;
la distribution de l'éclairement reçu dans le plan image.
Moyennant quelques hypothèses, parmi lesquelles l'invariance du système optique et l'incohérence de la lumière émise par la source, on peut les mettre en relation de la façon suivante et faire apparaître un produit de convolution[2] :
Cette fonction peut être réécrite pour faire intervenir un terme d'amplitude et un terme de phase selon où :
est la fonction de transfert de modulation (FTM, ou « modulation transfert function », MTF, en anglais), module de la FTO ;
est la fonction de transfert de phase (FTP), argument de la FTO.
La fonction de transfert optique normalisée présente une valeur unité pour les fréquences spatiales nulles.
Détails des hypothèses permettant d'obtenir la relation
On désigne par la distribution de l'exitance dans le plan objet. Pour l'exitance comme pour les autres grandeurs dans la suite, il peut aussi bien s'agir de grandeurs photométriques que de grandeurs énergétiques.
Le plan image est décomposé en surfaces élémentaires qui émettent dans la direction de la pupille d'entrée du système optique. L'angle solide élémentaire est où est la distance entre les points et et un élément de surface de la pupille. Le flux élémentaire émis par un élément de surface du plan objet dans l'angle solide élémentaire s'exprime :
,
où est l'angle entre le rayon et la normale aux différents plans étudiés.
Hypothèse 2 : l'objet et l'image sont petits face à la distance .
On peut négliger les variations du facteur qui sera pris égal à 1, ce qui revient à négliger le phénomène de vignettage naturel qui se manifeste par un assombrissement de l'image lorsqu'on s'éloigne de l'axe optique. De plus, on pourra prendre , distance entre le plan objet et la pupille. Alors, l'angle solide qui embrasse la pupille :
.
Ainsi, le flux élémentaire en provenance de vers l'ouverture de la pupille d'entrée est
,
Au passage du système optique, la majorité du flux ressort du système optique en direction du point image déterminé couramment dans les conditions du stigmatisme approché assurées par l'hypothèse 2. Mais une partie du flux ne converge pas vers ce point du fait de la diffraction (impossible à corriger) et des aberrations du système optique. La répartition de l'éclairement reçu par une surface élémentaire du plan image est obtenu par le biais de la réponse impulsionnelle spatiale du système optique, c'est-à-dire à son comportement face à un objet ponctuel. est aussi nommée fonction d'étalement du point, ce qui est plus imagé. Le flux élémentaire reçu par un élément de surface du plan image en provenance d'une surface élémentaire du plan objet est :
.
Hypothèse 3 : le système optique n'absorbe pas le flux lumineux : il est parfaitement transparent.
Il n'y a pas de flux absorbé et
.
Hypothèse 4 : les éléments de surface du plan objet émettent des lumières incohérentes, c'est-à-dire qui n'interfèrent pas entre elles.
Le flux total reçu par un élément de surface image est la somme des flux élémentaires :
,
ou encore
.
Hypothèse 5 : le système est invariant dans l'espace, c'est-à-dire qu'un déplacement de l'objet dans le plan objet se traduit par un déplacement de l'image dans le plan image.
Alors, la réponse impulsionnelle ne dépend que de la différence entre la position étudiée et la position du centre de l'image formée : . En effet, dans le cas d'un point objet , la majorité du flux converge vers un point image tandis qu'une partie vient s'étaler à son voisinage plus ou moins proche.
On pose et , puis on introduit une distribution fictive correspondant à l'image idéale (y compris sans diffraction) .
La fonction d'étalement du point d'un système optique, c'est-à-dire l'image d'un point objet, est une distribution d'éclairement à trois dimensions présentant un maximum dans le plan conjugué du plan objet. Il est donc possible de définir une fonction de transfert optique tridimensionnelle et la fonction de transfert de modulation associée[5].
Il est utile de connaître le comportement d'un système optique idéal, dans le sens où il est dépourvu d'aberration, afin de le comparer à un système optique réel. En pratique, un système est dit limité par la diffraction si les aberrations qui l'affectent ont une fonction d'étalement du point plus petite que la tache d'Airy créée par la diffraction. La fonction d'étalement du point correspond, à un changement de variable près, à la transformée de Fourier en deux dimensions de la forme de l'ouverture :
,
Alors la fonction de transfert optique s'exprime très simplement comme le produit d'autocorrélation de la forme de l'ouverture :
Les fréquences maximales enregistrées par le système imageant sont soit limitées par le système optique par effet de diffraction, soit par le capteur à cause de la taille des pixels par exemple[6]. Dans de nombreux cas, si l'objet est suffisamment éloigné, on considère que l'image se forme au voisinage du plan focal de sorte que .
Démonstration
L'étude de la diffraction pour une lentille mince à l'aide de l'approximation de Fresnel aboutit à une expression de la fonction d'étalement du point en amplitude qui correspond à la figure de diffraction de Fraunhofer :
.
En introduisant les variable réduites et , alors , et sachant que , il vient :
,
La fonction d'étalement du point est donnée par : .
La fonction de transfert optique est :
,
.
Compte-tenu de la symétrie des systèmes étudiés, les signes – peuvent être supprimés (toutes les fonctions sont paires).
Dans le cas d'un système optique de distance focale image et muni d'une pupille d'entrée d'ouverture circulaire de diamètre , le nombre d'ouverture est noté . On considère également que l'image se forme au voisinage du plan focal : . La symétrie du problème permet d'exprimer la fonction de transfert optique normalisée en fonction des fréquences spatiales selon n'importe quel axe radial de l'ouverture :
,
où la fréquence de coupure, au-delà de laquelle il n'y a plus aucun contraste, est donnée par : .
Démonstration
Le facteur de transmission correspond à la forme de l'ouverture :
,
Sachant que , l'autocorrélation, incidemment l'autoconvolution car la fonction est réelle et paire, peut être calculée en déterminant la surface d'intersection de deux disques de rayon vérifiant , d'où .
On observe dès lors qu'il existe une certaine fréquence de coupure , au-delà de laquelle les deux disques ne s'interceptent plus et la fonction devient nulle : .
Au vu de la symétrie de révolution, on peut se contenter d'étudier sur un axe quelconque. On s'intéresse d'abord au cas des fréquences positives uniquement.
En paramétrant les fréquences positives par l'angle , tel que , et en calculant l'aire comme somme de deux segments circulaires symétriques sous-tendus par l'angle , on a :
Or :
et
D'où :
Au maximum, l'aire vaut .
En normalisant par pour obtenir une valeur maximale de 1 = 100 %, et en observant la symétrie qui impose que la fonction soit paire, on obtient :
Dans le cas d'une ouverture carrée de côté , le facteur de transmission est :
,
où représente la fonction porte. Le nombre d'ouverture étant encore défini comme , la fréquence de coupure garde la même expression, mais la fonction de transfert optique est modifiée :
Un système réel souffre d'aberrations optiques. L'effet de ces aberrations est de réduire le taux de contraste en fonction des fréquences spatiales, ce qui se traduit par une baisse de la FTM par rapport au cas limité par la diffraction[7]. Cette baisse du contraste peut s'accompagner d'une diminution de la fréquence de coupure du système optique, information indispensable permettant de déterminer la capacité d'un système à transmettre les détails fins d'une image[8]. Les aberrations optiques qui dégradent la performance des systèmes ne sont pas invariantes spatialement ce qui interdit l'utilisation du produit de convolution et réduit les possibilités de calculs simples. De plus, elles ne sont pas toutes à symétrie de rotation. Alors, la fonction de transfert optique n'est pas à symétrie de rotation et en particulier la FTM varie suivant la position étudiée dans le plan image. Pour connaître la FTM, il est nécessaire de procéder à des mesures.
La fonction de transfert de modulation peut être mesurée à l'aide de mires constituées de bandes noires et blanches alternant à différentes fréquences spatiales[9]. Pour chaque fréquence spatiale, le contraste est mesuré sur l'image et divisé par le contraste de la mire.
avec et les luminances minimales et maximales mesurées sur l'image de la mire. Ce rapport est la valeur de la fonction de transfert de modulation pour cette fréquence spatiale.
Méthodes utilisant la fonction d'étalement du point
Alternativement, en l'absence de détecteur, une mesure de la baisse de l'intensité lumineuse en présence d'un couteau de Foucault permet de calculer la fonction de transfert de modulation. Cette méthode est souvent utilisée dans les domaines où les capteurs ne disposent pas d'une résolution suffisante, comme pour l'infrarouge.
L'utilisation d'un analyseur de front d'onde permet d'analyser la déformation du front d'onde par un système optique. En particulier, de tels systèmes permettent de mesurer la réponse impulsionnelle d'un système optique. La fonction de transfert optique étant la transformée de Fourier de cette réponse impulsionnelle, il est ainsi possible d'obtenir la fonction de transfert de modulation[12],[13].
La FTM d'un système optique dépend évidemment de l'ouverture et de sa forme, ainsi que de la longueur d'onde du fait de la diffraction, mais d'autres phénomènes interviennent pour la dégrader.
La plupart des aberrationsgéométriques et chromatiques qui affectent le système optique, en plus des défauts de fabrication ou de soin, réduisent la valeur de la FTM : aberration sphérique, aberration de coma, astigmatisme, courbure de champ, trèfle. Les réflexions internes au système optique peuvent réduire la FTM sur la totalité de l'image par diminution du contraste par effet de flare. Le vignettage et la distorsion n'ont pas d'influence sur la FTM. Les aberrations chromatiques n'ont pas d'influence en lumière quasi-monochromatique. La distance à l'objet peut changer les aberrations optiques présentes dans le système optique et modifier la FTM associée à celui-ci. La polarisation de la lumière incidente peut, plus rarement, avoir une influence.
Les courbes de FTM caractérisant un objectif photographique comportent au moins deux courbes[14],[15]:
La courbe supérieure correspond à l'évolution du contraste d'une fréquence spatiale faible (souvent 10 cycles par millimètre) en fonction de la distance au centre de l'image.
La courbe inférieure correspond à l'évolution du contraste d'une fréquence spatiale plus élevée (souvent 30 cycles par millimètre) en fonction de la distance au centre de l'image.
Ces courbes sont dédoublées en fonction de l'orientation sagittale ou tangentielle, permettant de rendre compte d'aberrations n'ayant pas de symétrie de rotation[16].
Les objectifs photographiques présentent une FTM maximale pour les ouvertures moyennes (f/5,6). La FTM est plus faible pour les grandes ouvertures (f/1,4, f/2) du fait des aberrations, et pour les petites ouverture du fait de la diffraction. Les fabricants d'objectifs limitent généralement l'ouverture à f/16 ou f/22 (f/32 pour les grands formats). La diffraction affecte moins les grands capteurs (à définition égale) car les pixels sont plus grands et que la taille de la tache de diffraction ne dépend que de l'ouverture.
Notions analogues à la fonction de transfert optique
En acoustique, la fonction de transfert de modulation est utilisée pour évaluer comment les modulations en amplitude du signal sont affectées au cours de la diffusion d'un signal. La fonction de transfert de modulation pour un signal à bande étroite est calculée par le rapport des contrastes (signal modifié - signal d'origine) pour des modulations d'amplitude allant de 1 à 12 Hz. La FTM est à la base de plusieurs mesures d'intelligibilité de la parole et en particulier du Speech Transmission Index (STI)[17].
↑(en) Glenn D. Boreman, Modulation Transfer Function in Optical and Electro-optical Systems, SPIE Press, , 110 p. (ISBN978-0-8194-4143-0, lire en ligne), p. 16