Lucien Létinois

Lucien Létinois, né le à Coulommes-et-Marqueny et mort en à Paris, est célèbre pour avoir entretenu durant quatre ans, de 1879 jusqu'à sa mort prématurée due à la fièvre typhoïde, une relation présumée amoureuse et devenue filiale avec Paul Verlaine. Ce dernier, profondément affecté par sa disparition, lui consacre cinq années plus tard, à la fin de son recueil Amour (1888), une section longue de 25 poèmes.

Enfance paysanne

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Lucien Létinois naît le dans le village ardennais de Coulommes-et-Marqueny[1].

Il est fils de Jean-Baptiste Létinois et Marie-Louise Delphine Moreau, agriculteurs. Le couple s'est marié à Bouvellemont le . L'époux est né à Coulommes-et-Marqueny le , fils d'Étienne Létinois, cultivateur (1798-1856), et d'Élisabeth Véronique Rainot (1798-1877). L'épouse est née à Bouvellemont le , fille de Ponce Moreau, cordonnier puis cultivateur (1801-1851), et de Marie Anne Reneaux (1801-1875).

Les Létinois sont des laboureurs installés à Coulommes depuis le début du XVIIIe siècle. On remonte leur ascendance jusqu'à Jean-Baptiste Létinois, berger puis marchand (ca 1689-1744[2]).

Rencontre de Paul Verlaine

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En , âgé de 17 ans, Lucien est élève à l'Institution Notre-Dame de Rethel, tenu par des jésuites. Paul Verlaine y est répétiteur pour la littérature, l'histoire, la géographie et l'anglais[3]. Il se prend d'une vive affection pour Lucien. La section Lucien Létinois du recueil Amour précise à maintes reprises le charme équivoque qu'exerce sur lui l'adolescent « fin comme une grande jeune fille / brillant, vif et fort, telle une aiguille, / la souplesse, l'élan d'une anguille »[4]... Il lui offre un exemplaire dédicacé de ses Romances sans paroles[5].

Mais en , le contrat de Verlaine n'est pas renouvelé au prétexte d'économies de gestion[6]. En septembre, Paul et Lucien partent pour l'Angleterre, où ils enseignent dans des villes différentes. Verlaine rejoint Lucien à Londres. La nature de leur relation reste l'objet de conjectures. La pièce VIII (Ô l'odieuse obscurité) de la section Lucien Létinois du recueil Amour semble désigner un lien charnel, nié par certains biographes[7]. En tout état de cause, l'attachement de Paul Verlaine pour Lucien Létinois semble avoir été sincère et partagé. Verlaine reporte sur Lucien, dont il aime la douceur et admire la prestance, son amour paternel frustré[8]. Lucien, plus docile et prévenant que Rimbaud, paraît avoir accepté de bonne grâce les sentiments protecteurs du poète.

Le musée Verlaine à Juniville.

Fin , ils rentrent en France[9] et vont vivre à Coulommes chez les parents de Lucien, au lieudit Malval. En , ils s'installent à Juniville, dans le sud du département des Ardennes[10]. Avec l'argent de sa mère, Verlaine achète la ferme dite de la petite Paroisse, qu'il fait enregistrer au nom du père de Lucien (en plein divorce, il craint que sa femme fasse saisir la ferme)[11]. Germain Nouveau - l'un des rares amis parisiens de Verlaine informés de cet emménagement - vient lui rendre visite. Il dessine le visage de Lucien[12] : « Les parents regardèrent éberlués la transposition car Nouveau avait voulu peindre les couleurs de l'âme et non celles de la plate nature »[5].

De la fin 1880 jusqu'à l'automne 1881, Lucien effectue son service militaire comme artilleur[13] à Reims. Pour se rapprocher de lui, Verlaine obtient un emploi de surveillant général dans un collège de cette ville[9].

Décès prématuré

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En , Verlaine doit revendre à perte la propriété de Juniville, mal gérée. Il regagne Paris. Lucien et ses parents s'installent à Ivry-sur-Seine, au 14 rue de Paris[14].

Le , Lucien meurt subitement de la fièvre typhoïde à l'hôpital de la Pitié[15],[16]. Il n'a que 23 ans. Il est inhumé à Ivry-sur Seine[17].

La mère de Lucien meurt à Ivry-sur-Seine huit mois plus tard, sans doute de chagrin[18],[19].

Postérité

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Profondément désespéré par la perte de son « fils adoptif », Verlaine lui consacre 25 poèmes à la fin du recueil Amour (1888)[20].

La mort de Lucien Létinois semble avoir précipité la déchéance de Paul Verlaine, qui sombre dans l'alcoolisme, les liaisons passagères et la semi-clochardise.

Notes et références

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  1. voir acte de naissance no 5 (vue 120) sur le site des Archives départementales des Ardennes. Coulommes-et-Marqueny. Actes d'état civil de 1860.
  2. voir acte de baptême de Toussaint Letinois du 31 octobre 1716 (vues 84 et 85) sur le site des Archives départementales des Ardennes. Coulommes-lès-Attigny. Actes des baptêmes, mariages et sépultures de 1693 à 1729.
  3. lettre de Paul Verlaine à Edmond Lepelletier du 14 novembre 1877.
  4. voir la pièce X (Il patinait merveilleusement) de la section Lucien Létinois du recueil Amour.
  5. a et b Rédaction LM 1988, Le Monde.
  6. une lettre de remerciements pour son travail lui est adressée par l'abbé Léon Denis, directeur de l'Institution.
  7. tels Antoine Adam (pour qui Verlaine évoquerait la brève aventure de Lucien avec une jeune fille précédemment rencontrée à Boston) et Edmond Lepelletier.
  8. son épouse a obtenu la garde de leur fils Georges.
  9. a et b Borel 1962, p. XXX-XXXIII.
  10. l'auberge de Juniville, située face à l'endroit où demeurait le poète, est aujourd'hui un musée Verlaine.
  11. voir Edmond Lepelletier.
  12. voir la pièce XVII (Ce portrait qui n'est pas ressemblant) de la section Lucien Létinois du recueil Amour.
  13. voir la pièce XII (Je te vois encore à cheval) de la section Lucien Létinois du recueil Amour.
  14. aujourd'hui avenue Maurice-Thorez. Le bâtiment sis au n° 14 n'existe plus. Comme tous ceux bordant le côté occidental de la place Jean Ferrat, il a été remplacé par des immeubles de bureaux.
  15. la pièce XX de la section Lucien Létinois du recueil Amour précise que Lucien mourut dans la salle Serre, où il fut amené presque inconscient. La pièce XXI relate le délire qui accompagna son agonie.
  16. voir 5803 acte no 1001 (vue 8) sur le site des Archives de Paris. 5e arrondissement. Décès de 1883.
  17. voir les pièces IX (Tout en suivant ton blanc convoi) et XXII (L'affreux Ivry dévorateur) de la section Lucien Létinois du recueil Amour.
  18. voir acte no 747 (vue 195) sur le site des Archives départementales du Val-de-Marne. Ivry-sur-Seine. Décès de 1883.
  19. l'acte de décès de Jean-Baptiste Létinois n'a été enregistré ni Ivry-sur-Seine, ni à Paris. Le père de Lucien est-il retourné finir ses jours dans les Ardennes ?
  20. Vannier 1993, p. 154-159.

Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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