Sourds au cinéma

Les sourds au cinéma consiste à montrer au cinéma des situations où les personnes sourdes soit présentes et non dissimulées soit, au contraire, peintes de façon subtile ou sous-jacente utilisent la langue des signes ou non.

Le professeur Hector Marichelle de l'Institut national de jeunes sourds de Paris demande, dans les années 1890, au physiologiste Étienne-Jules Marey qui a inventé le chronophotographe et à son assistant, le photographe Georges Demenÿ, créateur du phonoscope, une projection labiale pour l'intérêt pour la « rééducation » des enfants « sourds-muets »[1] : ce dernier lui-même se « chronophotographié » dans deux gros plans très brefs, prononçant « Vive la France ! » et « Je vous aime ! »[2]. Toujours ce dernier, ruiné, il vend ses droits sur sa machine à Léon Gaumont qui commence ainsi sa carrière de producteur de cinéma[3]

Les Sourds dans le septième art

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Joseph-Marie de Gérando raconte, dans son livre L’Éducation des sourds-muets de naissance publié en 1827, que « l'abbé de l'Épée assure même, sur la foi de je ne sais quelles relations, qu'il y a encore des pays où l'on fait mourir, à l'âge de trois ans au plus tard, les sourds-muets, parce qu'on les considère comme des monstres »[4], et c'est alors qu'on peut imaginer, à tort ou à raison, que, depuis la naissance du cinéma muet en , les producteurs et les réalisateurs n'hésitaient pas à montrer aux écrans des êtres victimes d'anomalies, de malformations et d'autres maladies rares, ces « monstres de foire » comme l'on nommait autrefois alors que ce n'étaient que des handicapés mal acceptés à cette époque..

Dans le film documentaire Le Pays des sourds de Nicolas Philibert (1993), l'artiste sourd turc francisé Levent Beskardes raconte sa jeunesse dans son pays natal : sa mère l'emmenait souvent au cinéma, et il voyait les comédiens « remuer les lèvres et je me disais que je pourrais faire pareil ! Je rêvais de devenir comédien. En face de chez nous [sa famille et lui] vivait un réalisateur très connu. Un jour, je lui ai demandé si je pourrais jouer dans un de ses films mais il m'a dit : « Impossible ! Tu es sourd. » ».

Aux États-Unis

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Quand l'industrie audiovisuelle décide, en 1927, de passer des films muets aux films parlants, les acteurs et les techniciens sourds ne trouvent plus d'emploi[5].

Les premières langues des signes au cinéma

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Granville Redmond et Charlie Chaplin, dans les années 1910.

Il est difficile de percevoir les premières langues des signes au grand écran avant le XXe.

Selon les archives historiques dans la communauté des Sourds aux États-Unis, Charlie Chaplin a rencontré Granville Redmond, un artiste peintre sourd américain, à Los Angeles dans les années 1910, et aurait perfectionné pantomime et épellation grâce ses expressions en langue des signes américaine, mais n'a jamais mentionné son nom[6]. Ce dernier a tout de même joué des rôles mineurs dans sept films signés Charlie Chaplin entre 1918 et 1929, à commencer par Une vie de chien (The Dog’s Life, 1918)[7]. Dans aucun film Granville Redmond ne s'est exprimé en langue des signes.

Dès les années 1940, la langue des signes est sans doute, plus ou moins, visible dans Johnny Belinda de Jean Negulesco (1948), Miracle en Alabama d'Arthur Penn (The Miracle Worker, 1962) et Le cœur est un chasseur solitaire de Robert Ellis Miller (The Heart Is A Lonely Hunter, 1968).

La polémique des « faux Sourds »,

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La plupart des sourds ne cachent pas leur mécontentement, notamment les comédiens : les entendants prennent les rôles de personnages sourds comme l'actrice Emmanuelle Devos dans Sur mes lèvres de Jacques Audiard (2001) ou Karin Viard et François Damiens dans le rôle de parents sourds dans La Famille Bélier d'Éric Lartigau (2014) — même si Luca Gelberg et Bruno Gomila sont réellement sourds mais ne sont que des acteurs secondaires. Pour eux, c'est une image égale au « whitewashing », le fait de faire jouer par des acteurs blancs le rôle de personnages de couleurs tels que l'acteur suédois Warner Oland connu pour son interprétation du détective américain d'origine chinoise Charlie Chan entre (1931-1938) ou encore l'acteur américain Marlon Brando dans le rôle de l'interprète japonais Sakini dans La Petite Maison de thé (The Teahouse of the August Moon) de Daniel Mann (1968). Ce fut le même cas avec Jane Wyman en Belinda McDonald « sourde-muette » pour Johnny Belinda de Jean Negulesco (1948), Alan Arkin en John Singer « sourd-muet » pour Le cœur est un chasseur solitaire (The Heart Is a Lonely Hunter) de Robert Ellis Miller (1968), etc.

Comme le souligne Guy Jouannet dans son ouvrage L'Écran sourd, « Le sourd avait semblé longtemps être le personnage invisible de la création audio-visuelle. En fait, son image a souvent été malmenée et déformée. Opprimé par la dictature de l'oral et du verbal, le sourd reste l'inconnu ».

Revenons à La Famille Bélier, la polémique s'éclate dans la communauté sourde en hiver 2014 en commençant par la journaliste sourde anglaise Rebecca Atkinson, dans un article du journal The Guardian du , le considère comme « une nouvelle insulte cinématographique à la communauté sourde »[8] étant donné que « la fascination des personnes entendantes pour la musique et la surdité ne trouve pas d'écho chez un sourd. Peut-être si vous avez perdu l'audition, mais si vous êtes nés sourds (…), ce n'est pas quelque chose qui vous fait perdre le sommeil » et que les acteurs, dans le film, « ne sont pas réellement des sourds ». Elle l'accuse également de ne « pas trouver d'acteurs sourds ? Prenez des entendants qui agitent leurs mains. C'est un manque de respect pour les personnes sourdes. (…) C'est embarrassant et grossier pour la culture sourde et de la langue des signes »[9],[10].

Quant à la journaliste sourde Marylène Charrière sur Websourd, elle admet que « c'est bien de montrer au grand public ce que signifie être sourd et d'utiliser la langue des signes française. La plupart des gens sont ignorants, pensent que ce n'est pas une vraie langue » et, en revanche, la traductrice Julia Pelhate de la même société ajoute : « Ce qui est gênant, c'est que la langue des signes française ne soit pas respectée. Il y a beaucoup de maladresses. Lors de l'avant-première à Toulouse, le , le public sourd a dû lire les sous-titres, car il ne comprenait pas la langue signée à l'écran »[11].

Les acteurs sourds

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« Ce fut un vrai choc ! Jusqu'ici, je voyais les sourds comme des handicapés, un point c'est tout. Et voilà que je me trouvais devant un homme d'une richesse d'expression tout à fait exceptionnelle [Jean-Claude Poulain, CQFD], une sorte d'acteur-né, capable de faire passer par les seuls mouvements de ses mains et les expressions de son visage toutes les nuances de la pensée. Pour des raisons que j'ai un peu oubliées, le projet de ces psychiatres resta en plan, mais j'ai commencé de mon côté à rencontrer de plus en plus de sourds et à me passionner pour leur manière de communiquer. (…) J'ai commencé à me dire qu'un film sur les sourds serait de nature à « travailler » la matière même du cinéma, puisqu’il s'agit d'une langue où chaque mot, chaque idée se traduit par des images tracées dans l'espace[12]. »

— Nicolas Philibert, réalisateur du Pays des sourds (1993).

Maurice Humbert est, dit-on, le premier acteur sourd français, dans les années 1930, à jouer le rôle secondaire d'un prisonnier « sourd-muet » en langue des signes dans Chéri-Bibi de Léon Mathot (1938), dans lequel il enseigne l’alphabet dactylologique aux autres détenus pour un projet d’évasion. Malheureusement, il est inconnu de nos jours sauf que, selon l'Internet Movie Database, il a également interprété un rôle dans le court-métrage Le Huitième Art et la Manière de Maurice Régamey (1952) aux côtés de Louis de Funès alors méconnu à cette époque[13].

Peter Wechsberg, plus connu sous le nom Peter Wolf, en tant que réalisateur et scénariste sourd, fait sortir son premier long-métrage entièrement muet mais uniquement en langue des signes Deafulajeu de mots sur la prononciation anglaise de « deaf » et « Dracula » désignant « Dracula sourd », en 1975 aux États-Unis, avec des acteurs sourds.

Mondialement, en 1986 sort Les Enfants du silence (Children of a Lesser God) de Randa Haines, d'après la pièce éponyme de Mark Medoff (1979), dont les personnages principaux sont interprétés par William Hurt en professeur James Leeds et la nouvelle venue Marlee Matlin, elle-même sourde, en Sarah Norman. Cette dernière, reçoit d'ailleurs l'Oscar de la meilleure actrice en pleine cérémonie du au Dorothy Chandler Pavilion du County Music Center à Los Angeles : une première pour une comédienne sourde.

Les acteurs sourds

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Canada
États-Unis
France

Filmographie

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Années 1920

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Années 1930

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Années 1940

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Années 1950

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Années 1960

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Années 1970

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Années 1980

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Années 1990

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Années 2000

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Années 2010

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Années 2020

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Notes et références

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  1. (en) Peter J. Bloom, French Colonial Documentary : Mythologies of Humanitarianism, Minnesota, University of Minnesota Press, , 304 p., p. 12
  2. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, , 719 p., p. 16
  3. Olivier Poupion, Histoire du cinéma à Rouen 1892-1919, vol. 1, Rouen, (OCLC 470304143), « Léon Gaumont au Photo Club Rouennais (1897/1899) », p. 38
  4. Joseph-Marie Gérando, L’Éducation des sourds-muets de naissance, vol. 1, Méquignon l'Ainé Père, , 592 p., « Des préjugés relatifs aux Sourds-Muets et à leur instruction », p. 11
  5. (en) John S. Schuchman, Hollywood Speaks : Deafness and the Film Entertainment Industry, University of Illinois Press, , 200 p. (ISBN 978-0-252-06850-8, lire en ligne), « Hollywood Speaks », p. 26
  6. Laguna Art Museum 1989, p. 29 : « […] a tradition among the deaf that Charles Chaplin learned much pantomime and finger-spelling from Redmond, although Chaplin never mentions Redmond ».
  7. (en) « How did Charlie Chaplin become a star of silent films? », sur Fookem and Bug, (consulté le ).
  8. (en) Rebecca Atkinson, « « La Famille Bélier » is yet another cinematic insult to the deaf community », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « « La famille Bélier » ? Une "insulte", un film "irrespectueux" pour une journaliste anglaise », sur Première, (consulté le )
  10. Laetitia Reboulleau, « Une journaliste anglaise sourde s'en prend à « La famille Bélier » », sur Metronews, (consulté le )
  11. Alexandre Guérin, « « La famille Bélier » fait polémique chez les sourds », sur La Dépêche, (consulté le )
  12. « Entretien avec Nicolas Philibert », sur Nicolasphilibert.fr, (consulté le )
  13. « Le Huitième Art et la Manière », sur The Internet Movie Database (consulté le )
  14. (en) Vanessa Guillen Matheus, « Benicio Del Toro talks about his fascinating character in 'Sicario: Day of the Soldado' », sur NBC News, (consulté le ).
  15. (en) Scott Roxborough, « How Deafness Is Adding Extra Scares to John Leonetti's Horror Movie 'The Silence' », sur The Hollywood Reporter, (consulté le ).
  16. (en) Mia Galuppo, « 'Halt and Catch Fire' Creator to Direct Aaron Paul in 'The Parts You Lose' », sur The Hollywood Reporter, (consulté le ).
  17. Jean-François Rauger, « Drive My Car : un parcours poétique pour faire le deuil d’un amour », sur lemonde.fr, (consulté le ).

Articles connexes

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Bibliographie

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  • Guy Jouannet, L’Écran sourd - Les représentations du sourd dans la création cinématographique et audiovisuelle, éd. CTNERHI, collect. Flash Informations, 1999, 309 p. (ISBN 2-87710-126-6)
  • (en) John S. Schuchman, Hollywood Speaks: Deafness and the Film Entertainment Industry, éd. University of Illinois Press, 1999, 200 p. (ISBN 978-0-252-06850-8)
  • (en) Laguna Art Museum, Granville Redmond, Oakland Museum, Gallaudet University, (OCLC 20358505).

Périodique

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Documentaires

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  • Sourds et cinéma : une image floue ? réalisé par Kevin Morris, diffusé en dans L'Œil et la Main sur France 5
  • Vrais ou faux : les Sourds au cinéma, réalisé par Hélène Faucherre Arsic, diffusé en dans Signes sur RTS (Suisse)